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La marée noire massive causée par l’explosion de la plateforme pétrolière de Deepwater Horizon, dans le golfe du Mexique, a favorisé la prise de conscience des citoyens américains à propos des effets secondaires mortels de l’industrie pétrolière, de ses impacts négatifs qui ont été largement ressentis par les écosystèmes, écrit Horace Campbell. De surcroît, suite aux conférences de Copenhague et de Cochabamba, sur le changement climatique, elle a créé une autre base de coopération et de coordination parmi les militants écologistes dans toutes les parties du monde qui font campagne afin de ‘’ laisser le pétrole dans les profondeurs de la terre et des océans’’

La marée noire massive causée par l’explosion de la plateforme pétrolière de Deepwater Horizon, dans le golfe du Mexique, a favorisé la prise de conscience des citoyens américains à propos des effets secondaires mortels de l’industrie pétrolière, de ses impacts négatifs qui ont été largement ressentis par les écosystèmes, écrit Horace Campbell. De surcroît, suite aux conférences de Copenhague et de Cochabamba, sur le changement climatique, elle a créé une autre base de coopération et de coordination parmi les militants écologistes dans toutes les parties du monde qui font campagne afin de ‘’ laisser le pétrole dans les profondeurs de la terre et des océans’’.

C’était simplement une question de temps avant que la destruction systématique, perpétrée par les compagnies pétrolières dans le monde entier, finisse par pénétrer dans les salons des citoyens d’Amérique du Nord. Dans le sillage des tonnes de pétrole qui se déversent dans le golfe du Mexique et la destruction des côtes des Etats-Unis depuis le 20 avril, il y a eu une prise de conscience accrue de la criminalité et de la tuerie implicite qui, pendant des générations, ont eu lieu dans le sillage des compagnies pétrolières.

Une plateforme pétrolière, Deepwater Horizon, situé à environ 51 miles (82 km) au sud-ouest de Venice en Louisiane (Etats Unis) a explosé et a été ravagée par le feu le 20 avril, dans le golfe du Mexique, tuant 11 personnes et blessant d’autres membres de l’équipe, tout en envoyant des nuages de fumée noire dans le ciel. La nature exacte de l’explosion n’est toujours pas connue, celle-ci étant tenue secrète par la compagnie pétrolière, camouflée sous des couches de relations publiques et d’organisations d’ingénieurs financées par les géants pétroliers. Chaque jour qui passe, depuis le 20 avril, les citoyens américains en ont appris davantage à propos des pouvoirs illimités des compagnies d’énergie fossile qui opèrent sur tous les territoires de la planète.

La plateforme de forage semi-submersible, Deepwater Horizon, a été construite en Corée du Sud, mais est la possession de Transocean qui en assurait également le fonctionnement. Transocean est la plus grande compagnie de forage offshore du monde ; elle est enregistrée en Suisse. Transocean travaillait avec une compagnie de service pétrolier, Haliburton, louée par une compagnie britannique et qui arborait le pavillon des îles Marshall dans l’océan Pacifique. Ceci est l’un des aspects du business pétrole international, en particulier des forages en eaux profondes.

Il y a aussi l’opposition internationale en provenance de toues les parties monde, de là où les humains se préoccupent de l’environnement. Les citoyens de l’Alaska se sont opposés au forage depuis le désastre du tanker Exxon Valdez. Depuis la Bolivie, les populations autochtones appellent à la création d’un mouvement mondial des peuples pour la Terre Mère. C’est depuis la côte de l’Afrique de l’Ouest que les suppliques pour la Terre Mère sont les plus fortes, parce que les peuples de cette région ont depuis toujours soulevés les questions fondamentales concernant la sûreté et la sécurité des opérations des compagnies pétrolières.

Ces compagnies ont libéré des forces de destruction inimaginables sur les populations, l’environnement et les écosystèmes africains, et la marée noire du golfe du Mexique soulève à nouveau la question des forages pétroliers au 21ème siècle. Ces questions de destruction de l’environnement sont maintenant publiques, alors que les géants pétroliers se préparent à procéder à d’autres explorations pétrolières en eau profonde et d’exploiter des réserves en profondeur au large des côtes du Brésil et de l’Angola.

Mépris des humains et amour du profit.

Selon les termes de la morale du système capitaliste, des incidents comme l’actuel désastre du golfe du Mexique sont simplement le prix à payer pour faire des affaires dans l’industrie pétrolière. En terme militaire cela se dit ‘’ dommage collatéral’’. Cette analogie militaire est des plus appropriées compte tenu du fait que l’armée américaine sert d’agence de protection aux compagnies pétrolières. Nombreux sont ceux qui ont cru que la guerre en Irak avait pour but le pétrole et les peuples africains savent que l’AFRICOM a pour objectif de protéger les intérêts des compagnies pétrolières. La marine américaine a été en action dans tout le golfe de Guinée afin de donner une nouvelle image de l’Amérique en Afrique et de déployer toute sa puissance dominatrice.

Ce qui est bon pour le capitalisme est bon pour les militaires américains ; peu importe le nombre de morts et de blessés. Le bon capitaliste se mesure à l’aune de son profit. Les compagnies ont été en compétition depuis le temps de Bush-Cheyney pour voir qu’elle était la compagnie qui afficherait les profits les plus importants. En 2008, Exxon, la plus grande compagnie publique de vente de pétrole, a annoncé des profits records : ses revenus du deuxième trimestre ont augmenté de 14% et se sont élevés à 11.68 milliards de dollars. Selon le New York Times c’était le profit trimestriel le plus important jamais atteint par une compagnie américaine. Exxon qfaisait un profit par minute de presque 900 000 dollars.

Dans le premier trimestre de 2010, British Petroleum a annoncé un profit de 6.08 milliards de dollars, une augmentation de 2.56 milliards de dollars par rapport au premier trimestre de l’année dernière, en 2009. Le modèle business-militaire a été organisé autour de ruée sur le super profit, sans se préoccuper des dommages collatéraux aux humains et à la nature.

Afin de masquer les activités criminelles, nombre d’organisations qui servent de paravent ont été mises sur pied pour détourner l’attention des activités destructrices des compagnies pétrolières. Une de ces organisations de façade est l’American Petroleum Institute (API) Ses membres comprennent Exxon-Mobil, Shell, BP, Conoco Philips et d’autres, elle a pour mission de désinformer à propos des dangers réels que représentent les compagnies pétrolières.

Des intellectuels, des journalistes, des politiciens, des pseudo écologistes ont été pris dans les filets de ces compagnies, de sorte que seuls des désastres comme celui du golfe du Mexique, d’une magnitude telle que la vérité ne peut être ni arrangée ni cachée, peuvent leur résister. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé, parce que même avant qu’ils ne comparaissent devant le Congrès, les employés de BP, de concert avec Haliburton (associée à Dick Cheyney), ont continué à mettre la faute sur l’autre, dans le désastre actuel.

La désinformation et la propagande des compagnies pétrolières ont été intériorisées par les politiciens qui croient qu’il est nécessaire de fournir des encouragements aux compagnies pétrolières pour des forages offshores. Des brochures brillantes et des ramifications extensives au sommet des business schools reproduisent la fiction que les humains doivent dépendre du pétrole et du gaz comme principale source d’énergie pour les décennies à venir. Même avec l’avancée majeure de la physique à particule et la technologie solaire et éolienne, le business model des compagnies continue de prédire une demande en pétrole en augmentation constante. En fait les dirigeants de la désinformation de BP s’estiment eux-mêmes tellement talentueux dans l’art de la manipulation, que BP s’est promue elle-même au rang des compagnies favorables à l’environnement, annonçant que BP signifie ‘’ Beyond Petroleum’’ (au-delà du pétrole)

Au-delà du pétrole

L’échec du Sommet de Copenhague sur le réchauffement global (appelé changement climatique) a fait comprendre à l’humanité que la réalité des anciens modèles de business doit cesser si l’humanité veut survivre. Dans le sillage de la marée noire du golfe du Mexique, il y a eu de nombreux commentaires dans les médias anglo-américain, discutant des différentes marées noires et s’efforçant d’établir une hiérarchie des pires catastrophes de l’histoire résultant de la main de l’homme. Il y a maintenant des comparaisons avec le désastre de détroit du Prince William (Alaska) où l’Exxon Valdez avait échoué le 24 mars 1989. Vingt et un an plus tard, les populations et la faune souffrent toujours des effets du pétrole répandu, là où le tanker a déversé 10,8 millions de gallon (un gallon GB = 4.5 litres, un gallon US =3.5 litres) de brut dans la mer qui a généré un marée noire sur 1300 miles carré (3.366 km carré).

En raison de l’étroitesse et de la myopie des politiques américaines, les conséquences globales et internationales de désastres tel celui de l’Exxon Valdez ou de la plateforme de Deepwater Horizon, ne sont pas compris dans un contexte où un cumul de crimes devient international et requiert une coopération internationale. Certains écologistes ont établi une liste des principales marées noires dans les océans depuis 1940, mais on ne peut guère se baser sur ces informations, parce que de nombreux éléments présentés comme des faits par les journalistes concernant ces incidents ont été compromis par les opérations de relations publiques des compagnies pétrolières.

Les deux pires accidents sont survenus à quelques semaines d’intervalle en 1979. Le 3 juin, un puits a explosé à Campeche, dans le golfe du Mexique, causant l’incendie et l’effondrement de la plateforme. Il a fallu neuf mois à une équipe pour colmater le puits. Dans l’intervalle, 140 millions de gallon de brut se sont répandu dans l’eau. Les super tanker, Atlantic Empress et Aegan Captain, sont entrés en collision au large de Trinidad et Tobago le 19 juillet 1979, libérant 90 millions de gallons qui ont fini dans la mer des Caraïbes.

Entre 1971 et 2000, les gardes-côtes américains ont trouvé plus de 250 000 fois du pétrole dans les eaux américaines, selon le rapport de 2002 du US Department of the Interior Minerals Management Service. Environ 1,7, milliards de gallon (6,4 milliards litres) de pétrole ont pollué la terre et les mers, conséquence d’incidents avec des tankers, entre 1970 et 2009. L’organisation qui récolte les informations sur les marées noires à partir de tanker ou d’autres sources, la Tanker Owner Pollution Federation Limited (La fédération des propriétaires de tankers), en parlant de destruction, ne parle pas de pollution mais de perte de pétrole.

Les forages offshores pour du pétrole et du gaz à proximité de côtes américaines ont été bannis par le Congrès en 1981. Après le désastre de l’Exxon Valdez, il y a eu une telle indignation chez les écologistes que l’interdiction des forages offshore a été maintenue par le gouvernement américain. En 1990, le président Georges Bush (le père) a donné des ordres afin de maintenir l’interdiction. Cette interdiction a été révoquée par son fils, Georges W. Bush en 2008. Alors que cette interdiction était en vigueur aux Etats Unis, les compagnies pétrolières foraient et brûlaient les gaz en Afrique, témoignant d’un mépris complet et d’une absence de considération pour la vie des Africains. Le brûlage du gaz au Nigeria mérite une catégorie en lui-même, parce que la plupart de ces torches ont brûlé 24 heures par jour pendant plus de 40 ans.

Les torches brûlant des gaz, les pluies acides, les oléoducs qui fuient ont été si graves au Nigeria que des écologistes internationaux de Friends of the Earth se sont joints aux gens du delta du Niger afin de poursuivre en justice les compagnies pétrolières, pour qu’elles répondent de la pollution et des oléoducs percés de Shell qui contaminent les terres arables et les eaux poissonneuses

Avant le jugement rendu par la Cour de justice de La Haye, qui disait que les cour de justice néerlandaises étaient compétentes pour juger les activités de Shell au Nigeria, ces compagnies ont utilisé leurs vastes ressources pour empêcher les actions collectives visant à mettre un frein au réchauffement climatique. Ces compagnies sont un obstacle à l’effort concerté en vue de créer de nouvelles technologies. Ils promeuvent des auteurs qui déclarent que le réchauffement climatique est une farce. Ces auteurs, même s’ils se rendent en Afrique, produisent des écrits dans lesquels ils blâment les Africains pour la corruption et la pollution plutôt que les vrais coupables. Le dernier numéro du National Geographic Magazine contient un article intitulé’’ Le pétrole nigérian : la malédiction de l’or noir’’. On aurait bénéficié d’une indulgence si, après avoir lu cet article, on adoptait l’idée selon laquelle la raison principale de l’instabilité du Nigeria est le Mouvement pour l’Emancipation du delta du Niger.

Destruction et résistance en Afrique

La corruption et la destruction par les compagnies pétrolières n’apparaissent au grand jour que maintenant, dans le sillage des confrontations politiques et légales avec les compagnies pétrolières. Les gouvernements africains se sont compromis, des dictateurs ont été soutenus et des militants tués, alors que les compagnies pétrolières faisaient la loi. Que ce soit en Angola, en Guinée équatoriale, au Tchad, au Nigeria, en Afrique du Sud ou au Soudan, les activités intensifiées des compagnies pétrolières ont conduit des auteurs provenant d’institut d’études stratégiques à écrire des articles sur ‘’l’importance stratégique du pétrole africain pour les Etats-Unis’’ La quête de l’énergie pour les Etats-Unis en Afrique est présentée sans la moindre considération pour la vie des peuples africains.

Mais c’est justement en raison de la gravité de l’oppression en Afrique que les peuples africains ont résisté le plus. Ce n’est donc pas un hasard si, lors du Sommet de Copenhague de 2009, les forces les plus militantes provenaient des Africains alignés sur les écologistes d’Amérique Latine et du reste du monde. Pas un hasard si Lumumba Stanislaus Di Aping est apparu comme le défenseur des droits de tous les peuples et que Desmond Tutu a résumé l’attitude des pays riches lorsqu’il a dit que leurs propositions consistaient en une promesse d’incinérer les Africains.

De la résistance des peuples Ogoni dans le delta du Niger au centre toxique de la pollution pétrochimique à Durban (Afrique du Sud), de nouveaux militants se lèvent pour remettre en question les actions criminelles des compagnies pétrolières. C’est à Copenhague que l’appel a été lancé, disant que le problème n’est pas le changement climatique mais le changement de système. Cette prise de conscience a de nouveau été clairement articulée au cours de la semaine où a eu lieu le désastre du Golfe du Mexique, lorsque le Sommet de Cochabamba en Bolivie a produit la Déclaration Universelle des Droits de la Terre Mère.

Sont sortis de cette conférence des peuples en Bolivie quatre accords généraux.
Selon les médias, ils spécifient que :
- ceux qui violent ces droits et d’autres accords environnementaux internationaux sont passibles de suites légales (Une Cour de justice du climat),
- les pays pauvres doivent recevoir des compensations sous diverses formes pour une crise dans laquelle ils n’ont joué qu’un rôle mineur (La dette du climat) ;
- il devrait y avoir un mécanisme pour les peuples du monde entier pour faire entendre leurs vues sur ces sujets ; et, le plus important
- la nature devrait avoir des droits qui protègent les écosystèmes de l’annihilation

Cette déclaration s’éloigne du discours sur l’adaptation et l’atténuation des conséquences et ces autres formules qui proviennent des centres de réflexions occidentaux. Les militants progressistes de l’Afrique de l’Ouest ont maintenant une nouvelle base à laquelle se joindre afin de populariser la nouvelle lutte pour la transformation et un nouveau mode d’existence économique.

Après la pendaison de Ken Saro-Wiwa, il y a eu un rapport après l’autre qui documentait comment les multinationales pétrolières dans le delta du Niger menaçaient sérieusement les moyens de subsistance des communautés résidentes. Le langage même de ces rapports a contribué a discréditer les peuples du Nigeria et nombreux sont ceux qui ont été écrits comme si les actions criminelles des compagnies pétrolières pouvaient être changés par la persuasion morale et les lobbies écologistes. Toutefois, il est maintenant clair que les marées noires ne sont pas des accidents, mais des catastrophes du fait de l’homme qui répandent la pollution, la maladie et la mort. Les progressistes doivent maintenant dépasser la quantification des coûts des marées noires en terme monétaire.

La déclaration Universelle des Droits de la Terre Mère fournit une nouvelle tribune pour une action collective des progressistes. Le message de cette carte postale panafricaniste est le suivant : ceux qui soutiennent l’émancipation des peuples doivent reconsidérer la lutte armée comme base principale de la lutte. La lutte armée peut être soutenues par les progressistes lorsque toutes les autres formes de luttes politiques, légales, idéologiques et diplomatiques ont été épuisées. La possibilité des compagnies pétrolières de blâmer les militants et ‘’les voleurs’’ pour les dégâts à l’environnement tient à leur mainmise sur les médias internationaux. Pour ces raisons, les vrais révolutionnaires doivent reconsidérer les enlèvements comme une tactique dans la lutte pour la transformation.

Il est maintenant possible de s’affirmer dans la lutte pour la justice environnementale et cette lutte ne doit pas être compromise par des enlèvements. L’explosion de la plateforme de forage, qui a ensuite sombré dans le golfe du Mexique en avril, a généré une autre base de coopération et de coordination pour les militants écologistes dans toutes les parties du monde. Pour chaque jour où le pétrole jaillit des profondeurs de l’océan, les militants de tous les continents doivent accentuer leur opposition aux compagnies pétrolières afin que les citoyens du monde comprennent que la meilleure solution est de laisser le pétrole dans les profondeurs de la terre et des océans.

*Horace Campbell est un militant pour la paix. Il travaille à réaliser le rêve de feu Tajudeen Abdul Raheem qui consiste à construire l’unité africaine d’ici à 2015. Ce texte a été traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger

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