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Depuis une vingtaine d’années, des idées et des pratiques agricoles alternatives émergent. Il est ainsi question d’agriculture écologique, d’agriculture biologique, entre autres approches. Il est question, par là, de promouvoir une agriculture durable, en harmonie avec son environnement global, dans la quête d’une souveraineté alimentaire. Et en matière d’agriculture biologique, note Souleymane Bassoum, la production concourt aussi améliorer la santé de l’écosystème agricole, «incluant la biodiversité, les cycles biologiques et l’activité biologique du sol».

L’agriculture biologique est définie comme « un système holistique de gestion de la production qui promeut et améliore la santé de l’écosystème agricole, incluant la biodiversité, les cycles biologiques et l’activité biologique du sol. Elle met l’accent sur l’utilisation des pratiques de gestion au-dessus de l’application d’intrants ne provenant pas de la ferme et utilise des méthodes culturellement, organiquement et mécaniquement opposées aux matières premières ». L’agriculture biologique se singularise par le fait qu'elle est régie par des principes généraux et des programmes de certification. Elle met donc un accent sur le marché où elle fait valoir ses produits grâce à des labels, c'est à dire avec une protection légale. Ces principes sont les racines à partir desquelles l'agriculture biologique croit et se développe. Ils expriment la contribution qu’elle peut apporter au monde, et une vision pour améliorer toute l’agriculture dans le contexte international.

L'agriculture est une des activités humaines les plus fondamentales puisque toute personne doit se nourrir chaque jour. L'histoire, la culture et les valeurs collectives sont liées à l'agriculture. Les principes concernent l'agriculture au sens large, comprenant la façon dont les hommes entretiennent le sol, l'eau, les plantes, et les animaux (de façon à) afin de produire, de préparer et de distribuer la nourriture et les autres biens. Ils concernent aussi la manière dont les personnes interagissent avec les paysages vivants, liés les uns aux autres et forment l'héritage pour les générations futures.

Les principes de l'agriculture biologique servent à inspirer le mouvement biologique dans toute sa diversité. Ils guident les prises de position, les programmes et les règles élaborées par la Fédération Internationale des Mouvements d’Agriculture Biologique (IFOAM). Ils sont, de plus, présentés en vue de leur adoption dans le monde entier. L'Agriculture Biologique est basée sur les principes de santé, d’écologie, d'équité d’attention et de précaution

Le principe de santé

L'agriculture biologique devrait soutenir et améliorer la santé des sols, des plantes, des animaux, des hommes et de la planète, comme étant une et indivisible. Ce principe souligne que la santé des individus et des communautés ne peut être séparée de la santé des écosystèmes – un sol sain produit une culture saine qui donnera la santé aux animaux et aux personnes. La santé est la globalité et l'intégrité des systèmes vivants. Ce n'est pas seulement l'absence de maladies, mais le maintien d'un bien être physique, mental, social et écologique. L’immunité, la résistance et la régénération sont les caractéristiques clef de la santé.

Le rôle de l'agriculture biologique, que ce soit en production, en préparation, en transformation, en distribution ou en consommation, est de soutenir et d’accroître la santé des écosystèmes et des organismes du plus petit dans le sol jusqu'aux êtres humains. En particulier, l'agriculture biologique est destinée à produire des aliments de haute qualité, qui sont nutritifs et ont une fonction dans la prévention des maladies. En conséquence, elle se devrait d'éviter l'utilisation de fertilisants, pesticides, produits vétérinaires et additifs alimentaires qui peuvent avoir des effets pervers sur la santé.

Le Principe d’écologie

L'agriculture biologique devrait être basée sur les cycles et les systèmes écologiques vivants, s’accorder avec eux, les imiter et les aider à se maintenir. Ce principe enracine l'agriculture biologique dans les systèmes écologiques vivants. Il fait état que la production doit être basée sur des processus écologiques et de recyclage. La nutrition et le bien-être se manifestent par l'écologie de l'environnement spécifique de la production. Par exemple, dans le cas des cultures, c'est le sol vivant ; pour les animaux c'est l'écosystème de la ferme, pour les poissons et les organismes marins, c’est l'environnement aquatique.

Les systèmes culturaux, pastoraux et de cueillettes sauvages biologiques devraient s'adapter aux cycles et aux équilibres écologiques de la nature. Ces cycles sont universels, mais leur manifestation est spécifique à chaque site. La gestion biologique doit s'adapter aux conditions, à l'écologie, à la culture et à l'échelle locales. Les intrants devraient être réduits par leur réutilisation, recyclage et une gestion efficiente des matériaux et de l'énergie de façon à maintenir et améliorer la qualité environnementale et à préserver les ressources.

L'agriculture biologique devrait atteindre l'équilibre écologique au travers de la conception des systèmes de cultures, de la mise en place des habitats et de l'entretien de la diversité génétique et agricole. Ceux qui produisent, préparent, transforment, commercialisent et consomment des produits biologiques devraient protéger et agir au bénéfice de l'environnement commun, incluant le paysage, le climat, l'habitat, la biodiversité, l'air et l'eau.

Le principe d'équité

L'agriculture biologique devrait se construire sur des relations qui assurent l'équité par rapport à l’environnement commun et aux opportunités de la vie. L'équité est caractérisée par l'intégrité, le respect mutuel, la justice et la bonne gestion d'un monde partagé, aussi bien entre les personnes que dans leurs relations avec les autres êtres vivants.

Ce principe souligne que ceux qui sont engagés dans l'agriculture biologique devraient entretenir et cultiver les relations humaines d'une manière qui assure l'équité à tous les niveaux et pour tous les acteurs – producteurs, salariés agricoles, préparateurs, transformateurs, distributeurs, commerçants et consommateurs. L'agriculture biologique devrait fournir à chaque personne engagée une bonne qualité de vie et contribuer à la souveraineté alimentaire et à la réduction de la pauvreté. Elle vise à produire en suffisance des aliments et d’autres produits de bonne qualité. Ce principe insiste sur le fait que les animaux devraient être élevés dans les conditions de vie qui soient conformes à leur physiologie, à leurs comportements naturels et leur bien-être.

Les ressources naturelles et environnementales qui sont utilisées pour la production et la consommation devraient être gérées d'une façon qui soit socialement et écologiquement juste et en considération du respect des générations futures. L'équité demande à ce que les systèmes de production, de distribution et d'échange soient ouverts, équitables et prennent en compte les réels coûts environnementaux et sociaux.

Le principe de précaution

L'Agriculture Biologique devrait être conduite de manière précautionneuse prudente et responsable afin de protéger la santé et le bien-être des générations actuelles et futures ainsi que l'environnement. L'agriculture biologique est un système vivant et dynamique qui répond aux demandes et aux conditions internes et externes. Les acteurs de l'agriculture biologique peuvent améliorer l'efficacité et augmenter la productivité, mais ceci ne devrait pas se faire au risque de mettre en danger la santé et le bien-être.

Par conséquent, les nouvelles technologies ont besoin d'être évaluées et les méthodes existantes révisées. Etant donné la compréhension/ connaissance incomplète des écosystèmes et de l'agriculture, les précautions doivent être prises.

Ce principe établit que la précaution et la responsabilité sont les points clef des choix de gestion, de développement et de technologie en agriculture biologique. La science est nécessaire pour s'assurer que l'agriculture biologique est saine, sans risque sanitaire et écologique. Néanmoins, la connaissance scientifique seule n'est pas suffisante. L'expérience pratique, la sagesse et le savoir traditionnels et indigènes accumulés offrent des solutions valables et éprouvées par le temps. L'agriculture biologique devrait éviter de grands risques en adoptant des technologies appropriées et en rejetant les technologies imprévisibles, telles que le génie génétique. Les décisions devraient refléter les valeurs et les besoins de tous ceux qui pourraient être concernés, au travers de processus transparents et participatifs.

* Souleymane Bassoum est directeur d’Agrecol Afrique, directeur de la rédaction d’Acacia (revue de l’agriculture écologique en Afrique). Ce texte est extrait du n° 30 de cette revue.

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