Version imprimableEnvoyer par courrielversion PDF

Les paradigmes visuels occidentaux sont obsédés par le corps. Annwen Bates affirme que dans l'imagerie du “Black African other” (Noir Africain autre) et du VIH/SIDA, ceci se traduit par un mélange de “fascination macabre et d'horreur, une fois confronté à la mort du corps”

“Il n' y a que deux sortes de gens en Afrique: ceux infectés par VIH, et ceux affectés par ce virus.”

Ce sont là les mots contenus dans la dédicace d'un livret intitulé Positive Health (Santé Positive), qui est rempli de petits secrets pratiques pour vivre avec le VIH. La dédicace continue : “Si vous êtes infectés, le présent livre vous est destiné. Si vous n'êtes pas infectés, le présent livre est pour un ami, quelqu'un ou quelqu'une que vous aimez ou un(e) collègue.” Même dans nos propres rangs, nous sommes devenus un continent défini par un virus.

Cette définition de l'Afrique et des Africains m'inquiète beaucoup. D'une part parce que la réalité est que beaucoup de gens sont à la fois infectés et affectés par le virus, mais aussi parce que le VIH et le SIDA sont des termes réductionnistes en vogue qui se sont établis sur ce continent. Définir un continent entier et ses gens par un virus et un corps en décadence, un virus immuno-réduisant, rappelle les rumeurs au sujet de l'Afrique/des Africains.
Il y a beaucoup d’éléments de santé mentale et physique qui affectent nos communautés : diverses dépressions, cancers, mauvais fonctionnements et refus de fonctionnement d'organes, IST, rhumes communs et grippe, etc. A quand date le dernier cri mondial concernant la disponibilité limitée d'organes de donateurs en Afrique, ou des médicaments immuno-supprimant nécessaires pour les greffes ?

Peut-être que ces situations médicales ne constituent pas de bonnes histoires pour photo-journalisme. Dans le discours des paradigmes visuels occidentaux, il y a une affinité avec le corps. La présente affinité se transforme en un mélange de fascination et d'horreur une fois confrontée à la mort du corps. Dans l'imagerie de l'Africain Noir autre, dans un état de décomposition (et notre monde du 21ème siècle est loin de rompre avec ces stéréotypes), affinité et horreur se mêlent pour devenir des grandes pulsions humanitaires. Ceci, je pense, a donné au corps ravagé par le VIH/sida un grand cours visuel et médiatique en Occident. Non pas pour sous-estimer la souffrance de ceux qui sont morts pour des raisons liées au SIDA ou ceux qui souffrent toujours. La réalité médicale est qu'avec le système d'immunité compromis, le sida contourne souvent les conditions curables et les porte hors du contrôle des médecins, des médicaments et des solutions modernes. Et c'est le contrôle de la vie elle-même qui est la frontière ultime.

L'Occident pourrait ne plus être les maîtres coloniaux politiques, mais il y a un territoire qu'ils prétendent si bien connaître : la science, la médecine et le ‘corps- capable’. Il n'est pas surprenant que les images visuelles de l'Afrique, les potentialités de la science, la médecine et le "corps-capable" apparaissent rarement. L’image canon de l'Afrique comme défectueux alimente toujours l'afro-pessimisme, en Occident et ailleurs. Au cours des trois dernières années, j'ai fait la collecte de posters, de brochures, de livres comiques, de feuillets – toute documentation imprimée portant sur la santé publique ayant trait au VIH/SIDA dans mon petit coin du monde, Le Cap. Je suis parvenue à la conclusion que les organisations sud-africaines sont en train d'essayer d'aborder ce que l'on pourrait proposer d'appeler une ‘contre-histoire’ de la situation du VIH/SIDA.

Mon point de départ est l'aspect poétique de la situation : comment les espoirs, les réalités, les préoccupations et les idéologies de base se répandent dans les documents de santé publique (tant du gouvernement que des Ong) en mots et particulièrement en images. Il est particulièrement intéressant de regarder cette matière quant à sa façon de visualiser l'action : informer, prévenir, appuyer et agir.

La Campagne d'Action Traitement- Treatment Action Campaign (TAC) - fournit une excellente étude de cas d'une organisation qui visualise ce contre-discours d'Afro-habilitation. De plus, cette visualisation est intentionnelle. Comme toute autre campagne de nom-marque, ils ont reconnu la valeur d'une bonne image. Une photo vaut 1.000 mots, si ce n’est pas 1000$. Sur leur site Internet, ils reconnaissent la force des images visuelles dans l'avancement de leur cause en offrant l'usage gratuit de leurs images, aussi longtemps que l'organisation est reconnue. Il s'agit ici d'(Sud) Africains qui le font pour eux-mêmes. Telle est l'une des histoires qui entourent la matérialité de la plus vaste situation du VIH/SIDA en Afrique du Sud. En effet, il y a, en plus, certains qui font espérer et d'autres qui découragent.

Les représentations visuelles d'(Sud) Africains actifs face à un virus destructeur sous-tend un état psychologique social qui veut progresser. Ce n'est pas un rêve social de luxe ou de distraction, mais une partie d'une vérité sociale très réelle et qui fait espérer. Comme la vérité de lutter pour la liberté politique qui a alimenté de si nombreux mouvements sur notre continent.

Ce que la situation du VIH/SIDA a porté à notre attention est la politique de santé et par conséquent la politique même de la vie. Dans notre époque de plus en plus visuelle, nous reflétons cette politique dans les significations subtiles investies dans les images. Pour longtemps, des études post-coloniales ont fait le lobbying pour que les voix antérieurement réduites soient entendues. Je propose l'image comme la nouvelle voix, afin que l'on puisse dire: Il y a deux types de gens en Afrique : ceux qui sont représentés par d'autres et ceux qui choisissent comment ils se représentent eux-mêmes.

* Annwen E. Bates est professeur visiteur du cours d'Histoire de l'Art et Culture Visuelle à Rhodes University. Elles est diplômée d'UCT et de l'Université d'Oxford. Elle écrit avec regrets à propos de l'‘Afrique’ en tant qu'ensemble cohérent. Une perception qu'elle critique souvent et se tient disponible pour les invitations qui aident à élucider davantage la question.

* Veuillez envoyer vos commentaires à ou commentez en ligne sur www.pambazuka.org