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Alors que New York reçoit le Sommet des OMD cette semaine, Steve Sharra considère les problèmes affleurent derrière les apparents progrès dans l’égalité des genres, ainsi que certains éléments fondamentaux pour le développement qui manquent dans les objectifs fixés par les Nations Unies, notamment l’absence d’éducation à la paix.

Est-ce une pure coïncidence que le Sommet de 2010 sur les OMD ait eu lieu en même temps que la journée mondiale pour la paix ? Que ce soit une coïncidence ou non, le fait en lui-même fournit l’occasion d’examiner dans quelle mesure les OMD ont intégré la promotion d’une paix globale. L’idée de paix est absente des OMD. Ceci a stimulé un groupe de militants à déclarer ’’le dialogue interreligieux pour la paix’’, un objectif absent des OMD. Toutefois ce n’est pas le seul objectif absent comme le souligne un autre groupe de militants, ‘’The Charcoal Project’’ (le projet du charbon), qui ont entrepris de remédier à la pauvreté énergétique, celle-ci étant aussi absente des OMD. Je suis persuadé que chacun d’entre nous pourrait proposer un thème manquant aux OMD.

Il y a eu beaucoup de discussions avant le Sommet aux Nations Unies. Mais une a particulièrement retenu mon attention la semaine dernière. C’était sur la BBC, l’émission Have your Say (une émission citoyenne où chacun peut donner son avis à propos d’une chose : Ndlt). Lors de l’émission du jeudi 16 septembre, la discussion portait sur l’observation que de tous les huit objectifs des OMD, ceux qui avaient trait aux femmes étaient ceux qui avaient pris le plus de retard. La preuve de cette affirmation m’est venue d’une autre information qui célébrait les progrès du Ghana, qui se vantait d’être le premier pays africain à avoir atteint le premier des OMD, c'est-à-dire la diminution de moitié de la pauvreté. Mais ce même rapport observait aussi que le Ghana serait incapable de réaliser les objectifs concernant la santé des femmes et des enfants, à savoir les objectifs 4 et 5.

Est-il surprenant que des huit objectifs OMD celui ayant trait aux femmes soit le plus difficile à atteindre ? Considérez l’objectif numéro 3 qui promeut l’égalité des genres et valorise les femmes. Le but de cet objectif est d’arriver à une parité entre les genres tant dans les écoles primaire que secondaires jusqu’en 2005, ainsi qu’à tous les niveaux de l’éducation tertiaire d’ici 2015. Le rapport 2010 des OMD indique que globalement cette parité est presque atteinte, mais lorsqu’on considère les régions séparément, la réalité est différente. Quelques jours plus tard un rapport émanant des Etats-Unis déclarait que les femmes obtenaient plus de PhD (doctorat) que les hommes. C’était le dernier bastion du système d’éducation américain où les femmes n’étaient pas majoritaires. Il y a en permanence d’avantage de femmes dans les campus universitaires américains que d’hommes, avec certaines universités qui font état d’une proportion de 45/55 respectivement pour les hommes et les femmes. Ce sont ces chiffres-là qui influent sur les chiffres en provenance d’autres parties du monde comme l’Afrique subsaharienne où la proportion au niveau de l’éducation tertiaire est de 67 femmes pour 100 hommes. En Asie du Sud, la proportion est de 76 femmes pour cent hommes.

Considérant ces réalités en elles-mêmes, pourquoi ne pourrait-on pas conclure que les Etats-Unis et d’autres sociétés du Nord ont réussi la parité ? Ce n’est que lorsque l’on inclut d’autres indicateurs de pouvoir que les conclusions ci-dessus s’avèrent erronées. Bien que les Etats-Unis donnent l’impression d’être en avance, ils n’ont jamais eu une femme président dans leurs 234 ans d’existence. Le Sénat américain comprend 18 femmes et 82 hommes selon le Site Web ThisNation.com. Au Congrès les hommes représentent 83% (441 hommes) cependant que les femmes ne sont que le 17% (92) selon les chiffres trouvés sur Wikipedia 2009. En moyenne, une femme américaine gagne 75 cents pour chaque dollar gagné par un homme. Pour la première fois dans l’histoire des Etats-Unis, le président du Congrès est une femme. D’autres signes de disparité se trouvent dans la violence domestique faite aux femmes. Un groupe de militantes, Safe World for Women, estime que le nombre de femmes victime de violence sexuelle s’élève à une sur 6. Toutes les deux minutes une femme est agressée sexuellement aux Etats-Unis, selon le réseau Rape, Abuse & Incest National network (RAINN).

Il est évident que les femmes aux Etats-Unis ont non seulement réussi la parité mais l’ont même dépassée. Mais dans le domaine de la politique et autres domaines concernant les questions de genre, les Etats-Unis ne diffèrent pas des autres pays. Le pays au monde où la représentation des femmes est la meilleure est un pays africain : le Rwanda. Là, les femmes représentent 55% des parlementaires, une situation inégalée dans le reste du monde.

Lorsqu’on ne considère que les chiffres, l’inévitable question se pose : les femmes qui sont devenues des dirigeantes politiques font-elles mieux la promotion de la paix que les hommes ? Il serait facile de répondre à cette question si ce n’était le malentendu sur la signification des différences du genre et la nature du pouvoir politique implicite dans ses questions. Pour que les dirigeantes femmes puissent promouvoir la paix, il est nécessaire de changer le processus qui définit le genre et octroie le pouvoir. Le malentendu ne sera levé que lorsqu’on aura abandonné la confrontation et la compétition entre les hommes et les femmes, le féminin versus le masculin. Le progrès continuera a être élusif aussi longtemps que la discussion autour du genre comporte des arguments qui veulent prouver que les femmes sont les égales de l’homme en matière de force physique et d’endurance, de réussite académique et de représentation politique, de fortune et de style de gestion de leadership.

Pour que le pouvoir des femmes puisse s’exercer sans entrave et faire une réelle différence dans la promotion de la paix, la discussion doit prendre une autre tournure et passer de la compétition à celle de la collaboration. Des féministes érudites argumentent que les hommes autant que les femmes portent en eux aussi bien le féminin que le masculin. La différence provient de la façon dont nous sommes socialisés. Nous grandissons en apprenant une certaine façon d’être, selon le sens donné par la société qui en fait une exigence. Les normes sociales nous contraignent à nous conformer avant que de nous obliger à les miner lorsque nous usons de ses attentes et perceptions pour blâmer un genre d’être coopérant plutôt que compétitif, accommodant plutôt qu’intransigeant, soumis plutôt qu’agressif, doux plutôt que violent.

Une journaliste du Malawi, spécialisée dans les questions de genre, a récemment résumé cette contradiction parfaitement. Dans un article récent, Pénélope Paliani-Kamanga décrivait comment elle était dans un véhicule avec des collègues masculins. La voiture devant eux avançait plutôt lentement et les hommes ont conclu que le conducteur de cette voiture devait être une femme. Le moment venu, la voiture de Pénélope et de ses collègues a dépassé cette voiture et elle a noté que le conducteur était en fait un homme. Elle observe que les publicistes se font fort d’avancer comme argument de vente que la voiture en question a été conduite par une femme. Toutefois, sur la route beaucoup d’hommes font des remarques désobligeantes à l’égard des conductrices, les estimant incompétentes et inexpérimentées.

Les contradictions et les malentendus en ce qui concerne le genre ne sont pas l’apanage exclusif d’une section de la société. Un nombre égal d’hommes et de femmes ont des vues déformées à propos de l’infériorité des femmes et de leur incapacité à diriger. Autant d’hommes que de femmes croient que les femmes n’ont personne à blâmer sauf elles-mêmes dans les nombreuses situations où elles ne sont pas à la hauteur des hommes. Un tel exemple est apparu récemment lors d’une discussion à la radio qui marquait la journée mondiale de l’alphabétisation et dont le thème était ‘’Alphabétisation et le pouvoir des femmes’’. Un auditeur du programme en direct de Transworld Radio a déclaré que la raison pour laquelle, au Malawi, les femmes étaient plus souvent analphabètes que les hommes était qu’elles ne comprenaient pas l’importance de l’alphabétisation et que donc elles choisissaient de quitter l’école avant de savoir lire et écrire. Il n’y a pas de doute qu’il y a eu des femmes qui étaient d’accord avec ce point de vue. Egalement problématique est le stéréotype qui fait des femmes des victimes qui ont besoin des hommes pour obtenir du pouvoir.

Il est commun d’entendre des hommes et des femmes argumenter qu’il n’y a pas de raison pour des programmes d’égalité des genres. Il suffit que les femmes se donnent autant de mal que les hommes. On peut se demander si ceux qui avancent de tels arguments comprennent que deux des objectifs des OMD sont l’égalité et la santé maternelle. Est-ce qu’ils comprennent pourquoi certains pays africains ont créé des ministères entiers pour s’occuper des questions de genre et du développement des femmes ? Pourquoi tant d’universités dans le monde ont des départements et des programmes consacrés à l’étude des questions de genre et du développement des femmes ? Une surprenante statistique montre qu’au Malawi 70% des femmes pratiquent l’agriculture de subsistance mais que seule 4% d’entre elles sont propriétaire de leur terre. La solution facile consisterait à demander- à la manière des articles omniprésents dans les médias- que les femmes possèdent plus de terre. Problème résolu. Si c’était aussi simple.

Alors que les dirigeants du monde se rassemblent à New York afin de passer en révision les OMD cinq ans avant les échéances de 2015, la liste des objectifs qui manque va probablement s’accroître. Je saisis cette opportunité pour en ajouter un de plus : uMunthu-paix. But : réformer les programmes scolaires dans le monde entier, faire de toute l’éducation une éducation à la paix. C’est dans l’éducation à la paix et dans les études pour la paix que les progrès les plus significatifs ont été développés. Une telle perspective peut permettre à chacun des 8 objectifs d’être vu comme ayant pour but ultime la promotion de uMunthu, la paix et la justice sociale au niveau local et global, les rendant beaucoup plus pertinents à la majorité des citoyens du monde

* Steve Sharra a un blog a Afrika Aphukira, au Zeleza Post et au Paulo et Nita Freire International Project for critical pedagogy. Il écrit ici en son nom propre. Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger

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