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Si Madagascar s’achemine progressivement vers le retour à l’ordre constitutionnel, il faut parallèlement s’atteler à la réconciliation nationale, dont la nécessité est reconnue par la plupart. Le contour de cette réconciliation doit cependant être bien cerné pour une meilleure efficacité.

La Cour électorale spéciale (Ces) a proclamé le 6 février 2014 les résultats officiels des premières élections législatives de la Quatrième République. Cela conduira à la mise en place de l’Assemblée nationale, à la désignation du Premier ministre et à la formation du gouvernement. Après l’investiture du président de la République, la mise en place de ces nouvelles institutions constituera une étape majeure du processus de sortie de crise et de retour à l’ordre constitutionnel.

Malgré quelques velléités de contestation des résultats au départ, notamment ceux de la présidentielle, les proclamations officielles de la Ces ont été finalement acceptées. La présence du candidat Jean Louis Robinson et de politiciens issus de la Mouvance Ravalomanana à la cérémonie d’investiture du président Hery Rajaonarimampianina constitue un début d’évolution des mœurs politiques vers un comportement républicain.

Bien que parsemé d’embûches, aussi bien politiques que techniques, le processus électoral a pu finalement aboutir mais avec un retard sur le calendrier initial. Faute d’accord politique entre les protagonistes de la crise depuis pratiquement cinq ans, le SeFaFi a toujours estimé qu’il fallait trancher dans le vif en laissant la parole aux électeurs. Les résultats des élections présidentielles et législatives ont mis à nu le poids politique réel des uns et des autres, et démontré que le statut autoproclamé de représentant du peuple durant la Transition était une imposture.

Si les jeux sont faits, le déroulement des deux scrutins n’en demeure pas moins sujet à critiques. Le problème de la fiabilité de la liste électorale demeure. Les accusations de fraudes, massives ou non, ont entaché aussi bien la présidentielle que les législatives. Faute d’un règlement au fond des litiges par la Ces, le soupçon de fraudes persiste au sein de l’opinion, fragilisant la légitimité des nouveaux élus. L’utilisation des moyens de puissance publique et la violation flagrante des dispositions relatives à la neutralité des autorités de la Transition n’ont pas été sanctionnées dans les faits. Et la précipitation avec laquelle des observateurs internationaux et de la communauté internationale ont cautionné les élections est loin d’avoir instauré la confiance.

Quoi qu’il en soit, les résultats des précédentes élections et la tenue de futures élections sont aujourd’hui globalement acceptés. Il est clair que la population veut tourner la page de la Transition. Il convient d’en tirer les leçons.

Le devoir des acteurs du processus électoral est de déceler toutes les failles du système et d’y apporter les corrections nécessaires. Des améliorations importantes devraient être palpables dès les prochaines élections régionales et communales à organiser d’ici le milieu de l’année. Les expériences des dernières élections seront utiles vu que, selon l’exposé des motifs de la loi n° 2011-011 du 9 septembre 2011 relative aux élections communales et régionales, les « élections communales et régionales de la Quatrième République diffèrent des autres textes de loi relatif aux élections des collectivités territoriales du fait qu’il prévoit des opérations électorales simultanées pour les Communes et les Régions ».

Suite aux élections, il s’agit maintenant de mettre en place les institutions.

L’Assemblée nationale se réunira en séance spéciale le mardi 18 février 2014 pour procéder à la constitution de son bureau et à la formation des commissions parlementaires. C’est au cours de cette réunion que doivent être clairement définies la majorité parlementaire et l’opposition. Des tractations de couloir ont lieu pour la constitution de ces deux blocs. Si cela fait partie du jeu parlementaire normal, les négociations ne doivent pas relever du marchandage, du chantage et encore moins de la corruption. L’objectif doit être d’avoir une majorité parlementaire et/ou présidentielle claire et stable, ainsi qu’une opposition pouvant être une alternative crédible. D’autre part, dans le cadre de ces négociations, les nouveaux députés sauront-ils mettre en avant l’intérêt supérieur du pays et non leurs petits intérêts personnels ?

La première mission de la nouvelle Assemblée nationale sera de redorer le blason du Parlement, déjà discrédité sous la Troisième République avec l’absentéisme chronique des députés et leur course effrénée aux avantages.

Cette déconsidération s’est accentuée avec le Congrès de la Transition et le Conseil supérieur de la Transition. Les nouveaux députés auront-ils la noblesse d’esprit de revoir à la baisse leurs avantages ? Les indemnités parlementaires sont une garantie d’indépendance et doivent soustraire le parlementaire à toute tentation de corruption, mais ils doivent également tenir compte des moyens financiers du pays et du niveau de vie moyen de la population.

Pour restaurer la confiance et montrer que le changement est réel, les nouveaux députés doivent assumer pleinement leurs obligations. La première d’entre elles est d’assurer la fonction législative, c’est-à-dire d’élaborer des propositions de loi, de discuter et d’amender dans l’intérêt général les projets de loi du gouvernement. Combien de députés ont déjà des propositions de loi à soumettre ? Combien sont prêts à examiner les textes de loi article par article ?

La seconde est la fonction de contrôle du gouvernement. Le genre parlement-croupion et députés bénis oui-oui a fait son temps. La Constitution a donné aux députés des moyens de contrôle comme les questions orales et écrites, les commissions d’enquête parlementaire, la motion de censure. Ils doivent les utiliser à bon escient, non pour des règlements de compte politiques, mais pour le bien de la Nation. Dans ce cadre l’opposition, bénéficiant désormais d’un statut et dotée de moyens légaux, devra assumer pleinement son rôle afin d’être une alternative crédible pour les citoyens.

Les nouveaux membres de l’Assemblée nationale doivent comprendre leur rôle. L’article 62 de la Constitution leur fait porter le titre de « Député de Madagascar » et non pas de député de leur circonscription électorale. Cela signifie qu’ils doivent raisonner et agir en terme national et non pas local. Parler de développer un district, comme vient de le faire un député fraîchement élu, constitue un étalage d’ignorance flagrant.

Si Madagascar s’achemine progressivement vers le retour à l’ordre constitutionnel, il faut parallèlement s’atteler à la réconciliation nationale, dont la nécessité est reconnue par la plupart. Le contour de cette réconciliation doit cependant être bien cerné pour une meilleure efficacité. Par exemple, qui réconcilier ? De même pour l’organe chargé de cette délicate mission. Faut-il s’en tenir au Conseil national de réconciliation, dont les compétences et la volonté d’aboutir sont sujettes à caution ? Faut-il revenir au Conseil des églises chrétiennes à Madagascar (Ffkm) ? Faut-il recourir à des expertises extérieures comme celle de la communauté romaine de Sant’Egidio ou des Elders ? Il faut en tout cas éviter que les organismes internationaux ne versent de nouveau dans la surenchère comme pour la médiation de la crise politique malgache. Par contre, en termes de réconciliation, une chose est sûre : il faut réconcilier les Malgaches avec la politique.

Antananarivo, 11 février 2014

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