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J B

Les dirigeants du monde se sont réunis à New York afin de faire le bilan des activités en faveur des OMD. Les solutions pour atteindre les objectifs des OMD sont connues et peu coûteuses. Les pays donateurs, les dirigeants africains et les citoyens peuvent contribuer à un meilleur futur commun, soutient Charles Abugre. Les engagements à respecter et les décisions à prendre ne sont pas hors de portée.

Une mère berce son nouveau-né dans la joie plutôt que dans la douleur. Au cours du travail, le bébé était en mauvaise position, mettant la vie de la mère et de l’enfant en péril. Mais une accoucheuse compétente a tourné l’enfant et a sauvé leur vie.

Grâce aux OMD, les dirigeants du monde se sont accordés en l’an 2000 afin d’améliorer le sort des pauvres, des malades, des affamés. Des naissances assistées par des accoucheuses compétentes n’ont jamais été aussi nombreuses en Afrique. Le Bénin est le pays qui a fait le plus de progrès et même la RDC, éprouvée par la guerre, et l’Angola ont relevé le défi. L’Angola a divisé par deux ses décès maternels.

Grâce à l’impulsion donnée par les OMD, les femmes enceintes et les nouveaux-nés reçoivent des soins périnataux gratuits. Les soins se poursuivent tout au long de la période d’allaitement qui fortifie le corps et l’esprit de l’enfant, une politique peu coûteuse mise en place par le Ghana, le Malawi, l’Ethiopie, la Tanzanie et le Rwanda. Grâce aux défis des OMD, il a de bonnes chances d’échapper aux maladies meurtrières de l’enfance africaine parce que des travailleurs de la santé ont été engagés et formés à distribuer des objets essentiels comme des moustiquaires et des antipaludéens améliorés et ce dans tous les pays où les soins périnataux sont gratuits. Des pays auxquels s’ajoutent la Zambie et le Niger. La mortalité due au paludisme a diminué de moitié dans toute l’Afrique. De surcroît, les vaccinations, y compris contre la rougeole et la tuberculose, ont pris un bel essor sauvant ainsi 6 millions de vies.

Les dirigeants du monde réunis à New York ont à se pencher sur ces victoires. Ils doivent se souvenir lorsqu’ils se demandent si ces objectifs sont réalistes, que les indicateurs concernant la mortalité maternelle et infantile, la faim, la pauvreté et la maladie proviennent de certains des pays les plus pauvres de l’Afrique subsaharienne. Avant la crise financière mondiale, la faim a diminué de 75% au Ghana et dans une moindre mesure à Djibouti, au Mozambique, au Tchad, au Bénin, au Mali, en Gambie, en Ouganda, au Burkina Faso et au Togo. La populeuse Ethiopie, l’Egypte et l’Angola ont diminué de moitié la prévalence de la pauvreté. Bien que les objectifs aient été définis en 2000, les changements sont vraiment apparus en 2004. Tout est donc arrivé vite.

Aujourd’hui, au seuil des 5 ans qui mènent à l’échéance, nous savons ce qui produit des résultats. Il y a un certain nombre de solutions qui ont fait leurs preuves et sont peu coûteuses.

Notamment :

- Augmenter le budget de la santé ;

- Procéder à des rabais sur les engrais financés par l’argent public diminueront la faim. Au Nigeria où des paysans ont eu accès aux engrais et à des technologies simples, à des crédits et au marché, leurs revenus ont augmenté de 50% pour un investissement de seulement 80 dollars par an. Une aide à l’entreposage des récoltes dans 8 autres pays a permis une multiplication par 4 de la récolte.

- La médecine préventive à bas coût pour les enfants pourrait préserver 6 millions des onze millions de vies d’enfants qui meurent chaque année. Ceci inclut l’allaitement pendant 6 mois, des suppléments nutritifs jusqu’à l’âge de deux ans, des moustiquaires, des antibiotiques pour les infections respiratoires et des sels de réhydratation orale pour les maladies diarrhéiques

- Des dons en espèces aux plus démunis comme les adolescents orphelins, les vieillards, les familles sans gagne-pain, dans le but de diminuer la pauvreté. Le Kenya, l’Afrique du Sud, l’Ile Maurice, la Namibie et le Lesotho, parmi d’autres, ont financés ces dons par des taxes. Les sommes en question sont minimes : 3 dollars par mois ont aidé à améliorer la santé, l’éducation et la nutrition des orphelins au Kenya. Une somme de 2 dollars par mois à des familles au Malawi sans gagne-pain a diminué le travail des enfants.

Dans l’intervalle, les crises alimentaires et financières ont eu un impact dévastateur sur les plus pauvres, même si des chiffres concernant leurs effets ne sont pas disponibles. Même avant la crise économique globale, et malgré les progrès réalisés ailleurs, la pauvreté a gagné du terrain au Nigeria et au Zimbabwe. Cependant que la femme et son enfant décrits plus haut ont été sauvés, une femme sur sept meurt en couche dans l’Afrique subsaharienne (en Irlande une femme sur 48 000).

En Afrique, un enfant sur trois est sous alimenté, causant un retard de croissance irréversible. Presque partout, les régions rurales sont plus mal loties que les zones urbaines. La mortalité infantile est parmi les plus élevées au monde en Guinée équatoriale. Au Tchad et en RDC, le pourcentage des affamés a doublé.

L’accès à l’eau potable et à l’hygiène de l’environnement n’a fait que peu de progrès : les deux tiers de la population de l’Afrique subsaharienne n’a pas accès à des installations sanitaires. Et bien que la scolarisation progresse, 38 millions d’enfants ne vont pas à l’école. (en Afrique du Nord ce sont surtout les filles). Et le négatif s’accumule : l’immunisation en Ethiopie et au Soudan va diminuant. L’Afrique porte les trois quarts des malades du sida. La majeure partie du personnel de santé est inadéquate. Dans certains pays, un seul service d’obstétrique et de gynécologie sert tout un Etat ou une province de millions d’habitants. La diminution du financement de la vaccination contre la rougeole pourrait être responsable d’une mortalité allant jusqu’à 1,7 millions de personne.

Le Sommet de cette semaine doit amener les dirigeants du monde à concentrer leur attention sur les échecs des politiques poursuivies qui ont entraîné ces résultats tragiques et à un engagement à redoubler leurs efforts. Tourner le dos à la situation actuelle serait, comme l’a dit le secrétaire Général Ban Ki Moon, moralement et pratiquement inacceptable et ne ferait que multiplier les dangers dans le monde : instabilité, violence, maladies épidémiques, surpopulation et dégradation de l’environnement. Les progrès doivent avoir lieu sur plusieurs fronts en même temps. La pauvreté extrême tue par les effets cumulés de la malnutrition, d’infrastructure et d’un système de santé déficients, et d’autres choses encore.

Voilà à quoi les engagements devraient ressembler pour la petite fille, lorsqu’elle aura atteint l’âge de la scolarité : sa scolarité sera gratuite si elle est au Burundi ou en Tanzanie où les frais d’inscription ont été abolis en vue de l’atteinte des objectifs des OMD. En conséquence de quoi presque tous les enfants vont à l’école (la Zambie suit de près et en Mauritanie où on a doublé le budget de l’éducation, l’inscription des filles a fortement augmenté). L’Ethiopie a augmenté son budget pour l’éducation, a financé les livres scolaires dans les langues locales et construits des écoles rurales. La Tanzanie a recruté des enseignants et introduit des périodes additionnelles pour faire face à la demande. La Gambie a investi dans la formation des enseignants.

Lorsque la petite fille sera dans une école propre, elle pourra y être vaccinée, y recevoir un bon repas et ainsi sortir d’un cercle vicieux. En meilleure santé, elle sera moins souvent absente. Comme elle fréquentera l’école régulièrement, elle aura de meilleure chance de finir sa scolarité. Ayant une meilleure formation, elle prendra de plus saines décisions une fois adulte. Et ainsi de suite. Si l’école gouvernementale se procure les aliments pour les repas gratuits auprès d’un paysan local, le revenu local va augmenter. Et davantage d’enfants pourront manger. Ils seront en meilleure santé et ne manqueront pas l’école. L’engagement permettra à ces enfants, certificat en poche, de trouver un travail décent, grâce à des politiques efficaces et équitables d’imposition. Employés, ils paieront des impôts ce qui financera d’autres écoles, cliniques, etc.

Les dirigeants doivent aussi prendre courage parce que le contexte africain est maintenant meilleur à beaucoup d’égard qu’en 2000. Les économies récupèrent. Nos abondantes ressources naturelles sont très prisées. Il y a moins d’inflation, moins de dettes et de meilleures opportunités pour des emprunts et l’augmentation des impôts (il faut aussi arrêter l’évasion fiscale et la fraude). Une large prise de conscience a donné naissance à de nouvelles coalitions qui maintenant collaborent. Les institutions publiques responsables des services sociaux pour les plus pauvres sont en meilleur état. La tendance à décentraliser, qui déplace l’argent et le pouvoir vers des localités provinciales, permet aux citoyens de mieux surveiller la gouvernance et les dépenses de leurs dirigeants.

Le paysage politique est aussi plus propice, avec moins de conflits armés et moins de dictatures militaires. Et nous autres Africains en quête de justice sommes soutenus par un mouvement global, des pressions qui ont aidé à diminuer le poids de la dette africaine laissant ainsi d’avantage d’argent aux gouvernements en faveur des OMD.

Voilà ce qui doit se produire pour l’avenir :

- Pays donateurs : honorez votre partie du contrat et réalisez vos promesses. Arrêtez d’associer l’aide humanitaire à des processus macroéconomiques et politiques qui ne favorisent pas la croissance et le développement en faveur des pauvres. Une gestion économique prudente favorise le développement. Mais lier l’aide à des conditions inéquitables est en effet une sentence de mort pour des millions de femmes et d’enfants les plus pauvres. Le seul objectif de l’aide doit être la réduction de la pauvreté. Si vous voulez promouvoir la démocratie, vous devez comprendre que les élections à elles seules - aussi importantes soient-elles- ne peuvent constituer en elles-mêmes une démocratie qui fonctionne. Nous avons besoin d’emplois. Les impôts qu’ils génèrent servent à soutenir nos institutions démocratiques. Fermez les paradis fiscaux qui permettent la fuite illégale des capitaux. Tout cela - et la création d’emplois afin que nous ne soyons pas dépendants uniquement des matières premières - est indissociable d’un processus démocratique.

- Et vous les dirigeants africains qui n’avez pas progressé : vous devez avoir plus de volonté pour améliorer le sort de vos concitoyens les plus pauvres, comme vous l’avez promis lorsque vous avez signé les OMD en 2000. Ces objectifs vous obligent à fournir des services de santé, de l’eau potable, les égouts et la scolarisation de vos citoyens. Construisez sur ce qui porte des résultats afin de progresser en cette période de promesses plus importante que jamais. Obtenez les revenus requis pour réaliser vos engagements. Luttez pour des règles commerciales et financières qui servent la justice. Annoncez que vous voulez abolir la pauvreté et les démarches correctes que vous avez entreprises à cette fin et nous vous soutiendrons.

- Citoyens : reconnaissez vos responsabilités et que votre voix puissante exige des dirigeants et des fonctionnaires qu’ils se mettent à l’ouvrage sérieusement. Les Africains ne doivent plus acquiescer en silence à la mauvaise gouvernance et à des services déplorables que ce soit pour les écoles, les hôpitaux ou les bâtiments administratifs. Nous méritons, nous demandons, nous exigeons des compétences et des résultats pour les dépenses publiques. Ce qui signifie surveiller ceux qui nous gouvernent afin de débusquer la corruption et le gaspillage

Nos destins, au Nord comme au Sud, urbains ou ruraux, riches ou pauvres, sont liés. Notre futur commun dépend de notre puissant engagement pour mettre un terme à la souffrance de la pauvreté extrême, de garantir à chaque nouveau-né- comme la petite fille dans les bras de sa mère- les biens de premières nécessités que nous savons fournir. Pour l’instant, minuscule mais vivante avec un grand potentiel, elle attend notre action.

* Charles Abugre est le directeur régional africain des OMD – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger

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