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Reconnue et soutenue par un nombre considérable de pays et de gouvernements du monde entier, la République arabe démocratique sahraouie du Sahara occidental fait l’objet d’une colonisation et d’une exploitation qui, écrit Peter Kenworthy, doivent prendre fin.

« Nous faisons appel à tous les acteurs internationaux influents pour qu’ils prennent des mesures immédiates, y compris exercer des pressions et imposer des sanctions au gouvernement marocain afin de mettre un terme à ce conflit », a déclaré Mohamed Abdelaziz, président de la République arabe démocratique sahraouie du Sahara occidental (RASD), lors du 35ème anniversaire de la proclamation de la République. Il s’adressait à ses compatriotes lors de cet anniversaire en présence de nombreuses délégations étrangères venues du monde entier. Il s’adressait aussi aux pays qui n’étaient pas représentés.

Pour ceux qui ne savent pas ce qu’est la RASD, et malheureusement ils sont nombreux, elle est le gouvernement en exil du peuple du Sahara occidental, les Sahraouis, reconnu au niveau international. Le gouvernement de la RASD est membre de l’Union africaine. Elle a un président, un Premier Ministre, un système judiciaire, des départements ministériels et un parlement, comme n’importe quel autre pays du monde.

La raison pour laquelle ce conflit est généralement inconnu aux Etats-Unis et en France, tous deux membres permanents du Conseil de Sécurité, ainsi qu’en Espagne, tient probablement au fait que ces pays ne sont pas intéressés à changer le statu quo qui, croient-ils, profite à leurs intérêts stratégiques et financiers. Par ailleurs les conflits de basse intensité tel celui du Sahara occidental n’intéresse guère les médias.

La caractéristique du gouvernement de la RASD réside dans le fait que celui-ci est établi dans un camp de réfugiés près de Tindouf, en Algérie voisine. La raison pour laquelle la RASD et de nombreux Sahraouis sont exilés dans des camps inhospitaliers du désert algérien, où des milliers de personnes se sont réfugiées pour échapper aux troupes marocaines en 1975, est que le Maroc occupe illégalement, depuis 35 ans, les trois quarts du territoire du Sahara occidental, là où sont les ressources et la terre la plus fertile. Ce Maroc qui exerce une répression brutale à l’encontre de toute personne, à l’intérieur du territoire, qui ose remettre en cause son pouvoir, même pacifiquement.

Les Sahraouis ont été impliqués dans une lutte non violente contre le Maroc afin d’obtenir le contrôle de tout le Sahara occidental, depuis le cessez le feu négocié en septembre 1991 qui a mis fin à la lutte armée entre les deux parties. Bien que le Sahara occidental sous contrôle de la RASD soit entièrement dépendant de l’aide extérieure, la vie dans les camps près de Tindouf n’est pas faite que de conflits et de désespoir. En effet, comme l’ont découvert les délégations étrangères lors des célébrations d’anniversaire, les Sahraouis sont aussi accueillants que fiers de montrer leur culture, et fervents dans leur demande de reconnaissance politique et nationale. Ils demandent aussi que se tienne le référendum sur le statut du Sahara Occidental exigé par les Nations Unies et le droit international depuis 1975 et qu’ils attendent toujours.

J’en ai pour la première fois fait l’expérience alors que je faisais partie de la délégation danoise et que je logeais au camp du ’27 Février’ près de Tindouf. Là, j’ai brièvement vécu et établi des relations, dans les maisons et les tentes de la population de ce camp où on m’a offert à manger où j’ai bu d’innombrables tasses de thé sahraoui et participé à des discussions sur le Sahara occidental et les développements de la situation en Libye. La discussion concernant cette dernière était particulièrement nourrie du fait de la présence de la télé dans l’espace commun où familles et amis se rassemblaient pour boire du thé, discuter et regarder les chaînes d’Al Jazeera et d’Al Arabiya.

Il y a quatre grands camps de réfugiés sahraouis ainsi que des camps satellites plus petits comme le camp du 27 Février. Ces camps comptent 165 000 réfugiés selon le Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR). Ce chiffre est réfuté par les Marocains pour des raisons politiques. Ces camps se trouvent à proximité de Tindouf, dans une région connue sous le nom des Jardins du diable où la température en été atteint les 50°C. La région comporte peu de végétation et connaît de nombreuses tempêtes de sable. L’eau de boisson doit être amenée par camions citerne et nombreux sont ceux qui souffrent de carences nutritionnelles.

Malgré ces défis, la RASD et les Sahraouis semblent faire face avec brio. Le niveau de scolarisation dans les camps était très élevé, principalement parce que le gouvernement de la RASD a fait de l’éducation sa priorité. Environ 90% de la population est alphabétisée dans un contexte régional où le taux d’alphabétisation est d’environ 50%. Ce qui représente une augmentation de 10% depuis 1975, lorsque les Sahraouis sont arrivés dans les camps. Les femmes sahraouies sont aussi considérées comme parmi les plus libérées du monde arabo-musulman.

Ces éléments renforcent l’impression qu’ont eu les délégations étrangères, que la République est bien organisée et que les Sahraouis ont pris le parti de s’accommoder au mieux de la situation en attendant que le monde les aide à retrouver leur patrie dans son intégralité

Mais lorsqu’on se rend à Tifariti, dans la partie du Sahara occidental contrôlée par la RASD, à partir des camps de Tindouf où la première partie des célébrations s’est déroulée, la précarité de la situation de ces 165 000 personnes dans ces camps près de Tindouf apparaît vraiment. Le désert peut, peut-être, subvenir aux besoins de Bédouins éparpillés dans leur campement temporaire avec leurs chèvres qui circulent librement et leurs chameaux, comme ceux que nous avons croisés. Mais il ne peut certainement pas subvenir aux besoins d’une population aussi dense. La région est vaste, étonnamment belle et diversement colorée, un désert où le sable a été brûlé pendant des années par un soleil impitoyable. Cette partie du désert paraît presque noire. Hormis les animaux semi domestiqués appartenant aux Bédouins, il n’y avait que peu de vie animale, si on excepte quelques oiseaux et lézards.

En fait la seule construction humaine que nous avons rencontrée, au cours des 6 heures que dure le voyage en voiture jusqu’à Tifariti, est le mur marocain appelé ‘Berm ‘ ou ‘Mur de la honte’’ comme le désigne les Sahraouis. Il est surveillé par des milliers de soldats, le terrain alentour est lourdement miné, avec quelques 6 millions de mines, et s’étend et divise toute la longueur du Sahara occidental. Le mur a été et reste une tentative des Marocains de protéger les ressources qu’ils exploitent illégalement. Ce qui signifie pour les Sahraouis, outre le symbole de l’occupation de leurs terres, que les familles ont été séparées depuis des années compte tenu du fait qu’il est pratiquement impossible de passer de l’autre côté. Il s’avère en effet, que les militants qui vivent dans la partie contrôlée par les Marocains ont dû faire un long détour par l’Algérie ou la Mauritanie pour pouvoir participer aux célébrations à Tifariti.

La ville de Tifariti est sise dans le Sahara Occidental, à la frontière de la Mauritanie et compte une population d’envions 3000 personnes, nombre d’entre elles vivant dans des tentes éparpillées. Il y aussi un hôpital, une école et de nombreuses maisons en construction. Tifariti a été la scène de nombreux affrontements au cours de la guerre du Sahara occidental (1975-1991) entre les forces marocaines et le Polisario, le mouvement de libération du Sahara occidental qui fait partie du gouvernement. Des maisons en ruines, détruites durant cette guerre, des obus et des missiles éparpillés sont les témoins de cet épisode, en particulier du fait des sévères bombardement sur Tifariti deux semaines avant qu’un cessez le feu, déjà adopté entre le Maroc et le Polisario, n’entre en force en août 1991.

Tifariti a toujours une présence militaire comme en témoignent les ordres aux soldats de l’Armée de Libération du peuple sahraouis qui résonnaient dans l’air de ce matin du 27 février, le jour anniversaire de la République. En fait, la première manifestation de cette journée a été une immense parade militaire dans un petit stade où défilaient des milliers de soldats, chaque unité représentant une région différente. Elles paradaient devant une foule de femmes qui hululaient et des délégations étrangères. La connotation militaire de la célébration se manifestait par la tenue militaire du président Abdelaziz. La dimension de la parade elle-même, qui a inclus des milliers de soldats, hommes et femmes, des soldats à dos de chameaux, reflète un potentiel de conflit physique actif. C’était aussi un message aux Marocains que de leur faire voir la force et la détermination du Polisario. Pour enfoncer encore le clou, l’annonceur a déclaré, au cours de la parade militaire, que les Sahraouis peuvent être fiers de leur armée qui ’’ a gagné d’importantes victoire militaires garantissant ainsi que le Maroc ne pourra pas vaincre contre les militaires du Sahara occidental.’’

Les 82 étendards qui pavoisaient le terrain de parade représentaient principalement des nations africaines, asiatiques et sud-américaines qui reconnaissent la légitimité du gouvernement de la RASD aux yeux du monde. Par contre, aucun pays ne reconnaît la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Cette reconnaissance de légitimité a été renforcée par la présence de nombreux médias, entre autres, Reuters, Associated Press, EFE, Cardena Ser, France Presse, ainsi que par la présence de nombreux ambassadeurs, parlementaires, militants, représentants d’ONG et autres en provenance du monde entier. La TV sahraouie a diffusé tout au long de la journée afin de garantir que tous les Sahraouis dans les camps et de la diaspora puissent participer aux célébrations.

‘’Inviter le monde a fait partie des célébrations. C’est aussi vous montrer que le Sahara occidental est plus qu’un conflit et des camps de réfugiés’’, m’a dit le représentant du Polisario au Danemark, Abba Malainin. Ce point de vue a été encore reflété dans les discours qui ont suivi la parade. Le président de la République, Mohammed Abdelaziz, a aussi parlé des ‘’ressources et de la détermination du peuple sahraoui qui s’efforce de construire une société sahraouie moderne et qui a déjà obtenu de très bons résultats dans la sphère politique, diplomatique, militaire et sociale ainsi que dans des domaines essentiels comme l’éducation, la santé et d’autres.’’ D’autres discours, en particulier celui du représentant du parlement algérien et de l’Union africaine, ont eu une teneur similaire

Les délégués, qui se sont adressés l’audience plus tard dans la soirée, lors du programme comprenant de la musique, du théâtre, de la lecture de poèmes de nationalistes sahraouis et autres évènements culturels ont parlé de leur soutien à la cause de l’indépendance du Sahara occidental. Le discours de l’ambassadeur d’Afrique du Sud en Algérie, Ashraf Suliman, dans lequel il promettait de ‘’continuer à travailler avec nos frères et sœur du Sahara occidental’’ et de l’ambassadeur de Cuba, Eumelio Caballero qui a déclaré ‘’qu’il n’y avait pas de choix que l’indépendance du Sahara occidental’’, résument les nombreuses manifestations de soutien. Le programme du soir a été une diversion bienvenue après une journée de discours sérieux, autant pour les délégués que pour les milliers de soldats sahraouis qui avaient paradé et dont les campements improvisés étaient éparpillés dans le paysage.

La journée suivante a été consacrée en partie à la culture sahraouie dans une gigantesque exhibition dans le camp de Smara. Egalement, il a été question de choses pressantes comme celles concernant les ressources naturelles. Le ministre de la Reconstruction et de l’urbanisation, Salek Baba, a cité le manque d’eau dans les territoires contrôlés par la République comme étant un des problèmes principaux. « Le peuple sahraoui veut demeurer dans les zones libérées, mais il a besoin d’eau à cette fin», a-t-il déclaré.

Un programme de reconstruction du Sahara occidental contrôlé par la », a-t-il déclaré est donc en cours, avec Tifariti comme zone qui va initialement en bénéficier le plus. ‘’Mais le Maroc veut délibérément paupériser les citoyens de la zone libérée du Sahara occidental’’, a continué Salek Baba et à cette fin ’’il exerce une grande pression sur les organisations qui essaient d’aider à la reconstruction’’. Des installations solaires et éoliennes ont été vues qui promettent une source d’énergie qui pourrait alimenter des pompes à eau. Les sources d’énergies conventionnelles sont inadéquates et coûteuses pour ravitailler les nombreux endroits isolés du Sahara occidental. Mais les installations solaires et éoliennes sont parfaites parce que le Sahara a du soleil et du vent en abondance.

Il était clair pour les participants aux célébrations de la », a-t-il déclaré, qu’autant la solidarité d’une partie importante du monde que les solutions constructives à des problèmes spécifiques, comme l’accès à des ressources vitales comme l’eau, étaient en place. Toutefois le problème n’était pas tellement les gouvernements, organisations et personnes présentes, mais bien les absents. Bien que nombre d’éléments peuvent faire croire que le conflit du Sahara occidental est complexe et difficile à résoudre, en réalité c’est un problème simple de colonisation qui a une solution simple.

Premièrement, il est évident que toute solution doit impliquer les membres permanents du Conseil de Sécurité, en particulier les Etats Unis et la France qui ont des intérêts stratégiques et politiques qui les conduisent à exercer leur droit de veto sur toute sanction des Nations Unies concernant le Sahara occidental.

Deuxièmement, il est aussi évident que les gouvernements, les compagnies de l’Union européenne et l’ancienne puissance coloniale du Sahara occidental, l’Espagne (l’administrateur de jure du Sahara occidental selon le droit international) doivent jouer un rôle, avec entre autres raisons, la présence d’une grande flottille de bateaux de pêches espagnols dans les eaux du Sahara occidental occupé, la vente en grande quantité de ressources illégalement acquises comme le phosphate et l’importance de ces ventes illégales dans le financement de la colonisation du Sahara occidental par le Maroc.

Troisièmement, il est également évident que la solution doit inclure certains changements au Maroc même, compte tenu des enjeux pour celui-ci aussi bien d’un point de vue financier que du maintien au pouvoir actuel. En d’autres termes, le régime marocain actuel et son armée utilisent le Sahara occidental aussi bien pour faire diversion à propos de leurs problèmes internes et du mécontentement de la population marocaine, que comme source de revenus considérables

Comme l’a énoncé le ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisation, Salek Baba, au cours des célébrations et en référence aux récents soulèvements pro démocratiques en Tunisie et en Egypte, ’’ les politiques comme celles promues par le Maroc ne durent pas pour toujours’’. Et comme l’a répété avec insistance le président Abdelaziz, le Polisario n’a pas de querelle avec le peuple marocain mais seulement avec son régime non démocratique.

* Peter Kenworthy est en charge de la communication de Africa Contact. Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger

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