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Une série de personnalités suisses et internationales appellent à restaurer le primat du politique sur la toute-puissance des marchés. Avant qu’il ne soit trop tard. Le défaut de régulation, local, régional, national et mondial, engendre des vulnérabilités des grands équilibres qui nous font vivre.

La débâcle économique et écologique à laquelle nous assistons découle de la perte organisée du contrôle des instances politiques sur les grands choix collectifs. L’idéologie néolibérale qui domine en partie le monde politique est fondée sur la croyance, quasi religieuse, en la toute-puissance des marchés ; elle marginalise la sphère démocratique. Or, les conséquences du défaut de régulation, local et global, sont d’ores et déjà dramatiques : les inégalités explosent, les limites des ressources naturelles et la vulnérabilité des grands équilibres qui nous font vivre sont ignorées.

Nous appelons avec force à un éveil des consciences et de la solidarité mondiale, à un sursaut moral de tous. La solution ne peut passer que par le renouveau du civisme et la réaffirmation de la puissance publique.

A la veille du 20e anniversaire du Sommet de Rio:

Nous appelons à la reconnaissance des liens qui unissent les enjeux économiques et écologiques. L’ouverture d’un marché mondial de milliards d’individus, avec pour objectif la réduction des protections et régulations, n’a fait que renforcer les inégalités. Les élites politiques, économiques et financières, en captant la quasi-totalité de la richesse produite, ont condamné à la misère les paysans du Sud, et au déclassement nombre des populations du Nord. Si les 30 dernières années ont été caractérisées par une croissance de la richesse produite, elles ont aussi connu un creusement des inégalités sans précédent.

Dans le même temps, une seconde catastrophe est en train de condamner l’essentiel de la population mondiale à des conditions d’existence nettement dégradées. L’élévation de 4°C de la température durant ce siècle, scénario hautement probable, excéderait nos capacités d’adaptation dans un grand nombre de régions du monde. Cela se traduirait notamment par une chute de la production agricole et alimentaire mondiale. Plus généralement, des ressources raréfiées, un climat de plus en plus hostile, une montée inexorable du niveau des mers, etc. ne faciliteront certes pas les activités économiques!

Nous appelons à contrecarrer la puissance « courtermiste » de la finance mondialisée.

Il est temps de contrecarrer l’approche « courtermiste » des questions d’environnement et de développement. Il faut pour cela renforcer les capacités de régulation de la communauté internationale et lutter à l’échelle des Etats contre l’impuissance du politique. Force est de constater que sur une planète où le commerce est la fin suprême, c’est toujours le moins-disant social et environnemental qui l’emporte. Les biens circulent et sont consommés sans aucune considération, ni pour les conditions de travail des personnes qui les produisent, ni pour leur impact environnemental global.

Nous appelons à la condamnation de toute vision opportuniste des changements climatiques.

Les données régionales de plus en plus précises fournies par les modèles climatiques rendent possibles des stratégies d’adaptation et d’investissement cyniques. Un petit nombre d’acteurs croit ainsi pouvoir tirer profit, au moins pour un temps, des changements en cours en déplaçant au fur et à mesures des opportunités nouvelles leurs investissements.

Nous appelons à une décroissance des flux physiques et à la fin du pillage des ressources naturelles du Sud.

Les rapports Nord-Sud ne peuvent pas se limiter à faire envier aux classes moyennes des pays en développement le train de vie actuel des pays riches. Les limites physiques, que nous atteignons aujourd’hui (terres rares et autres minéraux, pétrole conventionnel, etc.), montrent qu’il faut ouvrir d’autres voies. Il est indispensable d’organiser rapidement, en commençant par les pays du Nord et les modes de vie les plus dispendieux, une décroissance des flux physiques sur lesquels reposent nos économies. Il convient de mettre fin au pillage quasi systématique des ressources naturelles du Sud qui prive la majeure partie de la population des conditions de satisfaction des besoins essentiels (eau, énergie, alimentation).

Nous appelons enfin à une réaffirmation de la puissance publique pour sortir de la crise par l’écologie.

La décision politique est l’unique voie, à condition d’être respectueuse des règles démocratiques, pour définir un intérêt général qui s’est largement lui aussi mondialisé. Elle permettra de mettre en œuvre une série de mesures indispensables pour réussir la transition vers une économie juste et équitable, sobre et soutenable. Il est donc urgent :


– d’imposer des règles environnementales et sociales à l’OMC, afin de faire du bien-être social et du respect des limites de la bio­sphère les principes fondateurs de l’économie soutenable ;

– de développer des normes financières nationales et internationales contraignantes pour mettre fin aux dérives du système financier et le réorienter vers le financement de l’économie réelle ;


– de concrétiser l’engagement de solidarité vis-à-vis des victimes des crises écologiques et des populations qui souffrent de l’extrême pauvreté, passant notamment par la mise en place du «Fonds Vert pour le climat» décidé à Copenhague, avec des modalités innovantes de financement et de contrôle de l’allocation des fonds ;


– de mobiliser la création monétaire publique pour financer la transition écologique et l’adaptation à un monde naturel en cours de changement rapide, mais aussi pour en finir avec la crise de la dette et revenir à l’équilibre budgétaire pour les dépenses courantes ;


– de faire basculer la fiscalité du travail et de l’investissement vers le prélèvement des ressources, pour asseoir une vraie fiscalité écologique, incitant au changement de comportement ;

– de réformer l’enseignement de l’économie et de créer au sein des universités des programmes de recherche sur de nouveaux modèles économiques et sociaux compatibles avec une consommation décroissante et équitable des ressources ;


– de transmettre par le système éducatif des valeurs civiques, de respect des êtres humains et de la nature, conditions au bien-vivre ensemble.

Face aux dérives collectives d’une société de plus en plus individualiste, nous appelons à rendre son rôle au pouvoir politique, démocratiquement désigné et exercé.

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** Liste complète des signataires:

- Yohan Ariffin (politiste, Université de Lausanne, Suisse)
- Christian Arnsperger (économiste, Université de Louvain, Belgique)
- Floran Augagneur (philosophe, Sciences Po. Paris, France)
- Guillemette Bolens (angliciste, vice-rectrice de l’Université de Genève, Suisse)
- Nicolas Bouleau (mathématicien, spécialiste de l’économie financière, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, France)
- Dominique Bourg (philosophe, Université de Lausanne/vice-président Fondation Nicolas Hulot/Suisse)
- Eric Duchemin (environnementaliste, directeur de la revue Vertigo, Université du Québec, Montréal, Canada)
- Marc Dufumier (agronome, AgroParistech, France)
- Benoît Faraco (politiste, Fondation Nicolas Hulot, France)
- Augustin Fragnière (environnementaliste, Université de Lausanne, Suisse)
- Benoît Frund (géographe, vice-recteur de l’Université de Lausanne, Suisse)
- Jean-David Gerber (géographe et politiste, Université de Lausanne, Suisse)
- Gaël Giraud (économiste, Ecole d’économie de Paris, France)
- Pierre Henry Gouyon (biologiste, Museum National d’Histoire Naturelle, biologiste de l’évolution, Paris, France)
- Alain Grandjean (économiste et co-fondateur de Carbone4, FNH, Paris, France)
- Gérald Hess (philosophe éthicien, Université de Lausanne, Suisse)
- Nicolas Hulot (président Fondation Nicolas Hulot, France)
- Claire Jaquier (professeure de littérature française, vice-rectrice de l’Université de Neuchâtel, Suisse)
- Alain Kaufmann (directeur de l’Interface Sciences Société, Université de Lausanne, Suisse)
- Etienne Klein (physicien et philosophe, CEA, France)
- Pietro Manjo (chirurgien, hôpital universitaire de Genève, Suisse)
- Jacques Mirenowicz (directeur de La Revue durable, Suisse)
- Cécile Ostria (directrice Fondation Nicolas Hulot, France)
- Déborah Philippe (sociologue des organisations, Université de Lausanne, Suisse)
- Cécile Renouard (philosophe et économiste, Centre Sèvres et ESSEC, Paris, France)
- Philippe Roch (ancien directeur de l’Office fédéral de l’environnement, ancien secrétaire d’Etat, Suisse)
- Adèle Thorens Goumaz (philosophe, conseillère nationale les Verts/VD, Suisse)

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