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Kallioph

Les milliers de tonnes de bombes on finit par avoir à l’usure régime de Khadafi. Un régime répressif, mais sans doute pas (et de loin) le plus dictatorial sur la planète, a été ainsi liquidé sur l’autel d’une nouvelle croisade en faveur de la «démocratie» octroyé à la pointe du fusil. En Irak, comme en Côte d’Ivoire et en Afghanistan, souligne Amy Niang, «une nouvelle façon d’instituer des Etats voyous, par des bombardements "stratégiques" et des guerres par procuration, continue ainsi son œuvre.

Des milliers de bombes de l’OTAN et une insurrection "rebelle" ont eu raison du régime de Mouammar al Kadhafi. Sarkozy, Obama et Cameron peuvent exulter. Le président français peut bomber le torse comme le prophète qui a momentanément fait l’apologie et répandu les vertus de l’embrassade fraternelle et de la solidarité humanitaire dans une manœuvre opportuniste, en faisant référence à la légalité, à des préoccupations démocratiques et de liberté et au fondement philosophique des Lumières françaises.

D’une certaine façon, en France, la politique de droite a débordé pour devenir une campagne impérialiste. Il y a quelques mois, un président impopulaire, malmené à l’intérieur par le mécontentement populaire qui s’exprimait sur tous les fronts, a réussi a incarné le rôle du sauveur des temps modernes. Sa guerre d’agression est une tentative embryonnaire de réussir là où les Italiens ont échoué. En d’autres termes, d’achever l’entreprise que les Italiens ont commencé en 1910. Chose intéressante, à cette époque les Italiens clamaient que leur invasion de la Libye était motivée par leur désir de libérer l’Ottoman Wilayats du joug de Constantinople.

Des rumeurs, des perceptions et des faits ont été soigneusement distillés et disséminés par les médias consuméristes dominants jusque dans les endroits les plus reculés du monde, contraignant les gens à avaler la pilule de la propagande occidentale. La couverture médiatique présente le monde en termes manichéens, entre le bon et le mauvais, dans lesquels Kadhafi est le Mal absolu, cependant que «Speedy Sarko» incarne le super héros. A n’importe quelle aune, la Libye est devenue la dernière étape du plus grand déploiement de l’appareil capitaliste, la quintessence de l’impérialisme dans son ultime étape. Le marché tout-puissant s’est frayé un chemin vers un régime récalcitrant à grand renfort de bombes. Il ne s’arrêtera pas avant d’avoir pénétré dans ses derniers recoins. L’exercice impitoyable de pressions géoéconomiques par des puissances occidentales a, une fois de plus, fait progresser "l’impérialisme rationalisé" selon la formule d’Amilcar Cabral. Il a été étendu à la conquête militarisée de ressources économiques.

Démocratie et libération sont des concepts creux, usés jusqu’à la trame par ses « champions » qui ont ainsi trouvé une nouvelle façon d’instituer des "Etats voyous", en particulier par des bombardements "stratégiques" et des guerres par procuration. La tendance et l’obsession occidentales à bombarder des pays plus faibles avec des risques minimaux pour eux-mêmes sont responsables de beaucoup de sang versé, de traumatismes, de détresse et d’un profond ressentiment en Afghanistan et en Irak comme ce sera le cas en Libye.

La guerre contre la Libye est criminelle à plusieurs niveaux. D’abord elle est illégale. Le processus de l’OTAN en cours en Libye est orchestré comme une opération planifiée visant l’élimination. C’est un travestissement du droit international et une violation de la Résolution 1973 de nombreuses façons :

1 - La Résolution n’a pas donné mandat à la France et à ses alliés de renverser le gouvernement juste parce qu’ils en avaient la possibilité.

2 - La Résolution n’a pas donné mandat à la France et à ses alliés d’armer activement la « rébellion » et de prendre parti dans un conflit civil.

3 - La Résolution n’a pas donné mandat à la France et à ses alliés de pourchasser et d’assassiner Kadhafi et d’instaurer un gouvernement fantoche pour toujours redevable à ses libérateurs occidentaux.

D’autre part, la France et ses alliés ont été prompts à condamner la lenteur et l’apathie de l’Union africaine. Ils ont systématiquement ignoré les appels de l’Union africaine qui préconisait la discussion plutôt que l’agression. Maintenant qu’ils sont devant la difficile tâche de la reconstruction, un processus peut-être plein d’obstacles, ils veulent impliquer l’Union africaine. Dès le début, l’OTAN voulait discréditer l’Union africaine, la présentant comme une organisation perpétuellement inefficace, juste parce que cette dernière préférait une solution pacifique à cette crise.

Pour l’Union africaine, la défaite de Kadhafi signifie évidemment, la perte d’un allié panafricaniste généreux, qui ne mâche pas ses mots. Et même l’organisation perd sa capacité à défendre ses propres intérêts continentaux. Kadhafi a peut-être été un tyran incurable, mais il a néanmoins été un tyran généreux qui a plus d’une fois tendu une main secourable à l’Afrique et à ses dirigeants, même si parfois son but était l’autoglorification et la reconnaissance politique. De surcroît, il a galvanisé un concept de l’Unité africaine qui a fini par pénétrer dans le mode de pensée de l’Union africaine. En dépit de sa tendance à l’inefficacité, l’Union africaine, pour une fois, a donné des signes de vouloir s’engager à trouver une solution africaine à un problème africain. Mais pour Sarkozy, Cameron et Obama, le plan de l’Union africaine ne valait pas le papier sur lequel il est écrit.

Une campagne intenable.

Il y a une extraordinaire hypocrisie qui sous-tend toute la campagne. Kadhafi n’est pas plus répressif et dictatorial que les dirigeants de Bahreïn, d’Arabie saoudite, de Syrie et du Yémen. Compte tenu de leurs liens avec ces pays, Sarkozy, Obama, Cameron ne sont guère qualifiés pour octroyer des dispenses. Le genre de démocratie que nous avons vu promu, avec des techniques psychologiques puissantes au travers de média en collusion, est le genre que nous avons souvent vu à l’œuvre. C’est la démocratie "octroyée" à la pointe du fusil, en Irak, en Côte d’Ivoire et dûment mise en œuvre par les laquais du capital occidental. Il a été très rare que l’OTAN se soit trouvé du côté de la morale et de la légalité. Le Traité Atlantique a une longue histoire d’intimidation et de manœuvres impériales, de soutien aux mauvaises personnes comme le gouvernement fascistes de Salazar, dont les innombrables crimes en Afrique portugaise (Angola, Guinée Bissau, Cap Vert, Mozambique) ont contribué à une culture d’oppression sanguinaire interminable dans ces pays jusqu’à nos jours.

Tant d’impunité est décourageante et génère la colère. Mais ce qui met encore plus en colère reste le fait que 12 millions de personnes, dans la Corne de l’Afrique doivent faire face à une famine sans précédent, sans qu’aucune puissance n’intervienne pour faire respecter leur droit humain à la nourriture et à la dignité. Quelles que soit les critiques à l’égard de Kadhafi, il a fourni à sa population l’un des niveaux de vies les plus élevés au monde.

La publicité médiatique, biaisée de façon surprenante, a convaincu le public occidental ainsi qu’un grand nombre d’observateurs sceptiques, de la nécessité de destituer un tyran qui "massacre ses propres gens". Cette propagande sans précédent a été conçue pour étouffer les voies dissidentes ou discordantes. Même les agences d’informations les plus respectées ont été happées par la campagne de désinformation de l’OTAN

* Amy Niang est chercheuse en Science Politiques

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