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La plupart des hommes politiques en Afrique sont faux. Dès qu’ils accèdent au pouvoir, ils semblent amnésiques et incapables de lire correctement les messages envoyés par leurs peuples ou mandants. Messages pourtant très clairs, qui ne sont parfois que des rappels de leurs promesses.

Au lendemain des élections locales de 2014 au Sénégal, on peut noter, qu’elles se sont déroulées relativement dans le calme le jour du vote. Par conséquent, pour dire vrai, cela s’est passé régulièrement, paisiblement et légalement sans contestations majeures. Mais au regard du faible taux de participation des électeurs inscrits, qui est environ de 40% seulement, un réel problème de légitimité et d’éthique des élus se pose, avec un si faible taux. Il est vrai que, dans le cas présent, la faute n’incombe pas aux élus, mais bien à l’Etat. Lui qui continue toujours à s’arcbouter dans l’archaïsme et à un système suranné, qui ne répond plus aux normes de l’évolution démocratique et autres avancées technologiques sophistiquées de notre époque.

A l’évidence, on peut parfaitement déceler que le système actuel est sclérosé et sa machine grippée. Le système désuet et à la pléthore de listes fantaisistes à ces locales ont été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Ce qui a provoqué sans doute la frustration des électeurs et une cassure dans leurs attentes. Voilà pourquoi, ils ont eu comme attitude et réponse appropriée face à cela, une abstention massive, ce que le taux de participation au scrutin a éloquemment montré. On peut penser que les élus, dans ces conditions, ne devraient pas plastronner ou être fiers d’avoir été élus par une si infime partie des électeurs de leur localité. Enfin, ce scrutin montre davantage que le système a atteint ses limites et que certainement, c’est l’une des raisons qui amené de nombreux électeurs à se détourner de leur devoir citoyen, à savoir aller voter.

Ce qui est en tout cas indéniable, c’est l’immobilisme d’un Etat spectateur passif qui prévaut toujours, devant une situation qui perdure et implore des actions décisives urgentes et concrètes. Certes, le chef du gouvernement nous sert un discours ou slogan médiatique proclamant l’accélération de la cadence d’exécution. Mais dans le concret, on ne voit pas sur quel levier est posée la pédale d’accélération. Est-ce sur la rupture avec les pratiques indécentes et de pillage des ressources du pays par l’ancien président Me Wade, ou la traque des biens mal acquis et la spoliation des terres du domaine national, ou la réduction du train de vie dispendieux d’un l’Etat bureaucratique et vorace, ou encore, le plus probable entre autres, la création d’une oligarchie, d’une aristocratie maraboutique et des riches artificiels au sommet de l’Etat et autour de son chef ? Les Sénégalais aimeraient bien savoir en fait, en quoi le gouvernement est en train d’accélérer la cadence?

En tout cas, à la place d’un discours glorifiant à travers les médias, le président de la République ferait mieux, d’apporter plutôt des preuves palpables et irréfutables de ses réalisations sur le terrain (…).

Pour dire simplement que seul le travail bien fait pour l’intérêt général, compte pour les populations. Tout le reste n’est que verbiage inutile, attractif certes dans un premier temps, mais qui ne dure que le temps d’un feu de paille. (…)

Nous notons par ailleurs qu’il est bien établi et d’usage courant que dans les Etats de droit de fait, après chaque consultation électorale, les autorités procèdent à l’évaluation du système à des fins de correction, d’éventuelles failles décelées. Il existe aussi une règle générale admise par les Etats de droit, selon laquelle tout système, quel qu’il soit, a besoin et doit être évalué de temps en temps, soit au terme d’une période déterminée, soit exceptionnellement en cas de nécessité urgente. Ceci, dans une perspective générale de rénover certains éléments caducs, ou d’en exclure d’autres devenus inopérants. Le tout, en vue de renouveler les habits du système, conformément à la situation qui prévaut. Malheureusement, tel ne fut pas le cas jusque-là, malgré tous les régimes qui se sont succédé au Pouvoir.

GOUVERNER C’EST PREVOIR ?
Il est clair qu’un gouvernement ne doit pas être un simple spectateur passif. Il doit être un acteur dynamique, prévoyant, attentif aux moindres faits sociaux et détails qui se manifestent dans le pays. Il doit être un veilleur vigilant, pour pouvoir déceler en amont les signes avant coureurs de ce qui ne va pas ou pourrait arriver dans le pays, afin de les analyser correctement et rectifier à temps le tir s’il y a lieu.

L’archaïsme et la routine, domaines de prédilection de nos gouvernants, sont des pratiques ou maladies graves, généralement propres aux dirigeants africains, qui pensent naïvement qu’arriver au pouvoir est une fin en soi, et non une simple étape. Au demeurant, ils s’accommodent sans honte de leurs échecs récurrents, et ne se remettent jamais en cause pour rompre avec de telles pratiques néfastes. Ainsi, ils se complaisent dans l’informel et la mal gouvernance, sans état d’âme. Ce qui les obnubile et les empêche de voir clairement leurs propres erreurs et les problèmes épineux de leurs pays. Et naturellement, ils sont alors incapables d’innover avec objectivité et clairvoyance, ce qui doit l’être, pour avancer avec succès.

Cette maladie a, malheureusement, atteint bon nombre de nos chefs d’Etat africains qui estiment que l’essentiel, c’est simplement d’arriver au Pouvoir pour jouir de ses délices. Nos dirigeants manquent parfois d’éthique et grandeur d’âme. Et pourtant, il est conseillé et même fortement recommandé à tout être humain, à fortiori un homme d’Etat, d’avoir de l’humilité pour reconnaitre ses erreurs évidentes, ce qui en soi une grandeur. Bien entendu, si toutefois la personne concernée volontiers, acceptait de s’amender résolument et de s’engager à rectifier ses erreurs dans le sens bien indiqué.

EXIGENCE PRESSANTE D’OPERER LES RUPTURES URGENTES ET INDISPENSABLES.

Nous avons noté un fait bizarre et récurrent, mais qui est parfaitement un constat réel. Il est généralement vérifié aujourd’hui que la plupart des hommes politiques, en particulier en Afrique sont faux. Car dès qu’ils accèdent au pouvoir ils semblent amnésiques et alors incapables de lire correctement les messages envoyés par leurs peuples ou mandants. Messages pourtant très clairs, qui ne sont parfois que des rappels de leurs promesses. En fait, la vérité c’est qu’ils deviennent sciemment amnésiques, pour des raisons inavouées liées à leurs engagements non tenus.

Mais pourquoi diantre, nos gouvernants se comportent-ils ainsi une fois au pouvoir ? Pourquoi n’écoutent-ils plus que leurs fans, qui les flattent plutôt que de leur dire la vérité objectivement ? Pourquoi sont-ils si hostiles aux ruptures qui engendrent généralement le progrès économique, social, culturel, voire institutionnel ? Pourquoi ont-ils tellement peur du changement, même qualitatif ? Et pourquoi le terme rupture crée-t-il chez eux, la méfiance voire la panique ? En vérité, pour eux, la rupture, à savoir procéder autrement que ne le fût son prédécesseur défaillant, équivaudrait à aller à la perte éventuelle du pouvoir.

Ce taux de participation généralisé de 40% environ, aux élections locales du Sénégal, accrédité par des observateurs crédibles, est indéniable. Il est même de 15 voire 10% par endroits. Ce signal que ces élections locales envoient à Macky Sall, est un message crypté qui signifie un avertissement clair. Il pourrait signifier qu’il y a un ressort cassé quelque part dans les rapports entre eux et lui. Ou alors, il y a une raison majeure qui a fait bouder les urnes à certains électeurs. Et si l’on se souvient bien, c’est un message d’avertissement pareil à celui-ci qui fut envoyé à Me Wade aux locales du 22 mars 2009. En clair, c’est d’un rappel des promesses non effectives et des ruptures annoncées non encore opérées qu’il s’agit. En tout état de cause alors, le refus éventuel de Macky Sall de bien décortiquer le message, l’examiner avec lucidité, et d’en tirer les enseignements qui s’imposent, pourrait être une erreur fatale pour son avenir politique, comme ceci l’a été pour son prédécesseur Me Wade.

Le président Macky Sall a tout intérêt à rompre avec les pratiques fondées sur la corruption, la concussion et les inégalités sociales. De telles pratiques doivent être bannies dans notre espace social, pour assainir les mœurs politiques si décriées. C’est l’occasion et le moment opportun de bannir, par des textes règlementaires, tous ces privilèges et autres avantages injustifiés, érigés actuellement en système et accordés aux seuls tenants du pouvoir, avec leurs amis, au détriment de la majorité du pays.

Le président Macky Sall semble rester sourd, ou n’avoir que du mépris, face à la demande persistante des Sénégalais pour une forte baisse du train de vie actuel de l’Etat qui ne profite qu’à une infime partie d’entre nous, accrochée au sommet de l’Etat comme des sangsues. Tous ceux-là, sont des exigences de ruptures radicales à opérer, que les Sénégalais en majorité réclament dans les meilleurs délais. Ce que la CNRI devrait prendre en compte d’ailleurs dans la refondation.

LA NECESSITE ABSOLUE DE RETENIR LES REFORMES PRECONISEES PAR LA COMMISSION NATIONALE DE REFORME DES INSTITUTIONS (CNRI)

Il est évident, au regard des constats de failles notées au cours de ce scrutin, que ce système nécessite parfaitement un examen clinique sérieux, qui s’intègre bien dans le cadre de la réforme fondamentale et globale de nos institutions, préconisée par la Cnri et devenue urgente, exigible et incontournable.

Plus que jamais, la réforme et la refondation approfondie de nos institutions actuelles est d’une extrême urgence qui ne peut plus attendre ou faire l’économie d’être contournée ou remise aux calendes grecques. En vérité et logiquement, ces locales de 2014 auraient dû être reportées dans les règles, n’eût été la réponse laconique du président Macky Sall aux propositions de la Cnri. Ceci, pour des raisons évidentes comme son impréparation et le caractère obsolète du système qui n’est plus en phase avec la situation et de son coût exorbitant. En conséquence, elles devraient être tenues en principe après l’examen attentif des propositions de la Cnri et leur soumission au référendum pour validation par le peuple. Ce qui serait un acte incontestable de respect aux citoyens et de souveraineté affirmée.

Et, ce n’est pourtant pas faute de n’avoir pas été alerté à temps, de l’inopportunité de la tenue des élections à cette date, ou des suggestions pour leur report jusqu’après la mise en œuvre des réformes. Mais par entêtement de l’Etat, nous avons ainsi perdu inutilement ou bêtement, non seulement du temps, mais aussi beaucoup d’argent (15 milliards de francs) pour des élections auxquelles seuls 40% environ des électeurs inscrits ont pris part. Estimez-vous rationnellement et économiquement, que ceci en vaille sérieusement la peine ? Et cette perte d’argent, nous aurions pu l’éviter facilement avec un peu plus d’intelligence, de prévoyance et de souci majeur pour la sauvegarde de l’argent du contribuable sénégalais. Et là, la faute incombe entièrement au président de la République, de n’avoir pas su prendre assez de recul avant de décliner irrespectueusement ou inélégamment cette réponse presque négative, aux travaux de la Cnri, qu’il avait cependant bien sollicités auprès du président Ahmadou Makhtar Mbow.

En effet, en toute bonne foi, l’Etat avait-il ignoré qu’à la place de plus de 100 millions de bulletins de vote imprimés pour les 2707 listes, il aurait suffi simplement de leur substituer un bulletin unique de vote par circonscription électorale ? C’est impensable ! Et avec le bulletin unique de vote, nous aurions fait une économie substantielle d’argent ainsi que de temps pour voter. Voici un exemple typique qui justifie à suffisance que gouverner c’est prévoir. Et par conséquent, un Etat ou gouvernement doit savoir et pouvoir anticiper sur les évènements à venir, s’abstenir de faire des dépenses de prestige inutiles socialement ou de dépenser sans compter, les deniers publics à tout bout de champ, comme si nous étions dans un Etat prospère à suffisance.

LA FONCTION D’ELU DU « PEUPLE », POURQUOI EST-ELLE DEVENUE MAINTENANT ATTRACTIVE ?

Tout d’abord, parce qu’elle a cessé totalement d’être un sacerdoce maintenant. Ensuite chez nous, les élus ne servent plus le peuple, mais plutôt se servent eux-mêmes. Elle est devenue concrètement, une source intarissable d’enrichissement « illicite » sans cause, sans coup férir et sans peine, pour les élus. Toute cette bousculade, tout ce branle-bas-de combat et cet embouteillage aux postes d’élus sont loin d’être simplement au service du peuple. En fait, ils s’agitent surtout pour pouvoir profiter des énormes avantages, des privilèges, des délices du pouvoir et autres opportunités que leur offre la fonction élective, aujourd’hui au Sénégal. Cette situation de privilèges indécents au sein d’un pays classé parmi les Pm et Ppte est moralement inacceptable. Et cela, ne peut être justifié par aucun droit réel de service rendu. Cette pratique n’est rien d’autre que l’héritage et la poursuite de pratiques politiciennes inégalitaires et abjectes établies chez nous, modérément depuis Senghor, perpétuées avec Diouf, amplifiées exagérément par Wade, mais que Macky Sall poursuit encore mécaniquement, en lieu et place de rompre avec ces inégalités sociales discriminatoires et qui ne reposent sur aucun fondement de droit légal ni légitime.

La fonction élective au Sénégal est devenue assurément attractive, parce qu’elle constitue une manne financière effective, voulue et décidée par le chef de l’Etat –monarque- pour contenter et entretenir un personnel politique, à lui rester fidèle, même au détriment du peuple. C’est aussi le sens, justement, de la nécessité absolue et urgente de réformer et de refonder souverainement nos institutions actuelles qui ne servent plus le peuple.

Cette question fondamentale des élus pose problème et pollue l’arène politique. Elle constitue en vérité, une sorte de prostitution de politiques, qui ne reculeraient devant rien, pour se faire élire. Visiblement, avec la fonction élective telle que conçue au Sénégal, nous sortons totalement maintenant, de l’idéal politique qui devait l’animer, comme sacerdoce et l’art de diriger la cité. Voilà pourquoi le statut ou la fonction élective doit être revue révisée de fond en comble, pour le replacer dans son contexte originel qu’elle n’aurait jamais dû quitter.

QUE FAIRE MAINTENANT ?

Après avoir mis la charrue avant les bœufs, en organisant ces élections malgré tout avant l’examen et l’application des conclusions de la Cnri ; non plus en ne s’attelant pas jusque-là aux préoccupations essentielles des Sénégalais majorité, il est temps d’arrêter maintenant la politique spectacle, et de revenir aux choses sérieuses ou à l’orthodoxie. En somme, la réforme de nos institutions et les ruptures indispensables identifiées sont devenues incontournables et une voie obligée pour le président de la République, s’il veut débloquer la situation du pays qui stagne et inquiète même beaucoup de Sénégalais parmi lesquels des acteurs de la deuxième alternance du 25 mars 2012.

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** Mandiaye Gaye est un citoyen observateur politique sénégalais

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