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La promotion de la démocratie est rarement mentionnée comme objectif explicite des relations du Brésil avec l’Afrique. Mais cette dimension n’est pas totalement absente. Elle commence même à prendre ses marques.

La coopération Sud-Sud du Brésil avec l’Afrique a connu une croissance rapide au cours de la dernière décennie, avec l’intensification et la diversification des liens bilatéraux et multilatéraux. En plus de la coopération économique – de nombreuses multinationales brésiliennes comme Vale, Petrobras et Odebrecht sont actives dans plusieurs pays africains - le gouvernement brésilien a une vaste gamme de projets de coopération pour le développement, en particulier dans les domaines des politiques sociales comme la santé publique, l’agriculture et le renforcement des capacités. Si ces programmes s’accompagnent de discours sur la contribution du Brésil au bien-être des populations africaines, disent répondre aux demandes des gouvernements et institutions partenaires, il est rarement mentionné la promotion de la démocratie comme objectif explicite des relations avec l’Afrique.

Il y a toutefois une petite niche peu explorée de la coopération brésilienne pour le développement, qui traite directement de la démocratie et qui est en fait inspirée par les particularités de l’expérience propre au Brésil avec la restauration de démocratie des années 1980. Le Brésil a ainsi fait la promotion à l’étranger, y compris en Afrique, du système de vote électronique et de l’équipement mis en œuvre au niveau national dans les années 1990. Un système présenté comme une façon d’étendre aux invalides et aux analphabètes la participation au scrutin au moment des élections. Loin d’être juste un programme de coopération technique, ces initiatives contribuent à disséminer un système électoral dont la marque de fabrique revendiquée est la fiabilité et l’accès universel.

Le Brésil a aidé plusieurs pays d’Afrique avec son système de vote électronique, la Cour supérieure électorale (Cse) du Brésil - qui gère les élections brésiliennes - assumant un rôle principal dans un tel partenariat. Par des missions de coopération coordonnées par l’Agence de coopération brésilienne, des experts ont été envoyés en Angola, au Mozambique, en Afrique du Sud, en Tunisie et en Guinée Bissau.

Lors d’un récent atelier au Cap, par exemple, un expert du Cse en matière d’élections a présenté le système à des représentants d’Afrique du Sud, de la Namibie, du Mozambique, du Botswana, de la Zambie, du Zimbabwe, de la Tanzanie et de Madagascar (1). Selon le Cse, en contribuant à l’amélioration de systèmes électoraux étrangers, la justice électorale brésilienne aide d’autres pays à permettre à leurs citoyens d’exercer leurs droits, comme partie importante des droits fondamentaux. (2)

La coopération avec l’Afrique pour la question du vote électronique passe aussi par des ateliers et des sessions de formation qui se sont tenues au Brésil. Par exemple, en novembre 2012, le Cse a invité des fonctionnaires du parlement soudanais ainsi que l’ambassadeur soudanais au Brésil et un ministre tunisien. Le groupe a visité le musée du Cse où se déroulaient les réunions plénières et où ils ont pu se familiariser avec le système de vote électronique brésilien. Cette mission faisait suite sur des initiatives de coopération préalables.

Dans le cas du Soudan, en 2012, l’Association du barreau brésilien (Abb) et l’Association du barreau soudanais ont signé un accord (3) pour la promotion de la protection des droits humains, la protection du droit des avocats et pour des échanges professionnels entre les avocats des deux pays, y compris le renforcement des capacités. Par cet accord, les deux associations ont témoigné de leur volonté de coopération pour garantir le respect des législations en faveur des droits humains, au niveau national et international.

L’Article 1, par exemple, stipule que les deux parties " exigeront, au travers d’une administration effective et de campagnes publiques, que la législation nationale et les instruments internationaux pour la sauvegarde des droits humains soient observées, dénonçant et rejetant tout acte en conflit avec les droits humains et l’humanité" (4)

En septembre 2012, une délégation de juristes soudanais choisis par l’Association du barreau soudanais s’est rendue au Brésil afin de découvrir le système légal brésilien et son fonctionnement. Elle a visité le quartier général de l’Association du barreau brésilien ainsi que les Cour supérieur à Brasilia et ont été stagiaires dans des firmes de pratique privée à Salvador et Marceió. En mai 2013, l’ambassadeur soudanais au Brésil s’est rendu dans les bureaux de Abb pour finaliser les plans pour une mission de juristes brésiliens au Soudan Oû ils se familiariseraient avec le système légal de ce pays (5)

La promotion du vote électronique brésilien passe aussi par des canaux multilatéraux. Le 3 octobre 2011, les autorités des Cours électorales du Brésil, de l’Angola, du Mozambique, du Cap Vert, de São Tomé et Principe, Timor Este et du Portugal ont signé la "Carta de Brasilia" qui réaffirme "l’engagement commun en faveur de la démocratie et leur confiance en un processus démocratique libre et juste fondé sur les normes établies par leur système légal et les droits humains universellement acceptés" par les Etats.

Par ces accords, ces pays ont exprimé leur intention d’améliorer la gestion et l’administration de leur système électoral pour "le renforcement des institutions démocratiques légalement instaurées", par des programmes de coopération incluant l’éducation civique, le renforcement des capacités pour les juges et les fonctionnaires électoraux, la couverture médiatique pour les élections, la législation électorale et garantissent la responsabilité des partis politiques, et le vote électronique. (6)

En septembre 2012, le Cse recevait les autorités, principalement des juges, de pays lusophone comme l’Angola, le Cap Vert, la Guinée Bissau, le Mozambique, São Tomé et Principe et Timor Este. Ces représentants ont aussi été informés du système de vote électronique brésilien. Selon le Cse, plusieurs pays africains ont déjà envoyé des délégations apprendre l’utilisation du système de vote électronique, parmi lesquels l’Afrique du Sud, le Bénin, le Congo, la Côte d’Ivoire, la Namibie, le Nigeria et le Kenya.

L’impact précis de ces échanges est difficile à évaluer, compte tenu du fait que la technologie qui est promue n’est pas toujours adoptée par les partenaires de la coopération. Parfois en raison du manque de ressource ou un manque de confiance dans l’intégrité du système. Néanmoins, par ces échanges d’expérience, la technologie et le savoir-faire du Brésil contribuent à susciter la discussion sur les aspects procéduraux de la démocratie électorale.

La Cse brésilienne a émergé comme le principal acteur de la coopération pour le vote électronique. Bien que les programmes de coopération soient coordonnés par l’Agence de coopération brésilienne qui fait partie du ministère des Affaires Etrangères, elle a développé une expertise significative, avec du potentiel pour des initiatives de développement additionnel.

Les exemples des coopérations récentes mentionnées ci-dessus fournissent un compte-rendu de la coopération brésilienne contemporaine pour le développement. La fourniture de machines de vote électronique et la mise en œuvre de formations pour les faire fonctionner illustrent la nature technique de la coopération brésilienne. Il y a toutefois un élément politique en jeu. Cette coopération révèle un élément clé du discours brésilien sur la question de la démocratie et de son approche, sur sa promotion et celle des droits humains à l’étranger, par le biais du renforcement des capacités de l’Etat et des institutions.

Dans le contexte africain, cette approche est particulièrement pertinente avec la Guinée-Bissau compte tenu du fait que le Brésil préside le comité sur la Guinée-Bissau à la Commission des Nations Unies pour la paix. En plus de soutenir l’Etat, les fonctionnaires brésiliens ont été prompts à dénoncer les manquements à la démocratie dans le pays, au cours de ces dernières années, gelant des projets de coopération jusqu’au retour de la normalité démocratique.

Ces exemples illustrent un nouveau développement dans la coopération, comme l’implication de l’Association du barreau brésilien qui montre que des organisations de la société civile développent de plus en plus souvent leurs propres programmes internationaux, pas nécessairement toujours en accord avec les acteurs étatiques brésiliens.

Pendant que la majeure partie de la recherche sur la coopération brésilienne en Afrique porte sur l’agriculture, la santé publique et la coopération militaire, davantage d’analyse est requise pour la coopération en matière électorale - y compris la manière dont le système de vote brésilien est adopté - afin d’avoir une image plus complète de la pertinence de l’implication du Brésil dans la politique africaine.

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** Adriana Erthal Abdenur (doctorat de Princeton et BA de l’université de Harvard) est professeur de relations internationales à l’université pontificale catholique à Rio de Janeiro. Elle est aussi coordinatrice générale du Brics Policy Centre.
** Danilo Marcondes de Souza Neto est un doctorant au Department of Politics et International Studies à l’université de Cambridge.

Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger

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NOTES
1) http://www.tse.jus.br/noticias-tse/2013/Marco/juiz-auxilar-do-tse-apresenta-sistema-eleitoral
2) http://english.tse.jus.br/the-electoral-justice/the-superior-electoral-court/international-relations
3) For the full text of the agreement see:
4) http://www.oabpe.org.br/comunicacao/noticias-juridicas/6768-ordens-de-advogados-do-brasil-e-sudao-firmam-protocolo-para-cooperacao.html( accessed on 1 August 2012).
5) http://www.oab.org.br/noticia/20279/ordens-de-advogados-do-brasil-e-sudao-firmam-protocolo-para-cooperacao
6) http://www.oab.org.br/noticia/25580/embaixador-do-sudao-visita-oab-e-espera-receber-advogados-brasileiros
7) http://english.tse.jus.br/arquivos/carta-de-brasilia
8) http://english.tse.jus.br/the-electoral-justice/the-superior-electoral-court/international-relations