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Les politiques agricoles que nous menons dans nos pays restent les mêmes que ceux héritées de la colonisation. Il nous faut créer une rupture. Il est temps de rompre avec la logique de pays fournisseurs de matières premières pour les industries des pays du Nord. Il est temps de produire pour se nourrir, dégager des surplus et être concurrentiel dans nos marchés. A défaut d’une telle réorientation des politiques agricoles, la sécurité alimentaire et la souveraineté alimentaires resteront un leurre en Afrique.

Une politique agricole cohérente doit tenir compte de notre environnement. Elle doit reposer sur nos capacités à infiltrer les marchés intérieurs et les marchés sous régionaux. Mais elle doit aussi s’accompagner d’une politique d’éducation nutritionnelle de nos enfants, pour qu’ils reviennent à des valeurs de consommation que nous avons a perdues. Redonner sa place au mil, au sorgho, etc., dans l’alimentation permettrait de créer des marchés sur lesquels nous serons dominateurs, des marchés où nos producteurs pourront entrer en compétition avec leurs propres moyens et gagner le pari de la sécurité alimentaire.

Des préalables sont cependant nécessaires pour mettre le paysan africain dans les conditions de mener le combat de la sécurité et de la souveraineté alimentaire. Le savoir-faire pour produire, nous l’avons. Ce qui nous manque, c’est la formation. Il nous manque aussi un environnement favorable qui reposerait sur une politique d’accès au crédit, aux semences, aux facteurs de productions et à la terre.

Le monde n’est plus à une époque où le paysan africain doit continuer à utiliser la daba pour cultiver. Cela nous installe dans un cycle continu de forte natalité. Cultiver à la daba nécessite des bras. Dès lors, il faut faire des enfants pour entretenir les champs. La question est alors de savoir à quel moment on pourra arrêter d’en mettre au monde pour pouvoir les nourrir.

Il faut également comprendre que le travail de la terre n’est pas un pis-aller. Ce n’est pas ce qui reste à faire quand on ne sait plus comment gagner sa vie. Etre paysan, c’est un métier. Le regard qu’on doit poser sur ce paysan est celui qu’on a pour un chef d’entreprise. C’est-à-dire, quelqu’un qui travaille pour améliorer sa production et gagner plus d’argent, dégager des surplus pour tendre vers la dimension industrielle. Cette option politique manque à nos Etats.

Aujourd’hui, la question agricole, plus que tout autre, est une question de souveraineté. Les options venues d’ailleurs ne rejoignent pas toujours nos intérêts et il faut que nos gouvernants arrêtent de succomber aux effets de mode pour revenir à nos valeurs culturales. Il nous faut produire pour vivre d’abord, avant de penser à des cultures d’exportation. C’est nous qui avons faim, pas les autres.

La Révolution verte va nous enfermer dans un piège d’où nous ne pourrons jamais nous dégager. Malheureusement, nous sommes déjà dans l’engrenage. Un cartel de producteurs de riz est en train de se former. Qu’est-ce que nous faisons ? Nous allons pour signer des contrats. Aujourd’hui, quand le Vietnam décide de ne plus livrer du riz sur le marché international, chacun de nos Etat se rue pour essayer de signer un contrat de garantie. Oublié le sorgho, oublié le manioc.

Une des priorités actuelles, pour le monde paysan africain, est de faire une étude nutritionnelle sur le continent africain pour avoir une idée des priorités de consommation dans nos différents pays. Cette carte en main, nos pays pourront produire et échanger sans dépendre d’un marché international qui ne fait que nous enfermer dans la servitude.

* Kouao Sylvain est Administrateur, chef de projet à l’Association nationale des organisations professionnelles agricoles de cote d’ivoire (ANOPACI)

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