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Les Accords de partenariat économique auront des conséquences lourdes sur certaines filières agricoles, à l’instar de la filière ananas pour le Bénin. Or «l’ananas est un marché en développement sur le continent africain», constatent Jean-Luc Burquier et Stéphane Zeraschi, deux importateurs et experts en commerce international de l’Union européenne. Ils étaient en avril dernier à Cotonou à séance de travail qui regroupait des membres du Projet d’appui au secteur privé (Pasp), des acteurs de la filière dont les représentants des producteurs d’ananas.

« Les exportateurs béninois seront bien inspirés, s’ils envisageaient de s’ouvrir de nouveaux marchés, vers des pays comme la Suède, la Grande-Bretagne, l’Allemagne etc, plutôt que de se cantonner au marché de Rungis en France » soulignait à cette occasion Isabelle Coyssi, expert en communication au Pasp. Seulement, une épée de Damoclès plane avec la signature des Accords de partenariat économique, «dont les effets n’épargneront aucun secteur du développement économique et social», selon Aurélien Atindégla, président du Groupe de recherche et d'action pour la promotion de l'agriculture et du développement (Grapad), une Ong béninoise qui assiste les organisations paysannes au travers des conseils et la formation.

Quels impacts pourraient avoir les Ape sur la filière de l’ananas ? «Il n’y a particulièrement pas une étude d’impact spécifique des Ape sur la filière de l’ananas», fait savoir Abel Gbétoénonmon, secrétaire général de la plate forme du réseau des organisations de la société civile au Bénin (Pascib). Mais si « à court terme, les Ape ne constituent pas une menace pour la filière de l’ananas, ils pourraient se révéler dangereux à long terme» pour ce qui constitue un des créneaux porteurs de l’économie béninoise, au sein duquel les producteurs commencent à s’organiser.

En effet, si seul « 1,6% des 110 000 tonnes produites en 2006 auraient été exportées en France, le reste étant consommé au Bénin et sur le marché régional » (La Nation" dans son édition du 19 avril 2007), les producteurs béninois ambitionnent d’atteindre une production de 300 000 tonnes à l’horizon 2010. Mieux, «nous produirons 400 000 tonnes d’ici à trois ans», précise le coordonnateur du programme d’appui au développement des filières agricoles (Padfa), Antonin Alavo.

Face à ces ambitions quel sera la destination des 400 000 tonnes d’ananas envisagés, lorsqu’on sait que seulement 1,6% des 110 000 produites en 2006 ont été exportées, soit 1 750 tonnes ? La question amène M. Gbétoénonmon à affirmer que « les producteurs béninois doivent dépasser l’étape de la cueillette simple» pour passer à l’étape de la transformation

Actuellement, quelques rares entreprises béninoises produisent du jus d’ananas embouteillé. Dans la perspective d’une production de 400 000 tonnes et avec les faibles capacités d’exportation du marché béninois, le développement du secteur de la transformation s’impose. Mais « si, avec la signature des Ape, on ne prend pas des mécanismes de sauvegarde de façon à maintenir un minimum de protection sur les industries agroalimentaires locales, il est à craindre que ces industries naissantes dans un environnement compétitif libéralisé se retrouvent dans des difficultés et disparaissent face aux fabriques du nord», avertit Abel Gbètoénonmon.

* Hippolyte A. Djiwan est journaliste, collaborateur du quotidien béninois Fraternité. Il fait partie d'un groupe de journalistes africains impliqués dans un atelier de formation sur les Ape, documentés et appuyés par l'Institut Panos Afrique de l'Ouest et Oxfam, pour assurer une production régulière d'informations sur ces négociations, afin de sensibiliser le public.

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