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Cinquante ans après, le Congo présente le visage d’une société de consommation sans industries. Les réalités du développement économique et de la modernisation se sont révélées catastrophiques. L’application des modèles économiques et sociopolitiques, importés sur fond de culture ne reposant pas sur les mêmes comportements méthodiques, ont annihilé tous les efforts de développement.

Le 15 août 1960, lors de la proclamation de l’indépendance du Congo, l’Abbé Fulbert Youlou, président de la République, résumait le sens du mot « indépendance » et les réalités qu’il recouvre en ces termes : «J’ai expliqué, dît-il, que notre liberté c’est d’abord la pleine prise de conscience de nous-même et de notre volonté de travailler pour la prospé¬rité de notre Congo». Selon l’Abbé Youlou, l’indépendance est une donnée de laquelle on fonderait une réflexion et une action sur les institutions, sur le modèle économique voire politique, sur le marché, sur le social, bref une action publique reposant sur une Gouvernance de Développement.

L’indépendance, disait le Général de Gaulle, en ce moment là, suppose d’exister en soi, par soi, pour soi. C’est cela que le président du Congo a voulu mettre en œuvre. Cet édifice, l’Abbé Youlou a entrepris de le bâtir en prônant l’unité, dont l’institution politique serait le parti unique, bien que ce projet ne corresponde pas à cette période de liberté dans la continuité.

Succède une période de rupture dans la continuité, enrobée dans l’idéologie socialiste d’abord, puis marxiste-léniniste et incarnée par une élite bureaucratico-politique, engluée par des contradictions idéologiques. Elle s’ouvre sur une période post-marxiste de redéploiement dans la continuité qui court à ce jour. La chute de Youlou intervient en août 1963. L’Etat devient un Etat révolutionnaire, par des révolutionnaires, pour des révolutionnaires. Le parti unique, contre lequel l’opposition au régime de Youlou lutte, finit par être instauré par ses détracteurs : le Mouvement Natio¬nal de la Révolution (MNR), un parti unique de type socialiste ou communiste créé en juillet 1964. Il est remplacé en 1969 par le Parti Congolais du Travail (PCT), ceci entraînant la soviétisation de la vie politique économique et sociale.

La corruption et le vol sont alors consacrés par des slogans comme « la chèvre broute là où elle est attachée », l’accession au pouvoir par le slogan « le pouvoir est au bout du fusil » etc. Le 18 mars 1977, assassinat du Commandant Marien Ngouabi, 22 et 25 mars 1977, assassinats du cardinal Emile Biayenda et de l’ancien président Massamba-Débat, renversé en 1968 par M. Ngouabi. Un Comité militaire du parti (CMP) est mis en place, présidé par le Général Yhombi Opango, président de la République et évincé à la suite de l’action de Denis Sassou Nguesso du 5 février 1979. La CNS (Conférence nationale souveraine, 25 février-10 juin 1991) remplace l’Etat communiste par un Etat libéral. Elle rétablit la République du Congo avec ses symboles des origines et le multipartisme. Elle met en place un régime de transition dirigé par le Premier ministre André Milongo, alors que Mgr Ernest Kombo, président de la CNS, préside le Conseil Supérieur de la République, parlement de transition, le président Sassou ayant gardé ses fonctions présidentielles.

Le 16 août 1992, Pascal Lissouba est élu président de la République. Lissouba nomme A. Milongo, par le jeu des logiques internes au perchoir de l’Assemblée nationale, érige la violence en mode de gouvernement, fait la guerre contre Bernard Kolelas, maire de Brazzaville et opposant, puis son dernier Premier ministre et contre Sassou Nguesso, ancien allié, qui le chasse finalement du pouvoir le 15 octobre 1997. Après cette victoire militaire, Sassou Nguesso est réélu pour un 2è mandat de 7 ans, en 2009 et ce, dans une économie toujours extravertie, de prédation, et de rente.

Cinquante ans après, le Congo présente le visage d’une société de consommation sans industries. Les réalités du développement économique et de la modernisation se sont révélées catastrophiques. L’application des modèles économiques et sociopolitiques, importés sur fond de culture ne reposant pas sur les mêmes comportements méthodiques, ont annihilé tous les efforts de développement. La politique de redistribution n’a pas été intégrée dans les stratégies de lutte contre une pauvreté de plus en plus endémique.

L’Etat post-colonial congolais a connu une logique qui transcende les idéologies et qui s’est inscrite dans un double jeu d’une gouvernance paradoxale qui fait jouer les ressorts xénocratiques dans un système légitimé par les règles ou postures lignagères. La gouvernance s’est beaucoup plus basée sur un Etat néo-patrimonial. Les modes de fonctionnement lignagers ont obéré la gouvernance de développement. Les autoroutes du mal congolais ont été le désordre : désorganisation de l’économie et de l’Etat, jeux de solidarités ethniques, népotisme, despotisme, conflits armés internes récurrents (1959, 1972-1973, 1993-1994, 1997, 1998-2000, 2002), désacralisation de la personne humaine fragilisant le droit à la vie (353 disparus au Beach, 1999), cadre institutionnel incompatible avec la croissance économique et tourné vers l’international, position dominante des commerçants étrangers, déficit de gouvernance politique, inflation constitutionnelle (13 textes constitutionnels de 1958 à 2002), difficultés d’accès aux infrastructures sociaux de base, non valorisation du capital humain, déficit des valeurs civiques et morales, etc.,
Quelque 210,4 milliards d’excédent budgétaire (2008), point d’achèvement PPTE (2010), nécessitent une gestion orthodoxe pour une Gouvernance de Développe-ment qui postule bonne gouvernance et Etat de droit.

* Victor Ngouilou-Mpemba Yamoussoungou, Université de Brazzaville (lire dans le bulletin de l’IAG : http://www.iag-agi.org/spip/IMG/pdf/Bulletin-IAG-_Francais_septembre.pdf)

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