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Le 30 juin 2009, la Cour Communautaire de la CEDEAO basée à Abuja, au Nigeria, qui instruit l'affaire de Musa Saidykhan, le journaliste gambien qui aurait été torturé dans les locaux de l'Agence Nationale des Renseignements (NIA), statuera sur une objection préliminaire formulée par le gouvernement gambien, le défendeur dans cette affaire. Après avoir boycotté deux audiences de la Cour, le gouvernement gambien a, dans un document de 20 pages, fait appel à la Cour Communautaire pour qu'elle rende une fin de non-recevoir puisque l'affaire de Saidykhan ne relève pas de sa juridiction et que le plaignant n'a pas épuisé tous les moyens de recours locaux.

Pour le gouvernement gambien, «l'action du plaignant (Saidykhan)... outrage la souveraineté locale du défendant/requérant et viole l'article 39 du protocole... sur la démocratie et la bonne gouvernance aussi bien que l'article 26, et 56 (5) de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples ». Quant aux moyens de recours locaux, le gouvernement gambien a affirmé que «le défendeur/requérant est une nation souveraine qui dispose d'une constitution démocratique basée sur l'état de droit qui prévoit la protection des droits et libertés fondamentaux de ses citoyens » et que «le défendeur/requérant dispose des tribunaux nationaux compétents en matière (d'abus présumé) des droits humains ».

Toutefois, la Cour sous-régionale ouest-africaine est, conformément à son protocole, habilitée à instruire des affaires dont elle est saisie par les citoyens des Etats-membres sans que ceux-ci soient contraints d’épuiser tous les moyens de recours des tribunaux nationaux locaux. Le gouvernement gambien s'était déjà montré irrespectueux envers la Cour Communautaire au sujet d'une affaire précédente en refusant d'exécuter l'ordonnance de celle-ci, qui lui demandait de libérer Chief Ebrima Manneh, le journaliste gambien détenu en 2006 par la redoutable Agence Nationale des Renseignements (NIA). La Cour a cité le gouvernement gambien à comparaître plusieurs fois au sujet de cette affaire, mais il a refusé de le faire.

En novembre 2007, la Fondation pour les Médias en Afrique de l'Ouest (MFWA) a engagé des poursuites au nom de Saidykhan pour lui rendre justice et procurer du soulagement à beaucoup d'autres journalistes gambiens qui ont subi le même sort et ont dû partir en exil de peur de faire l'objet de répression.

Saidykhan, rédacteur en chef du journal The Independent, une publication bimensuelle interdite basée à Banjul, a fui en exil après qu'il a été libéré de sa détention illégale. Il figure parmi les vingtaines de victimes qui ont été illégalement détenues et ont fait l'objet de toutes sortes de traitements cruels, y compris la torture par des agents de sécurité du Président Yahya Jammeh, suite à un coup d'état présumé en mars 2006. Pendant la nuit du 27 mars 2006, un groupe de militaires et de policiers armés ont arrêté Saidykhan chez lui et l'ont conduit au quartier-général de la NIA. Il a été gardé au secret pour 22 jours sans qu'aucune charge ne soit portée contre lui. Pendant cette période, il a été torturé jusqu'à ce qu'il perde connaissance. La torture continue qu'il a subie lui a laissé des cicatrices au dos, aux jambes, aux bras et à la main droite qui a été cassée
en trois endroits. « J'ai été complètement dévêtu, tandis que des décharges électriques ont été administrées à tout mon corps, y compris mes organes génitaux. Mes bourreaux m'ont dit que les décharges électriques appliquées à mes organes génitaux étaient censées me rendre impuissant », a rappelé Sadykhan dans l'assignation.

Ceci a été suivi de l'arrestation de tout le personnel du journal, y compris une réceptionniste. Les locaux de l'Independent ont été saccagés et fermés sans raison apparente.

* Pr Kwame Karikari est directeur exécutif de Media Foundation West Africa, une organisation régionale, indépendante, non-gouvernementale à but non lucratif basée à Accra. Elle a été fondée en 1997 pour défendre et promouvoir les droits et libertés des médias ainsi que toutes formes d'expression.

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