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Pour la communauté internationale, en particulier les puissances occidentales, les relations avec l’Afrique se conduisent au regard des intérêts stratégiques. La démocratie et la justice passent après. Le peuple congolais en souffre, mais il sait désormais qui sont ses vrais amis et qui sont ses ennemis dans le monde d'aujourd'hui.

Dans son excellente contribution au blog électronique Possible Futures du 15 février 2012, Joshua Marks écrit qu'«il est difficile de s’expliquer la réaction de nombreux gouvernements occidentaux et des acteurs internationaux concernant les élections désastreuses en République démocratique du Congo (RDC) du 28 novembre 2011. » (1) Pour ceux d'entre nous qui avons suivi les actions des gouvernements occidentaux et des acteurs internationaux, depuis leur complicité dans la révocation illégale de Patrice Lumumba de sa position de Premier ministre démocratiquement élu du Congo en septembre 1960 et son assassinat sur ordre des gouvernements américain et belge en janvier 1961, leur mépris total pour le droit démocratique du peuple congolais de choisir ses propres dirigeants est parfaitement compréhensible. Il est symptomatique de l'hypocrisie et du double jeu qui régissent les politiques étrangères de ces promoteurs autoproclamés de la démocratie et des droits de l'homme.

Dans un exposé au congrès annuel de l'Association américaine des études africaines à la Nouvelle Orléans, en 2009, j'avais fait la critique suivante de la politique étrangère du président Barack Obama, basée sur son discours du 4 juin 2009 au Caire: « L'espoir en Afrique est que les gouvernements étrangers qui prétendent avoir à cœur les intérêts des peuples africains, comme semble le dire l'administration Obama, soutiennent les luttes populaires pour la démocratie sur le continent. Cela implique que ces gouvernements s’en tiennent aux mêmes critères pour tous les régimes, et ne recourent pas à la pratique des deux poids, deux mesures ni ne se montrent complaisants vis-à-vis des alliés stratégiques favoris. A titre d’exemple, le régime du président égyptien Hosni Moubarak est notoirement connu pour ses violations flagrantes des droits de l'homme et sa conduite d'élections frauduleuses. Et pourtant Washington est très timide à faire pression sur son allié sur cette question. Dans son discours du Caire au monde musulman, le président Obama avait peu à dire sur la démocratie en Egypte. » (2)

Un mois plus tard, après le discours du Caire, la politique de deux poids, deux mesures était très manifeste avec l’allocution d’Obama devant le parlement ghanéen, le 11 juillet. Le président américain adopta ici une attitude condescendante vis-à-vis des Africains, auxquels il a donné des leçons sur les vertus des institutions puissantes au lieu des hommes forts ou leaders autocratiques. Au Caire, par ailleurs, il n'avait pas eu le courage de rappeler à son auditoire que l'Egypte, comme tant d'autres pays sur le continent africain, était gouverné par un autocrate. Tant que l'autocrate était en plein contrôle du pays et de son peuple, il n'y avait pas besoin de rappeler à l'ordre cet allié stratégique. La même chose s'applique au Bahreïn et à l’Arabie Saoudite aujourd'hui, deux pays dont la pratique de la démocratie et des droits de l'homme est ignoble, mais dont les régimes demeurent pourtant parmi les meilleurs alliés de Washington au Moyen-Orient.

Pour en venir au cas de la République démocratique du Congo (RDC), l'administration Obama a déçu tous ceux qui avaient fondé tous leurs espoirs sur un retour à des politiques basées sur les principes pour la promotion de la démocratie et des droits de l’homme amorcées par l'administration du président Jimmy Carter. En tant que sénateur, Barack Obama eut à son crédit l’adoption d’une loi majeure, qui fut également soutenue par la sénatrice Hillary Rodham Clinton. Il s’agit du projet sénatorial de loi 2121, qui est devenu loi publique 109-456 intitulée « Acte de 2006 pour la promotion du secours, de la sécurité et de la démocratie en République démocratique du Congo ». Une des dispositions de cette loi exige au gouvernement américain d'imposer des sanctions contre les pays engagés dans le pillage des ressources de la RDC. Aujourd’hui qu’Obama est président et Hilary Clinton secrétaire d'État, ils n’ont rien fait pour mettre en application cette loi, malgré plusieurs rapports de l'ONU sur le pillage des ressources naturelles et d'autres formes de richesse congolaises par le Rwanda et l'Ouganda. La raison de cet échec est claire : dans la région des Grands Lacs, le Rwanda et l'Ouganda sont les principaux alliés des États-Unis dans la lutte contre le terrorisme international, considéré par Washington comme la principale menace de l'ère post-communiste. C’est dans ce cadre que le Rwanda dispose des troupes au Darfour, de même que l'Ouganda joue le rôle de chef de file dans le rétablissement de la paix en Somalie.

Le rôle de l’ancien président Jimmy Carter dans le processus de démocratisation en RDC fut d'autant plus important parce que ceci eut lieu avant la fin de la guerre froide. Suite à la Première Guerre du Shaba de 1977, Carter envoya à Kinshasa l'ambassadeur Donald McHenry auprès du président Mobutu Sese Seko, dans une mission de rappel à l’ordre qui avait pour but de faire comprendre à l’ancien dictateur zaïrois la nécessité de libéraliser le système. Mobutu y répondit positivement en nommant pour la première fois un Premier ministre chargé de s’occuper de la gestion quotidienne du gouvernement, et par la tenue des élections parlementaires les plus libres possibles que le Congo ait jamais connues sous un système de parti unique.

Des individus étaient libres de se porter candidats au parlement de leur propre gré au lieu d'être désignés par le bureau politique du parti au pouvoir, le Mouvement populaire de la révolution (MPR). Le résultat fut un parlement où l’on comptait des voix indépendantes, un parlement qui eut le courage de mettre en branle des interpellations musclées, au cours desquelles les ministres devaient expliquer leurs politiques et justifier leurs dépenses.

C’était dans le contexte de ce parlement élu dans la foulée du Shaba I qu’émergèrent Etienne Tshisekedi et le Groupe des Treize Parlementaires en décembre 1980, avec la publication de la lettre de 52 pages adressée à Mobutu et exigeant une démocratie multipartite. À plusieurs reprises arrêtés, torturés et emprisonnés sous le règne de terreur de Mobutu, Tshisekedi et nombre de ses camarades toujours en déperdition persévérèrent avec défi dans leur résistance farouche à la kléptocratie mobutiste soutenue de l’extérieur par une certaine communauté internationale. Malgré l'interdiction des partis d'opposition, ils fondèrent l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) en février 1982, faisant de cette dernière le plus ancien parti politique pro-démocratie en RDC aujourd'hui.

Le courage exemplaire de Tshisekedi face à l'adversité et son engagement indéfectible envers les idéaux de la démocratie et du progrès social sont des qualités que les Congolais ordinaires admirent chez une personne qui incarne leurs aspirations les plus profondes pour la liberté et la prospérité matérielle. En tant que délégué à la Conférence nationale souveraine (CNS) en 1992, je me souviens encore des accolades et des applaudissements que nous avions reçus de la population de Kinshasa à la sortie du Palais du Peuple aux petites heures matinales du 15 août à la suite de notre vote de Tshisekedi comme premier ministre de la transition vers la démocratie. On nous félicitait d’avoir voté en faveur du «candidat du peuple". Pour la plupart des Congolais aujourd'hui, il ne fait aucun doute dans leur esprit que face à un choix entre les politiques néolibérales des centres dominants du capitalisme mondial et les meilleurs intérêts du peuple congolais, Tshisekedi n'hésitera pas à se mettre du côté de son peuple.

On ne peut pas dire autant de Joseph Kabila, un dirigeant extrêmement faible qui, malgré onze ans au pouvoir, est encore incertain de ce qu’implique son travail de chef de l’Etat. Il est plus à l'aise derrière le volant d'un véhicule ou sur une moto qu’à s’impliquer au-devant du jeu des acteurs de l’Etat. Pour quelqu'un qui avait été nommé major-général à vingt-cinq ans, sans une véritable formation d'officier ou une carrière militaire significative, il fait preuve de déficit en stratégie militaire et dans l'art de gouvernance. Son humiliante défaite militaire à Pweto, le 3 décembre 2000, fut un événement traumatisant aux conséquences fâcheuses pour lui et pour le pays. D'une part, cette défaite le lia d’amitié avec feu Augustin Katumba Mwanke, alors gouverneur du Katanga, qui envoya un hélicoptère pour exfiltrer le jeune général de Pweto ; le protégea contre la colère du président Laurent-Désiré Kabila, son père ; et devint son incontestable éminence grise dès que le jeune Kabila accéda à la présidence. D'autre part, selon Gérard Prunier, la chute de Pweto et l'effondrement des forces pro-gouvernementales, y compris plus de 300 soldats zimbabwéens furent « l'une des causes conduisant finalement à l'assassinat de Laurent-Désiré Kabila. » (3) En tant que bénéficiaire de cet assassinat, Joseph Kabila est arrivé au pouvoir considérant la communauté internationale comme étant sa base politique, (4) et celle-ci tomba amoureuse de lui comme «un homme qui semblait disposé à jouer le jeu politique suivant leurs conditions. » (5)

Étant donné l'importance stratégique de la RDC comme une terre de richesses naturelles considérables située au centre de l'Afrique et nantie des ressources fort recherchées au niveau international telles que l’eau douce, la forêt tropicale, l'hydroélectricité, les terres arables et de nombreux minéraux, les grandes puissances dans la communauté internationale préfèrent des dirigeants qui n'ont pas une réelle base nationale et qui sont facilement manipulables comme Joseph Kabila par rapport à ceux, comme Etienne Tshisekedi, qui sont des nationalistes sans complexe et engagés à servir leurs peuples.

En onze années de pouvoir, Joseph Kabila n'a pas réussi à s'acquitter de son mandat dans la restructuration de l'État et des forces de sécurité. La RDC est probablement le seul pays au monde dont les forces armées regorgent des officiers militaires généraux et supérieurs ne pouvant pas lire une carte, comme certains d'entre eux sont analphabètes. Au lieu d'une armée nationale professionnelle disciplinée, on y trouve des unités composées d'anciens rebelles et des groupes des miliciens qui continuent à harceler la population civile et à commettre des atrocités odieuses tels que le viol et le travail forcé. Les forces congolaises sont également la seule armée au monde à intégrer une milice indépendante fidèle à un pays étranger (le Rwanda), le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), qui a été commandée par un général ayant refusé l'ordre de déployer sur une partie du pays autre que sa propre région d'origine (Laurent Nkunda) et un autre pour lequel il existe un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (Jean-Bosco Ntaganda). Par ailleurs, on notera que d’après des informations non-confirmées, la garde présidentielle, qui est l'unité la mieux équipée, la mieux formée et la mieux payée inclurait des mercenaires en provenance d'Angola, du Burundi, du Rwanda, d'Afrique du Sud, de la Tanzanie, de l'Ouganda et du Zimbabwe.

Dans le domaine économique et social, les énormes richesses du pays en ressources naturelles n'ont jamais été utilisées au profit de la majorité du peuple. Au contraire, le produit de ces ressources est allé à l’enrichissement des dirigeants du pays et leurs partenaires politiques et économiques locaux et étrangers. Dans le Rapport 2011 du PNUD sur le développement humain, la RDC est classée dernière sur 187 pays étudiés en termes de l'Indice de développement humain, une mesure du bien-être basée sur l'espérance de vie, le revenu personnel, la santé et l'éducation. Dans ce contexte d'un « État raté » ou en faillite, le peuple congolais était peu enclin à voter pour un candidat qui n'avait rien fait pour eux depuis plus de dix ans au pouvoir. Joseph Kabila et ses commanditaires étrangers étaient sûrement au courant de cela dans l'élaboration de sa stratégie électorale.

Pour assurer la victoire de Kabila, la Constitution fut modifiée l’année même des élections par un parlement qui lui était loyal, supprimant l'obligation d’un deuxième tour au cas où personne n'obtenait la majorité absolue des suffrages exprimés ; dix-huit nouveaux juges furent nommés à la Cour suprême en plein milieu de la campagne électorale et le pasteur Daniel Ngoy Mulunda, un proche et allié politique du président, fut nommé comme président de la soi-disant Commission électorale nationale indépendante (CENI). En plus de ces mesures, une formidable machine de violence et d'intimidation, de corruption et de fraude électorale fut mise sur pied pour veiller à ce que Kabila sorte comme vainqueur. Maintenant que les évêques catholiques de la RDC ont demandé à la CENI de corriger leurs mensonges ou démissionner, je me demande ce que diront aujourd’hui les responsables du département d'Etat des Etats Unis qui rejetaient les plaintes au sujet de Ngoy Mulunda et défendaient son intégrité !

À cet égard, il est étonnant que certains observateurs affirment qu’ « il n'y a pas de données permettant de fournir une idée avec un degré raisonnable de certitude quant à savoir qui a vraiment gagné les élections. » (6) Si l’intention des organisateurs des élections était que le processus soit compétitif, pourquoi ont-ils recouru à la corruption, l'intimidation, la violence et la fraude massive, y compris des bureaux de vote fictifs, des bulletins de vote en quantité insuffisante dans certains bureaux de vote, les bulletins truqués, l'expulsion des observateurs électoraux de l'opposition et de la société civile de certains bureaux de vote au moment du dépouillement, et la falsification des résultats électoraux dans les soi-disant centres de compilation ? En outre, pourquoi le refus de la CENI pour permettre aux équipes techniques de l'Institut national démocratique (NDI) et la Fédération internationale des systèmes électoraux (IFES) envoyés par les États-Unis pour les aider à recompter les votes? Or, le recomptage des votes sur la base des résultats de chaque bureau de vote est le seul moyen d'établir la vérité des urnes. Les chiffres en possession de l'Eglise catholique, qui avait déployé 30.000 observateurs ou près de la moitié de tous les bureaux de vote, devrait être en mesure d'aider dans ce processus. Les évêques doivent démontrer leur fidélité à la vérité en publiant les résultats obtenus par leurs observateurs.

Un autre commentaire de la part des observateurs externes est que la population est restée en grande partie passive face à l'élection truquée par Kabila et ses proches, ce qui constituerait une indication que la population a accepté le résultat. Rien ne pouvait être plus éloigné de la vérité. Partout dans le monde, la diaspora congolaise a proclamé Tshisekedi le vainqueur de l'élection présidentielle, manifestant ainsi contre les résultats frauduleux et leur acceptation apparente par la communauté internationale. L’Afrique du Sud, la Belgique, la France et le Royaume-Uni sont maintenant en voie d’expulser des immigrés congolais non en règle, en réalité en représailles pour leur participation à des manifestations parfois violentes. Si la RDC avait été un pays dans lequel les gouvernants et les forces de sécurité respectaient l’État de droit et les libertés civiles, des millions de Congolais seraient aussi descendus dans les rues de nos villes et petits centres urbains pour protester de la même façon que leurs compatriotes vivant dans les démocraties libérales.

Pendant la campagne électorale, quand il était relativement facile aux populations de manifester leurs sentiments politiques, Tshisekedi était le seul candidat à attirer les plus grandes foules de personnes lors de ses meetings à travers tout le Congo, dans chacune des onze provinces, y compris dans les zones prétendument hostiles, comme le Katanga et le Maniema. Le 26 novembre 2011, le dernier jour de campagne, la police le prit en otage pendant près de six heures à l'aéroport de Ndjili à Kinshasa, l’empêchant ainsi de tenir son dernier meeting à Kinshasa. Plus de dix partisans de l'opposition furent tués ce jour-là par les forces de sécurité.

Environ six millions de personnes ont été tuées à la suite des guerres du Congo de 1996-97 et 1998-2003, ainsi que de leurs conséquences économiques et sociales dans les zones touchées. D'autres parties du pays ont également connu des épisodes de terrorisme d'État, notamment la répression brutale du groupe politico-religieux Bundu-dia-Kongo (BDK) au Bas-Congo ; les nettoyages et refoulements ethniques des ressortissants du Kasaï dans la province du Katanga et des représailles meurtrières à la violence antiétatique et communautaire dans la province de l’Equateur. Un dossier complet des plus importants crimes commis entre 1993 et 2003 a été compilé dans le rapport cartographique publié le 1er octobre 2010 par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits de l'homme. La responsabilité de l'État pour certains des actes criminels est bien établie, et cela inclut le massacre des adhérents du BDK, ainsi que les assassinats de journalistes tels que Mwamba Bapuwa en 2006 et des militants des droits de l'homme, dont Floribert Chebeya (2010) est le plus connu.

La Cour pénale internationale ne fait rien pour tous ces crimes contre l'humanité. Et pourtant, les procureurs de la CPI ont été amenés à Kinshasa pour intimider Tshisekedi et d’autres leaders de l'opposition qu'ils seraient tenus pour responsables de violences liées aux élections. Depuis le 26 novembre 2011, la police et les forces de sécurité à Kinshasa et ailleurs au Congo ont continué à harceler et à enlever des jeunes, dont la destination et le sort demeurent inconnus. Le 16 février 2012, quand l'Église catholique a demandé à ses fidèles à commémorer la Marche des Chrétiens de 1992 et en signe de protestation contre la fraude électorale de 2011, la police et la milice du parti au pouvoir, le Parti populaire pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), sont entrées dans les églises bien avant la marche pour s’attaquer aux fidèles en prière aux moyens d’armes diverses, y compris le gaz lacrymogène et de gourdins. Pourquoi est-ce que la CPI n’engage-t-elle pas des poursuites judiciaires contre le président Kabila et ses forces de sécurité responsables des violences liées aux élections ?

Bien qu'ils se soient abstenus à condamner les violences par l’État congolais, y compris les violations de la loi électorale par Kabila et la CENI, ou juste publié des déclarations molles condamnant ces crimes, les gouvernements occidentaux et les acteurs internationaux ne se sont pas montrés si tendres envers Tshisekedi. Chacune de ses déclarations est minutieusement examinée et condamnée, chaque fois que pareille déclaration est jugée politiquement incorrecte. Par exemple, Tshisekedi fut condamné pour avoir fustigé la violation de la loi par Kabila et son gouvernement. Il fut tenu responsable des ‘’déclarations incendiaires’’ susceptibles de provoquer des violences. Cependant, les personnes responsables des violences réelles contre les citoyens, y compris des violences ayant causé la mort, n’ont jamais été dénoncées publiquement, et ces personnes circulent librement au vu et au su de tous.

En plus du président Kabila, les gens dans cette catégorie ont inclus Gabriel Kyungu wa Kumwanza, l'architecte du nettoyage ethnique au Katanga à partir de 1992 et John Numbi, l'inspecteur général de la police, qui a été suspendu mais n'a jamais été inculpé ni accusé pour l'assassinat de Chebeya. Le général Ntaganda, commandant du CNDP recherché par la CPI, est protégé par Kabila comme un officier de haut rang dans l'armée, tandis que Jean-Pierre Bemba est poursuivi devant la CPI pour crimes qui auraient été commis par ses troupes en son absence à Bangui, capitale de la République Centrafricaine.

En reconnaissant Kabila comme le président de la RDC après les résultats électoraux frauduleux, les puissances occidentales et la communauté internationale ont montré que leurs intérêts stratégiques étaient plus importants que leur prétendu engagement pour la démocratie et la justice. Dernièrement, la communauté internationale a reconnu Alassane Ouattara comme président de Côte d'Ivoire, nonobstant la décision de la Cour constitutionnelle de ce pays en faveur du président sortant, Laurent Gbagbo. A la suite d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la protection des civils libyens contre le régime de Kadhafi, les grandes puissances occidentales dirigées par l'OTAN ont reconnu les rebelles libyens en tant que représentants légitimes du peuple libyen et de leurs aspirations pour le changement. Le refus de reconnaître Tshisekedi comme le vainqueur de l'élection présidentielle et le représentant légitime des aspirations profondes du peuple congolais pour la démocratie et le progrès social relève à la fois de l’hypocrisie et du recours habituel à la pratique des deux poids, deux mesures de la part de ces mêmes États, qui prétendent défendre la démocratie et les droits de l'homme. Quoi qu’il en soi, ceci permet au peuple congolais de savoir qui sont nos vrais amis et qui sont nos ennemis dans le monde d'aujourd'hui.

En s’accrochant au pouvoir par la fraude électorale, Kabila commet ni moins ni plus une usurpation. Il est donc en violation à la fois de la Constitution de la RDC et de la résolution de l'Union africaine contre le changement anticonstitutionnel de gouvernement. Conformément à l'article 64 de la Constitution de la RDC, qui reconnaît le droit et le devoir des citoyens congolais de résister à l'usurpation ou la saisie du pouvoir par des moyens inconstitutionnels, des manifestations pacifiques de la résistance se poursuivront en RDC et à l’étranger au sein de la diaspora contre le régime illégal de Joseph Kabila.

Pour prévenir de nouvelles violences et de pertes de vie inutiles en raison de l'impasse actuelle, Kabila doit être obligé d'accepter une sortie honorable similaire à celle de Fredrick De Klerk dans la période post-apartheid en Afrique du Sud. Pour lui, la meilleure voie de sortie honorable consiste à devenir président du Sénat, ce qui est la deuxième fonction politique en importance après celle du président de la république. Il doit accepter le verdict des urnes et le choix par le peuple de Tshisekedi comme étant la personne qui a gagné les élections et qui doit présider au processus de changement et de reconstruction au Congo. Une formule de partage de pouvoir semblable à celles du Kenya ou du Zimbabwe n'est tout simplement pas viable, compte tenu de l'histoire des vingt dernières années depuis la Conférence nationale souveraine. Le partage des postes ministériels, des entreprises publiques et des postes d’ambassadeur entre les différents partis politiques n'est pas nécessairement un moyen de résoudre le problème le plus important auquel fait face la RDC aujourd'hui, à savoir, la restructuration de l'État pour renforcer sa capacité en termes du maintien de l'ordre et de la sécurité, la mobilisation des revenus internes, la fourniture des services et le développement économique.

CE TEXTE VOUS A ETE PROPOSE PAR PAMBAZUKA NEWS



* Professeur d’études africaines à l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill, USA. Cet article a été initialement publié dans la rubrique African Futures du forum électronique Possible Futures, un projet du Conseil pour la recherche en sciences sociales (Social Science Research Council) des Etats-Unis, dont le siège se trouve à New York. On trouvera l’original en anglais au site web suivant : http://bit.ly/african-futures-georges-nzongola


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