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L'exploitation minière est à la fois l’une des plus vieilles industries du monde et l’une des plus importantes pour l’économie de nombreux pays en développement. Compte tenu du niveau record des prix des minéraux tels que l'or et le cuivre, son importance et son influence ont augmenté de façon spectaculaire au cours des dernières années. L’exploitation minière industrielle à grande échelle présente un large éventail de défis économiques, sociaux et environnementaux pour les gouvernements et les communautés locales riveraines des sites où elle se déroule (…)

Caractéristiques de l’exploitation minière moderne

L’exploitation minière moderne se fait sur une très grande échelle. Elle implique l'excavation d’énormes mines à ciel ouvert qui peuvent atteindre jusqu'à 4 km de large et 1,5 km de profondeur. Les déchets miniers constitués par la roche extraite non utilisée dans le processus d'exploitation sont empilés en blocs massifs, pouvant atteindre 100 m de haut dans certains cas. Dans l'exploitation de l'or, le minerai extrait des puits est pulvérisé avec une solution de cyanure pour extraire l'or de la roche environnante. Les résidus de traitement connus sous le nom de "tailings" sont un autre sous-produit de l'exploitation minière. Ceux-ci sont entassés dans d’énormes bassins qui peuvent atteindre plusieurs centaines de mètres de profondeur et des centaines de mètres de longueur.

L’or produit dans les mines lointaines est souvent transporté hors de la mine à bord de petits jets privés qui atterrissent sur des pistes construites sur le site minier lui-même. Dans certaines mines de cuivre, celui-ci est transporté à travers un gazoduc vers des installations portuaires situées à des centaines de kilomètres de la mine.

Les mines sont généralement exploitées par des sociétés basées en Australie, au Canada, aux États-Unis ou en Europe. On peut énumérer parmi les plus grandes entreprises, BHP-Billiton, AngloAmerican, Barrick Gold et Newmont. A côté de ces grandes entreprises, il existe des milliers de petites entreprises dites "junior", qui ont seulement un projet dans leur portefeuille. Beaucoup d’entres elles sont basées au Canada, où elles ont facilement accès aux capitaux à la Bourse de Toronto. En général, ces petites entreprises font le travail préliminaire sur un site minier (exploration, études de faisabilité), avant de vendre les droits relatifs au projet à une grande entreprise qui a la capacité d’exploiter effectivement la mine.

Au cours des dernières années, les sociétés minières occidentales ont dû faire face à une concurrence accrue des entreprises chinoises, qui recherchent énergiquement des minéraux pour soutenir le développement de l’économie chinoise. Les entreprises chinoises ont ainsi été actives en Amérique Latine, en Asie et, en particulier, en Afrique.

Les préoccupations environnementales

L'exploitation minière est l’une des industries les plus polluantes du monde. Selon l’inventaire des rejets toxiques des Etats-Unis, elle est de loin l’industrie qui produit le plus de produits chimiques toxiques dans le pays. Ainsi, les produits chimiques toxiques utilisés dans l’exploitation minière, notamment le cyanure, peuvent se répandre dans les eaux souterraines et de surface qui sont à proximité des sites miniers, tuant les poissons et rendant l'eau impropre à l'irrigation ou la consommation. Au Ghana, les fuites de cyanure ont été un problème chronique. Elles ont détruit les cours d'eau et contribué au développement de problèmes de santé au sein des communautés locales vivant à proximité des mines.

Pareillement, dans le cadre du processus de fusion d’or, les mines produisent d'énormes quantités de mercure qu’elles rejettent dans l'air. Celui-ci peut contaminer le sol, l'eau et l'air à des centaines de kilomètres de la fonderie. Le mercure est une neurotoxine puissante, en particulier pour les enfants. L'exposition à ce produit peut causer d'importants troubles neurologiques de même que des problèmes de développement. Il s’agit notamment des déficits d'attention et de langage ainsi que des troubles de la mémoire, de la vision et des fonctions motrices.

L'un des plus graves problèmes environnementaux que causent les importants sites miniers est appelé "le drainage acide minier". Il s’agit du processus chimique par lequel les résidus miniers contenant des sulfures produisent de l'acide sulfurique, une fois exposés à l'air libre et à l'eau. Cet acide infiltre les nappes phréatiques et les eaux de surface, tuant la vie végétale et animale, tout en rendant l'eau inutilisable pour quelque fin que ce soit. En outre, une fois ce processus de génération acide entamé, il est impossible à arrêter. Si les eaux acides peuvent être traitées, cela doit être fait à perpétuité. Or, de nombreux pays en développement n'ont pas les ressources nécessaires pour réaliser cette opération.

Dans certains pays de la région Asie/Pacifique, les sociétés minières déversent leurs résidus liquides directement dans les rivières locales et/ou l'océan. Ces méthodes d'élimination sont appelées "dépôts de résidus miniers subaquatique" et sont très controversées. Elles sont interdites aux États-Unis et au Canada en raison de la réglementation sur la qualité de l'eau. Les sociétés minières font valoir que la technologie est sans danger et que dans les régions d’instabilité sismique, elle est plus sûre que le stockage des résidus liquides sur terre. Les scientifiques n'ont cependant pas définitivement prouvé que ces méthodes d'élimination ne posent pas de risques à long terme pour l'environnement et la santé humaine.

En 2006, la société américaine Newmont Mining Corporation a versé une indemnisation de 30 millions de dollars au gouvernement indonésien, à la suite d’accusations de pollution relatives à l'immersion de déchets dans une baie de l'océan. Selon les communautés locales, cela aurait causé de graves problèmes de santé.

L'exploitation minière requiert d’énormes quantités d'eau dans le cadre du processus de traitement des minerais. Les mines doivent aussi pomper de l'eau hors du sol (ou "assécher") afin de prévenir l’inondation des puits. Une mine aux États-Unis pompe 380 000 mètres cubes d'eau souterraine par jour. Pareillement, dans une région du Chili, la demande d'eau de l'industrie minière s'élève à 20 000 litres par seconde.

Pour effectuer une réglementation efficace de l’activité d'exploitation minière, les organismes gouvernementaux doivent disposer d'un corps de professionnels qualifiés et bien formés, ayant accès à toutes les informations pertinentes nécessaires pour faire leur travail efficacement. Malheureusement, dans de nombreux pays en développement, les gouvernements n’ont pas vraiment la capacité d’effectuer un contrôle efficace sur l'industrie minière. Dès lors, il est très difficile pour eux d’essayer de faire en sorte qu'un projet minier se conforme aux lois environnementales. Même aux États-Unis, où il existe une importante Agence de protection de l'environnement, l'exploitation minière a été à l’origine de très graves problèmes environnementaux.

Les préoccupations sociales

L'introduction d'une grande exploitation minière dans une communauté rurale peut souvent avoir un énorme effet perturbateur. Un grand nombre de personnes peuvent être physiquement déplacées par l'opération et être contraint de se réinstaller dans des zones inconnues, inhospitalières et dépourvues de ressources. Les sociétés minières amènent souvent avec elles des employés allogènes aux valeurs culturelles différentes de celles de la communauté locale. Ceci peut également entraîner des perturbations de l'ordre social existant. Par ailleurs, l'exploitation minière est souvent liée à une augmentation significative des taux de prévalence du VIH/Sida, de l'alcoolisme, de la prostitution et de la violence familiale.

D’importants problèmes liés aux droits de l'Homme sont fréquemment associés aux projets d'exploitation minière à grande échelle. Dans certaines circonstances, les populations locales ont subi des atteintes aux droits humains commises soit par les forces de sécurité des compagnies minières, soit par les forces de sécurité du gouvernement agissant à la demande des sociétés minières. Au Ghana, des mineurs artisanaux ont été battus et tués par les forces de sécurité des compagnies minières. En Indonésie, les communautés autochtones vivant près de la grande mine de Grasberg ont été victimes de viol, de torture, de détention et de meurtres commis par l'armée indonésienne.

Les peuples autochtones sont souvent victimes des effets négatifs de l'exploitation minière. Généralement, ils reçoivent peu d'information sur les avantages et inconvénients des projets miniers. En outre, ils n’ont pas d’influence significative sur la mise en œuvre desdits projets. Dans certaines situations, les peuples autochtones peuvent considérer la création d'une mine comme une menace à leur survie culturelle.

Au cours des dernières années, les protestations sociales liées à l'exploitation minière ont augmenté de façon spectaculaire. Au Pérou, d'après les estimations du gouvernement, il y a aujourd’hui plus de 45 conflits sociaux liés à des projets miniers. Cette augmentation des conflits reflète le développement de l'exploitation minière, en raison de la volonté des sociétés minières de tirer profit des prix élevés des minéraux. Parfois, les protestations des communautés indigènes et les conflits ont forcé les sociétés minières à modifier ou à abandonner complètement leurs projets dans certaines zones. Ce fut le cas à Tambogrande au Pérou, où les protestations locales ont forcé le gouvernement à refuser d’accorder un permis à une société minière canadienne. Il en a résulte une perte de 60 millions de Dollars US pour ladite société.

Dans ce contexte, les militants et les communautés locales en appellent de plus en plus aux compagnies minières pour qu’elles démontrent qu'elles ont un "permis social d'exploitation». En d'autres termes, les sociétés minières doivent non seulement avoir un droit légal à une concession accordée par le gouvernement mais, elles doivent également démontrer que leur présence est acceptée par la communauté locale. Les sociétés minières devraient respecter le droit des communautés à un "consentement libre, préalable et éclairé", autrement dit, ne pas engager leur exploitation sans le consentement exprès de la population locale.

L’économie de l’exploitation minière

L'exploitation minière peut être extrêmement rentable pour les sociétés minières. En effet, les prix de minéraux étant actuellement à des niveaux élevés, les sociétés minières ont généré des profits record. Malheureusement, la plupart des gouvernements tirent peu de profit de l'exploitation des mines dans leur pays en raison des importants avantages fiscaux accordés afin d'attirer les investissements miniers. Dans certains cas, cela signifie que les pays reçoivent peu ou pas du tout d'impôt sur le revenu des entreprises minières, jusqu'à ce que celles-ci aient récupéré leur investissement initial. Cette période de franchise fiscale peut durer au moins cinq ans. Certains projets non rentables ne génèrent pas des recettes fiscales du tout pour les gouvernements.

Il existe deux principaux types de taxes d'exploitation minière:

1- les taxes sur le profit, qui sont prélevées sur les bénéfices que les sociétés minières tirent des minéraux qu’elles extraient ;
(2) les redevances, qui sont établies sur le volume de minerai extrait, mesuré par exemple en onces d'or ou en tonnes de cuivre.

Les sociétés minières préfèrent payer les taxes sur les bénéfices plutôt que les redevances, car ces dernières sont indépendantes des coûts et des prix du marché. Certains pays appliquent des redevances nulles ou très faibles (1 a 3%) pour attirer l'investissement minier.

Dans les années 1990, de nombreux pays en développement tributaires de l'exploitation minière, ont réformé leurs secteurs miniers afin d'attirer les investissements étrangers. Ces réformes ont souvent été menées à la demande de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International. De nombreux pays ont ainsi privatisé leurs sociétés minières publiques et procédé à une réduction de l’imposition et des taux d’imposition du secteur. Cela s'est produit à une période au cours de laquelle les prix des minéraux étaient faibles. L’on croyait alors que de telles mesures étaient nécessaires pour inciter les entreprises étrangères à investir dans des pays où les risques étaient plus élevés.

Toutefois, aujourd'hui, de nombreux gouvernements procèdent à la révision des concessions minières accordées à cette époque et revendiquent une plus grande part des bénéfices issus de l’exploitation. Certains gouvernements ont demandé la renégociation des contrats miniers ainsi que l'augmentation des taxes et redevances. La Zambie, l'un des principaux producteurs de cuivre, en est un exemple.

Les exploitations minières ont tendance à être des "enclaves" isolées du reste de l'économie nationale. Dans la plupart des cas, très peu d'activité économique «en aval» se développe autour de l'exploitation minière. Cela est en grande partie dû au fait qu'il n'est généralement pas rentable de développer des produits à plus grande valeur ajoutée dans les pays où les minéraux sont extraits. Ainsi, il s’avère moins cher d'expédier le cuivre de Zambie vers la Chine pour être transformé en fil de cuivre, plutôt que de construire une usine de transformation sur place. Dans le même ordre d'idées, l'industrie minière à grande échelle exige relativement peu de main-d'oeuvre. Parfois, seules quelques centaines de personnes sont nécessaires pour exploiter une grande mine. Ainsi, les avantages de l'exploitation minière en termes de création d'emplois ont tendance à être assez minimes.

A cause de son manque d’intégration avec les autres secteurs économiques et de son taux relativement faible de création d'emplois, le bénéfice global qu'un pays tirera de son secteur minier se limitera presque exclusivement aux recettes fiscales. Dès lors, il est d'autant plus important que celles-ci soient gérées de façon adéquate transparente par les gouvernements. C’est pour cette raison que ces dernières années, la publication par les sociétés minières de leurs paiements aux gouvernements est devenue un sujet majeur de développement international.

Ces préoccupations ont conduit à la création de l’Initiative pour la Transparence des industries Extractives (ITIE). Elle rassemble des gouvernements, des entreprises et des organisations non gouvernementales afin d’examiner et de publier sur un plan national les revenus que les gouvernements reçoivent des sociétés minières et pétrolières.

Un autre sujet de préoccupation qui a émergé au cours des dernières années dans les secteurs pétrolier et minier, est celui des contrats de production signés entre les gouvernements et les sociétés pétrolières et minières. Ces contrats déterminent habituellement le montant des recettes que le gouvernement va tirer d'un projet donné. Ils contiennent parfois des clauses dites "de stabilisation", qui servent à "geler" les lois et règlements qui s’appliquent à une entreprise tout au long de la mise en oeuvre d'un projet. Ces clauses visent à protéger les intérêts des investisseurs contre les modifications arbitraires des lois et règlements pertinents après la signature d’un contrat. Malheureusement, elles ont également l'effet pervers d'exonérer lesdites entreprises de l’observance des nouvelles réglementations qu'un pays pourrait adopter en matière de Droits de l'Homme et de protection de l'environnement, après la signature d'un contrat de production avec une entreprise.

Les économistes ont constaté que la dépendance économique à l'exploitation minière est associée à une variété de problèmes socio-économiques y compris le faible taux d'éducation, la baisse des niveaux de soins de santé et la plus grande propension aux conflits et à la guerre civile. Cela peut être attribué à la facilité avec laquelle les revenus tirés des ressources naturelles peuvent être manipulés par les gouvernements et dirigés vers des usages peu constructifs. La concurrence entre factions armées pour le contrôle des ressources minérales peut être également être un moteur de violents conflits, comme cela a été le cas en République Démocratique du Congo.

* Keith Slack, Directeur du programme Industries Extractives à Oxfam-America - Réalisé en collaboration avec l’Institute for Policy Dialogue

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