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Une nouvelle configuration politique s’est dessinée à l’issue du 1er tour de la présidentielle au Sénégal, qui pourrait peser sur les rapports en direction du second tour. Ainsi les pistes d’une alternance se dessinent pour aller vers une Nouvelle République des Assises nationales et l’histoire a donné à Macky Sall la possibilité d’incarner. Reste à savoir y aller avec les alliances qui s’imposent.

Les résultats que la Commission Nationale de Recensement des Votes vient de rendre publics sont sans équivoque sur le rejet de la candidature d’Abdoulaye Wade à un troisième mandat, et sur la désignation de Macky Sall comme le candidat qui devrait l’affronter au 2e tour, les 18 et 25 mars 2012.Les résultats de ce 1er tour ont illustré l’évolution des rapports de forces entre la deuxième et la troisième semaine de la campagne électorale.

En effet, l’opposition face à Wade s’est reconfigurée en deux sous camps, composés respectivement de ceux pour qui la ‘’non participation de Wade aux élections’’ était un objectif politique à atteindre avant la tenue du scrutin du 26 février, et ceux pour qui, sous ‘’l’effet Macky’’, elle n’était qu’un slogan de campagne devant contribuer à affaiblir et à isoler Wade pour le battre par les urnes. C’est cette seconde alternative, ou ‘effet Macky’, qui a fini par s’imposer à toute l’opposition durant la troisième semaine de campagne, et lui a permis d’en tirer le maximum de profit.

Pendant ce temps le camp de Wade continuait à se discréditer, à cause des effets collatéraux négatifs de ses tentatives de corruption de dignitaires religieux et de l’excès de zèle de son ministre de l’Intérieur dont le limogeage était réclamé, non plus seulement par l’opposition, mais aussi par d’importantes autorités religieuses.

Cependant, ces résultats ont été obtenus grâce au concours de plusieurs facteurs, dont :

- La détermination des candidats de l’opposition et de leurs coalitions à s’opposer aux diverses tentatives du camp de Wade de bourrer les urnes lors du scrutin du 26 Février. A cet effet, dans la plus part des villes du pays, les tentatives de transfert d’électeurs, le jour du vote, ont été stoppées efficacement, malgré le déploiement de plusieurs brigades de nervis par les partisans de Wade. La présence nombreuse d’observateurs étrangers a aussi facilité cette tâche à l’opposition ;

- La volonté des populations d’en découdre avec Wade et son régime ;

- La division de Benno en deux grandes coalitions qui ont essuyé un véritable vote - sanction au profit de Macky ;

- Le rejet, au sein du Pds même, du projet de Wade de dévolution du pouvoir à son fils, qui a entrainé des vote sanctions au profit de Macky, au détriment de Idrissa Seck, qui a eu du mal à solder son ‘contentieux’ avec le Pds, dans lequel il s’est longtemps considéré comme l’’actionnaire majoritaire’.

Ainsi Wade n’a obtenu que 34,97 % du suffrage exprimé, loin derrière Abdou Diouf qui, en 2000, avait obtenu 41 %. Ce fut donc une véritable humiliation, malgré l’existence dans le fichier électoral de plus de ‘130 000 morts’ découverts par la Mission d’Observation de l’Union européenne. Pourtant, le président du Comité de veille, celui de la Commission Electorale Nationale Autonome et le ministre chargé des Elections s’étaient évertués, publiquement, à convaincre l’opinion nationale et internationale de la fiabilité de ce fichier, suite aux craintes grandissantes des Sénégalais, alertés par l’existence d’un projet de fraude électronique, via la manipulation du fichier. Leur silence devant cette révélation les disqualifie, pour complicité, à participer à l’organisation du 2ème tour.

Macky Sall, avec 26,21 %, arrive au deuxième place pour mettre Wade en ballotage, sans pour autant obtenir le score de 31 % que celui-ci avait engrangé en 2000. Niasse et Tanor Dieng, deux candidats issus de Bennoo, ont obtenu ensemble 24,73 % du suffrage exprimé, montrant ainsi le coût électoral de leur séparation. Bennoo aurait pu être au 2ème tour, si ces deux candidats avaient évité de se discréditer en se séparant, après avoir longtemps fait croire aux Sénégalais leur volonté d’aller ensemble à la présidentielle.

Idrissa Seck, avec 7,94 %, voit son rêve d’être le 4ème président du Sénégal s’effondrer, pour n’avoir pas pu solder ses contentieux avec le peuple et avec le Pds. Cette configuration des forces politiques issues du 1er tour des élections du 26 février balise, en direction du second tour, les perspectives d’évolution des rapports de force autour des deux coalitions sorties victorieuses : le camp de Wade et celui de Macky.

Compte tenu du fait que les enjeux de la présidentielle de 2012 ne mettent pas en compétition une Droite contre une Gauche, mais bien, des forces républicaines, démocratiques et citoyennes contre un régime despotique en voie de monarchisation, le second tour des élections perpétue ces enjeux, et ne présente pas aux Sénégalais un choix entre deux représentants de la Droite, avec des variantes de programmes de Droite. Ce contenu est conforté par le choix public de Macky Sall à appliquer les conclusions des Assises Nationales, qui ont codifié le consensus des forces vives de notre Nation pour refonder notre Etat sur des bases républicaines, démocratiques et citoyennes, et la gouvernance du pays.

Le second tour revêt ainsi un aspect référendaire qui pose la question du choix entre la perpétuation du régime de Wade, et la ‘Nouvelle République des Assises nationales’ que l’histoire a donné à Macky le lourd fardeau d’incarner.

C’est pour cet objectif que Bennoo devrait rapidement se reconstituer autour de ses 24,73 %, et entrer en négociation avec Macky Sall avec ses 26,21 % ; ce qui donnerait mathématiquement au Bennoo originel une majorité de 50,94 %. En alliance avec les parties prenantes du M23, dont Idrissa Seck, il se dégagerait ainsi une majorité politique confortable pour faire partir Wade et son régime.

De telles retrouvailles sont indispensables pour assurer la victoire, du fait de la ‘non destruction’ de l’appareil de fraude électorale de Wade qui n’a été que paralysé au 1er tour. Mieux, même vaincu, il n’est pas sûr qu’il accepte sa défaite et qu’il ne tente pas de réaliser le coup de force auquel il aurait renoncé, à cause de menaces de destitution que la France lui aurait adressées après la connaissance des tendances issues des urnes.

Plus que jamais, le scénario de Côte d’Ivoire guette notre pays, qui aurait pu l’éviter si Wade se retirait du second tour pour organiser des élections transparentes entre Macky et Niasse, et partir avec les honneurs, malgré les horreurs qu’il a fait subir aux Sénégalais. Tant que Wade restera en course, le Sénégal vivra une campagne électorale et un scrutin du second tour de tous les dangers.

CE TEXTE VOUS A ETE PROPOSE PAR PAMBAZUKA NEWS




* Ibrahima Sène, est membre du Parti pour l’Indépendance et le Travail/ Sénégal


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