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La Namibie occupe peut-être une bonne place dans l’échelle des Droits de l’Homme et de la démocratie, mais sa réponse à la tentative de coup d’Etat sécessionniste du Caprivi Strip, il y a dix ans, reste une ombre à son tableau. En plaçant le cas dans son contexte historique et en présentant une série de points de vue, du gouvernement à ceux émanant d’ONG internationales, Henning Melber se demande si la résolution du conflit du Caprivi Strip est possible.

La Namibie figure dans les premiers rangs des pays du continent africain, dans une évaluation de la bonne gouvernance basée sur les critères de démocratie et du respect des Droits de l’Homme. Par contre, le pays a aussi le douteux privilège de la plus longue détention de prisonniers politiques de la région australe africaine. Ils croupissent derrière des barreaux, sans jugement, depuis presque dix ans. Les victimes de cette justice font face à des accusations de haute trahison et ne trouvent aucune grâce dans leur traitement. La plupart des plus de cent hommes sont détenus depuis août/septembre 1999. La libération sous caution leur a été refusée. Depuis lors, le nombre de ceux qui sont morts en détention est égal au nombre de ceux morts au cours de l’attaque des rebelles auxquels ils sont accusés d’être liés.

Le Caprivi Strip, un héritage coloniale

Le 2 août 2009, cela fait dix ans depuis qu’une tentative de rébellion sécessionniste a ravagé la région connue sous le nom de Easter Caprivi. La frayeur n’a duré que quelques jours au cours desquels la main des services de sécurité s’est lourdement abattue sur ceux suspectés de sympathie pour les rebelles, avant la reprise du contrôle de la situation. Mais le pays était atteint de plein fouet. Le choc, l’outrage et la colère, aussi bien des dirigeants que du public, à propos de cette incroyable défi à l’intégrité nationale et territoriale ont mis des mois à disparaître.

Dix ans plus tard, tout le monde semble souffrir d’amnésie quant à ces évènements et d’un désintérêt total pour ceux qui se sont retrouvés incarcérés pour un procès qui semble s’éterniser. Invisibles, les fantômes hantent la nation dont la surface cache son impuissance à faire face à ce défi qui consiste à s’attaquer aux racines du problème à défaut de pouvoir les éradiquer.

Les accusés sont les survivants d’un héritage colonial dont l’origine remonte au traité de Helgoland Zanzibar, conclu le 1er juillet 1890 entre l’Allemagne et l’Empire britannique. Ceci a non seulement inclus l’échange de l’ancienne colonie allemande du Zanzibar pour le Helgoland, mais il a été aussi ajouté une mince bande au territoire allemand de l’Afrique du Sud Ouest, qui s’étend sur plusieurs centaines de kilomètres jusqu’au Zambèze. Cette bande a été baptisée du nom du chancelier allemand, Léo von Caprivi qui a signé le traité.

Cette monstruosité géographique a été créée afin que les Allemands puissent concrétiser leur obsession consistant à relier par voie de terre et par voie fluviale leurs colonies de l’Afrique de l’Est. En raison de l’ignorance des colonialistes des réalités naturelles sur le terrain, ce plan s’avère une de ces nombreuses illusions naïves, cultivées dans l’esprit de l’omnipotence coloniale. (1)

Le fait que le Caprivi Strip a englobé plusieurs groupes de populations différentes provenant de communautés adjacentes au territoire colonial allemand est un élement secondaire qui ne semble pas avoir particulièrement préoccupé les autorités. Ces populations ont ensuite été englobées sous l’appellation de ‘’Caprivians’’ Le Caprivi Strip et les Caprivians existent encore aujourd’hui dans différents documents officiels des autorités namibiennes. La décolonisation n’a pas encore, à cet égard, atteint les mentalités officielles. Mais il existait un désir d’autonomie au sein d’une partie de la population locale qui souhaitait autre chose qu’un Etat nation qui ne se distingue pas beaucoup de la domination coloniale étrangère.

La tentative de coup d‘Etat sécessionniste

Le cas du Caprivi illustre exceptionnellement bien les défis de l’héritage colonial de la Namibie, en ce qui concerne le processus de construction d’un Etat souverain. Pour n’avoir pas pris en considération ces circonstances particulières, la situation a tourné au désastre.

Aux petites heures du matin du 2 août 1999, les institutions étatiques et ses représentants ont été attaqués, créant ainsi la panique et la confusion, paralysant la Namibie pour un court instant. La confusion a régné lorsqu’un groupe d’insurgés a tenté une attaque surprise de certaines infrastructures névralgiques de Katimo Mulilo, la seule ville de la région. Ils ont pris d’assaut un poste de police. Les combats ont aussi eu lieu pour la maîtrise de la Namibian Broadcasting Corporation et pour le contrôle de l’aéroport de Mpacha.

Les unités spéciales de la police et l’armée namibiennes ont réagi promptement. Au cours d’un discours télévisé, le président Sam Nujoma a décrété l’état d’urgence pour une période indéterminée et le commandant régional de la police du Caprivi a annoncé un couvre feu pour les résidents de Katima Mulilo. En quelque temps, les forces de sécurité de l’Etat ont repris le contrôle. Au final, au moins 14 personnes dont 5 policiers, des insurgés et des civils qui se trouvaient dans la ligne de mire, ont été tuées.

Que de tels évènements puissent se produire dans un pays réputé pour sa paix et sa stabilité était choquant. Mais la région du Caprivi était depuis longtemps une région à problèmes. Des signes avant-coureurs étaient apparus il y a longtemps, montrant qu’il y avait quelque chose de pourri dans cette partie de la Namibie. Dès avant l’étape finale du processus de décolonisation, des voies dissidentes s’était élevées contre le fait que le mouvement de libération était sur le point de devenir le gouvernement légitime.

En novembre 1989, les élections pour une Assemblée Constituante, sous la supervision des Nations Unies, ont montré un soutien majoritaire en faveur du Democratic Turnhalle Alliance (DTA), qui était pro-Afrique du Sud et anti-SWAPO. Ceci était en contradiction avec les 57 % des voix en faveur du mouvement de libération. Ignorant ces signes de méfiance à l’égard du nouveau gouvernement, aucune mesure restaurant la confiance entre les populations locales et ‘’ceux d’en haut’’, n’a été prise. Néanmoins, les résidents, à l’aide de votes non conformistes successifs, jusqu’à la fin des années 1990, ont montré que leur soutien au parti au pouvoir était significativement moindre que dans le reste du pays.

Le prélude et les conséquences

L’alerte aurait dû être donnée au plus tard en octobre 1998, lorsque les forces de sécurité namibiennes ont découvert un camp d’entraînement de la Caprivi Liberation Army (CLA), la branche armée de l’organisation rebelle nouvellement créée par la Caprivi Liberation Movement (CLM). Dans l’intense recherche et l’arrestation des sécessionnistes suspectés, les civils ont été traités avec peu d’égard. Ceci n’a guère été une contre-initiative réussie pour gagner les cœurs et les esprits.

Quelque 2500 personnes ont fui au Botswana voisin. Jusqu’en juin 1999, plusieurs centaines de ces réfugiés ont été rapatriées cependant que la majorité à trouvé asile politique ailleurs. Les principales figures en fuite incluent Mafwe Chief Bonifatius Mamili et l’ancien dirigeant de la SWAPO en exil devenu le chef de la DTA, Mishake Muyonogo. Tous les deux ont obtenu l’asile politique au Danemark. D’autres, qui étaient partis pour le Botswana avant la fin de 1998, comprenaient dans leur rang des membres conséquents de l’administration, des officiels du gouvernement et des élus politiques. De surcroît, le chef du peuple Kxoe, en compagnie de quelques milliers de ses partisans, a rejoint le camp de réfugiés de Dukwe.

En dépit de ce grand départ vers l’exil, le gouvernement a décidé de tenir les élections régionales prévues pour décembre 1998. Incapable de remplacer dans un si court laps de temps les membres de la DTA qui ont fait défection, la SWAPO a gagné tous les six sièges. Dans les secteurs électoraux, dont la plupart des réfugiés étaient originaires, moins de 20% des électeurs ont voté. Vers la fin avril, dans son adresse à la nation, le président namibien a alerté l’opinion publique concernant des plans sécessionnistes. L’attaque qui a suivi, contre l’intégrité territoriale, a été néanmoins été perçue comme irrationnelle de la part des rebelles. Certains signes suggèrent que ces derniers ont reçu un soutien aussi bien moral que pratique de groupes situés en Zambie et en Angola. Il a été dit que l’UNITA a offert une assistance directe aux opérations ainsi que le Zambian Barotse Patriotic Front (BPF). Il y avait aussi des sympathies au Botswana. Mais ce soutien d’au-delà les frontières de la Namibie était moins cohérent que ce qui a été suggéré.

Les graves violations du droit par les séparatistes, qui ont tué pour des visions irréalistes basées sur les fantaisies de quelques individus assoiffés de pouvoir, déconnectés des réalités, n’ont trouvé aucune grâce auprès de la majorité des Namibiens et des organes de l’Etat. Un commentaire ironique de l’époque, en raison de l’obsession homophobe qui courrait en parallèle, disait : ‘’ Dieu vienne en aide aux Caprivians homosexuels….’’

Les forces de sécurités ont agi avec violence à l’égard de la population civile. Les suspects ont été traités selon des termes contraire à la Constitution, y compris la torture, au cours d’interrogatoires ou en détention. L’accumulation de preuves a contraint le ministre de la défense à admettre des violations des Droits de l’Homme, néanmoins leurs auteurs n’ont à ce jour, pas été poursuivis.

La haute trahison a été retenue comme chef d’accusation, ainsi que 274 autres accusations, à l’encontre des presque 130 personnes initialement accusées. Le procès s’est ouvert après plusieurs années pour être constamment reporté. Les autorités ont commencé par nier aux accusés le droit à la défense quand bien même celui-ci est inscrit dans la Constitution. Suite à un appel à la Cour Suprême, celle-ci a statué au milieu de 2002, que les accusés ont droit à un avocat aux frais de l’Etat. La procédure judiciaire retardée, avec un procès qui s’est ouvert seulement en 2004 et qui continue d’être perturbé par des retards, est en contradiction avec l’art. 12 (1) (b) de la Constitution de la Namibie qui dit ‘’ qu’un procès doit avoir lieu dans un délai raisonnable, à défaut l’accusé doit être relâché’’

En août 2003, Amnesty International (AI) a publié un rapport critique sur les conditions de détention des détenus. (2) AI a exprimé sa profonde préoccupation à propos des violations des droits des prisonniers avant le procès, qui peuvent saper leurs droits à un procès équitable selon des normes internationalement reconnues et définies dans le Pacte International des Nations Unies pour les Droits Civiques et Politiques (PINUDCP) et la Charte africaines pour les Droits de Homme et le Droit des Peuples (CADHDP).

AI, qui a aussi observé des violations de la Convention des Nations Unies contre la Torture et autres traitements dégradants et inhumains, a exprimé sa préoccupation pour le manque d’investigation par le gouvernement des allégations de torture et l’impunité de leurs auteurs. AI a encore exprimé son souci pour le non respect de la présomption d’innocence en raison de l’abus de la doctrine ‘’ d’objectifs communs’’ qui veut que tous les accusés soient accusés de haute trahison, de meurtres et de sédition.

Selon Amnesty, au moins 70 des prisonniers ont été arrêtés seulement sur la base de leur soutien ou en raison leur soutien présumé à l’opposition politique régionale, de leur appartenance à cette organisation, de leur identité ethnique ou leur adhésion à certaines organisations.

AI a aussi émis des doutes sur les raisons de la mort de douze prisonniers et a suggéré que les conditions d’insalubrité et l’absence de soins médicaux sont des facteurs contribuant aux décès. Dans une déclaration à la presse, AI a appelé les autorités à libérer immédiatement et inconditionnellement tous les prisonniers politiques et à garantir aux autres détenus un procès équitable (3). Cet appel n’eut aucun effet et le procès de la trahison au Caprivi semble démontrer que ‘’ justice et équité ne sont pas nécessairement pleinement réalisées par l’indépendance politique’’, comme le remarquait un professeur de droit enseignant à l’université de la Namibie. ’’ Ceux qui détiennent le pouvoir et la société en général doivent reconnaître et, par conséquent, sauvegarder et cultiver les mécanismes à même d’éviter les conflits d’intérêts sans causer des frustrations superflues’’ (4)

Au lieu de suivre ce conseil, il y a un mépris frappant de la loi, parmi les responsables politiques et le public en général, dès lors qu’il s’agit de ce sombre chapitre de la construction défaillante de la Namibie post-coloniale. Il n’y a pas d’indication depuis lors qui témoigne d’une volonté politique d’attaquer le mal à sa racine et de considérer les griefs à l’origine de la trahison. La notion de réconciliation nationale, sur laquelle l’accent a si souvent été mis en d’autres occasions, comme principe phare pour assurer la stabilité et une identité partagée par différents peuples, semblent sans pertinence dans cette vendetta. Mais ceci n’enlèvera rien aux griefs, ni ne conférera une légitimité ou permettra une identification avec ceux perçus comme des envahisseurs et qui représentent l’autorité centrale dans un lieu éloigné.

Comme le déclarait Thandika Mkandawire, dans un article sur les mouvements de rébellions en Afrique ‘’ … Bien que ces mouvements soient d’une imperfection fatale, moralement répréhensible, on doit prendre leurs racines politiques et leurs composantes cognitives idéologiques au sérieux, même lorsque leur banditisme brouille l’agenda politique. La faillite ou même la dégénérescence de ces mouvements ne doivent pas nous conduire à nier ou à minimiser les conditions qui ont généré le mécontentement qui alimente le conflit.’’ (5)

L’intégrité territoriale

Au cours des presque 30 ans de lutte organisée pour l’indépendance de la Namibie, la SWAPO a cultivé le slogan ‘’une Namibie, une nation’’ et ce pour faire contrepoids au règne de l’Apartheid. A l’article 2 du décret révolutionnaire n°1/77 (mise en danger de l’intégrité territoriale de la Namibie), sous la rubrique ‘’Crimes contre la révolution du peuple namibien’’, le comité central de la SWAPO a adopté, le 24 septembre 1977, une position sans compromis :’’Tout acte qui consiste à détacher une partie du territoire namibien par la force ou de tout autres manières, contraire aux décision des Nations Unies, des décisions de l’Organisation de l’Unité africaine, des décisions des mouvements de la SWAPO et, ou, les décisions d’un Etat namibien, constitue une félonie.’’

En dépit de l’élaboration d’un cadre formel, même après deux décennies d’indépendance, il semble qu’il soit encore trop tôt pour obtenir une réponse pertinente à la question suivante : dans quelle mesure ces deux paradigmes potentiellement contradictoires peuvent-ils être harmonieusement réconciliés dans les réalités politiques et sociales de tous les jours ? Le mouvement séparatiste du Caprivi était un défi qui a rencontré la toute-puissance étatique. Il semble qu’il y a encore loin jusqu’à ce que des voix dissidentes, qui remettent en question des principes fondamentaux, puissent être entendues dans les sphères publics et politiques comme une provocation appelant à la discussion plutôt qu’à la répression.

La tentative de coup d’Etat sécessionniste était en effet de la haute trahison et les actes de violences des crimes sérieux qui ont inclus des meurtres. Mais la poursuite de la justice n’est pas nécessairement synonyme de punitions féroces de suspects, qui ont le droit à la présomption d’innocence jusqu’à preuve de leur culpabilité, en particulier s’ils sont incarcérés pour un désir politique commun plutôt que pour des actes criminels.

Identité politique culturelle

La caractéristique de l’Etat Nation, basée sur l’exclusivité, connaît de plus en plus de limite, aussi bien intériorisée qu’externe, tendant à séparer plutôt qu’à intégrer. Ceci n’est pas un signe encourageant concernant les facultés d’apprentissage des systèmes post-coloniaux exerçant le pouvoir et démontre plus de faiblesse que de force. Les structures d’un tel pouvoir reflètent un héritage dont les anciennes puissances coloniales portent une responsabilité considérable et démontre aussi, en Namibie, une fois de plus, les limitations d’un modèle imposé de construction nationale, à la fois du point de vue des autorités étatiques et du point de vue du terrain.

Feu Cédric Mutabelezi, originaire de la région du Caprivi et qui a servi comme curateur du musée national d’anthropologie de Namibie à Windhoek, a déclaré dans un entretien, en juin 1996, ce qui suit : ‘’La population de Caprivi est originaire de Zambie et maintenant elle est namibienne. Il existe beaucoup de telles populations qui ne sont guère intéressées par le nationalisme, au-delà du fait qu’elles doivent se soumettre aux lois du pays dans lequel elles vivent. En ce qui concerne les gens qui vivent dans des endroits purement ruraux, le nationalisme n’a pas beaucoup d’intérêt compte tenu du fait qu’ils n’ont généralement pas de contact avec les autres. Ils sont plus intéressés par la région dans laquelle ils vivent.’’ (6)

L’enracinement identitaire local exprime le souhait de la population de vivre en paix. Mais l’indifférence à l’égard du concept d’Etat nation peut offrir un terreau fertile à l’agitation, à la manipulation et, en fin de compte, permettre la mobilisation de ceux qui, dans le meilleur des cas, se sentent négligés par les autorités centrales éloignées et les agences gouvernementales locales et, dans le pire des cas, se sentent assiégés.

Ceci n’est pas une justification des objectifs séparatistes du CLM et des résultats catastrophiques des attaques de sa branche armée. Ceci, néanmoins, offre suffisamment de raisons pour s’intéresser aux éléments qui ont contribué et soutenu l’initiative rebelle. Comme dans nombre d’autres cas, la préoccupation croissante quant aux moyens de subsistance, le sentiment de marginalisation résultant d’un influx de population en provenance de régions voisines ont certainement été des facteurs qui ont pu être facilement exploités par ceux qui avaient des motivations ultérieures.

L’ironie de l’histoire c’est que quelques semaines avant les attaques sur Katima Mulilo, une évaluation empirique de la culture politique de Namibie a montré que les résidents du Caprivi manifestaient le plus haut degré d’identification avec les organes exécutifs de l’Etat. Ce résultat exceptionnel, qui montre une moyenne de 72.3% dans l’index de la confiance (comparé à la moyenne nationale de 59.6%) ‘’considérait toutes les institutions, à l’exception du parti d’opposition, très favorablement’’. Ceci est d’autant plus remarquable qu’en matière d’index du développement humain, avec 0.517, les chiffres pour le Caprivi sont les plus bas de toutes les 13 régions de la Namibie (la moyenne nationale étant 0.648).

Le défi de la construction d’une nation

Les menaces perçues parmi la population locale de l’East Caprivi, en provenance des autorités centrales et de leurs représentants, ont été un terreau fertile, propice à la manipulation et à l’exploitation. En réduisant le problème à un simple problème de maintien de l’ordre, en consolidant son contrôle politique sur les organes de l’Etat et les institutions et en ayant recours à des punitions sévères pour ceux suspectés d’activisme, le gouvernement a omis d’explorer les causes profondes dans une véritable perspective de la construction de la nation.

La décision de bannir, avec effet au 1er septembre 2006, le United Democratic Party (UDP), qui en tant que parti politique de l’East Caprivi favorisait l’autonomie, témoigne d’une tendance à l’élimination des défis politiques en les rejetant dans l’illégalité. Dans d’autres démocraties, la branche politique de mouvements sécessionnistes régionaux (mêmes ceux pourvus d’une branche armée violente) peuvent participer pleinement dans des élections aussi longtemps que le parti politique lui-même n’est pas impliqué dans des activités criminelles en violation de la loi. Ceci est une approche, comme le montre tant d’exemples, qui permet, en dernier recours, d’intégrer plutôt que de polariser davantage.

En contraste avec les autorités namibiennes, un intellectuel indépendant a courageusement et publiquement formulé des vues plus éclairées : ‘’ Ne serait-il pas opportun de regarder au-delà de la loi et de dire que le problème n’est pas de nature légale mais politique, quand bien même il a été absent du discours philosophique et politique dominant en Namibie ?’’ En référence aux élections parlementaire et présidentielle qui doivent avoir lieu vers la fin de l’année, il dit encore : ‘’Ceci pourrait être un moment opportun pour le président Pohamba pour prendre une décision difficile en graciant ces hommes, qui ont, après tout, passé des années en détention sans jugement’’(9)

Comme il le reconnaît lui-même, ceci pourrait être une décision impopulaire et assez peu probable, bien qu’il ait reçu récemment une soutien inattendu, modéré et indirect du secrétaire de la SWAPO Youth League, qui suggérait que - quoique avec réticence et peu convaincu que ceci puisse se réaliser – que ‘’ le crime de sécession est intolérable mais la discussion pour y remédier doit être encouragée’’. (10) Apparemment effrayé par son propre courage, il se hâte de continuer à blâmer les éléments sécessionnistes et le Botswana voisin pour ne pas faire montre de plus de remords qui pourrait justifier un pardon.

De manière regrettable, il est peu probable que ces appels en faveur d’une solution politique plutôt qu’une persécution légale de tous ceux suspectés de sympathie avec les autonomistes du Caprivi fassent autre chose que tomber dans les oreilles de sourds. Mais comme le dit Thandika Mkandawire (sans référence directe, mais avec beaucoup de pertinence pour le cas du Caprivi) : ‘’ Aussi incohérents que puissent paraître les objectifs des rebelles, ils reflètent un malaise urbain qui ne devrait pas être simplement éliminé en réduisant les membres de ces mouvements au rang de criminels.

Ces rebelles… sont peu susceptibles de favoriser les analyses qui essaient de comprendre les sources de leurs griefs. La tentation, c’est de faire l’impasse sur leurs motivations politiques. Mais nous ne devons pas perdre de vue les facteurs politiques qui sous-tendent de tels conflits. Le point de vue que le moteur de ces conflits est l’appât du gain est non seulement cynique, mais est aussi susceptible de conduire à un aveuglement politique fatal.’’(11)

* Dr Henning Melber est le directeur exécutif de la fondation Dag Hammarskjöld à Uppsala en Suède Précédemment il était le directeur de la Namibian Economic Policy Research Unit (NEPRU) à Windhoek de 1992 to 2000. Il a été membre de la SWAPOP depuis 1974.

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