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L’affaire extraconjugale invoquée pour la démission du chef de la CIA, le général Petraeus, est insignifiante en comparaison avec son appartenance à une section de l’armée américaine et des services de renseignement qui poursuivent un complexe et global programme de droite. C’est dans ce cadre que des journalistes et des universités ont été manipulés, que le récit des succès d’AFRICOM, notamment en Libye, a été largement répandu aux Etats-Unis. Mais la mort de l’ambassadeur Stevens à Benghazi a détruit ce mythe.

Carter Ham a été relevé de ses fonctions de chef de l’US Africa Command (AFRICOM). Le général Petraeus a démissionné de la CIA le 9 novembre. Le 26 octobre, le vice-amiral Charles M. Gaouette a été réorienté vers l’USS John Stennis, groupe d’attaque, comme commandant. Ces trois changements au sommet de l’establishment militaire américain sont tous liés à l’échec de la mission de l’OTAN et de son intervention en Afrique du Nord, avec la guerre qui a suivi et les vagues de tueries opérées par les milices en Libye, particulièrement à Benghazi. Ces changements montrent la nouvelle autonomie et les capacités à mener une guerre qui étaient testées dans des circonstances où la CIA et les dirigeants de structures de commandes militaires comme AFRICOM ou Central Command (CENTCOM) mènent des politiques indépendamment de l’Exécutif et du leadership civil. Ces expérimentations ont échoué, avec des conséquences dévastatrices pour tout l’appareil militaire, piégeant des généraux, des spéculateurs financiers, ainsi que les spécialistes des médias sur les questions militaires et politiques.

Le 18 octobre 2012, le secrétaire à la Défense, Léon Panetta, a annoncé que le président Obama nommera comme commandant de l’AFRICOM le général David Rodriguez, en remplacement de Carter Ham. Ce dernier avait pris le commandement d’AFRICOM des mains du général William "Kip" Ward le 8 mars 2011 et a défrayé la chronique internationale pour être le responsable de l’intervention conduite par l’OTAN en Libye, alors présumée ne devoir durer qu’un mois. Cette guerre s’est prolongée pendant plus d’un an. Une année plus tard, après que les forces de l’OTAN ont annoncé leur "succès" en Libye, les batailles avec les milices sponsorisées ont conduit, le 11 septembre 2012, à la mort de l’ambassadeur américain en Libye, Christopher Stevens, et de trois autres personnes (l’une, un spécialiste high-tech du département d’Etat et deux agents de la CIA) dans les "locaux" américains de Benghazi. La réponse à l’enquête interne de l’armée américaine a été la nomination du général David Rodriguez à la tête de l’AFRICOM. Si et quand le Sénat aura confirmé la nomination de David Rodriguez, l’AFRICOM aura connu trois commandants différents en moins de quatre ans.

Le 9 novembre, deux jours après que Barack Obama a été réélu président des Etats-Unis, il a été annoncé qu’un général quatre étoiles à la retraite et directeur de la Central Intelligence Agency (CIA) donnait sa démission. David H. Petraeus, qui avait courtisé la presse et les universités pour se créer une réputation de soldat-savant couronné de succès, a subitement démissionné de son poste après qu’une affaire extraconjugale ait été révélée dans l’arène publique. A l’intérieur de Washington cette affaire extraconjugale, avec son biographe qui a écrit "All in : the education of General David Petraeus", était un secret de Polichinelle.

Ce livre a été publié en janvier 2012. Lorsque Paula Broadwell est apparue à la télévision en janvier pour en faire la promotion, son propos était plein d’insinuations. Ceux capables de lire entre les lignes pouvaient comprendre ce qu’elle essayait de communiquer. Les média ont rapporté que l’affaire extraconjugale a été découverte par le Federal Bureau of Investigation (FBI) et que ceci témoignait "d’un jugement douteux" de la part du général. Entre le 18 octobre, lorsque le commandant d’AFRICOM a été démis de ses fonctions de commandant de l’AFRICOM, et le 9 novembre, lorsque le général Petraeus a démissionné, il y a eu un effort considérable pour présenter les informations concernant Benghazi de manière à influencer le résultat des élections présidentielles du 6 novembre. En jargon militaire, cet effort des néo-conservateurs visant à mettre la débâcle de Benghazi sur le dos de la Maison Blanche serait considéré comme une opération d’information militaire. La relation étroite et intime entre les médias américains, le monde académique et les militaires a été raffinée dans le nouvelle guerre qui vise à combattre les modèles expérimentés depuis l’adoption du Patriot Act et l’amalgame entre les médias, les compagnies high tech et les armes mortelles, robotisées, sans pilote, nommées drones. Dans la guerre contre ces modèles et avec les gros échecs comme le fiasco complet en Irak, la guerre massive contre la drogue en Afghanistan, les journalistes et le monde académique qui servent les intérêts de l’une ou l’autre branche de l’armée, ont tenté d’étouffer l’affaire.

Ces camouflages ont été renforcés par des comptes-rendus tendancieux sur le rôle des différents généraux. Le récent ouvrage de Thomas Ricks : "The generals : American Military Command from World War II to today" est l’une des représentations de la nouvelle alliance entre les medias et des secteurs de l’establishment militaire. Dans ce livre, de nombreux généraux sont critiqués pour leur incompétence et leur manque de vision. Tom Ricks participait à un débat où il était dit que de nombreux généraux auraient dû être licenciés. En ce qui concerne le général Petraeus, Tom Ricks n’avait que des compliments, notant qu’il "avait démontré une vraie indépendance d’esprit… Il est un général qui s’adapte". Dans ce livre, Petraeus est celui qui est capable de jugement, pendant que d’autres, comme Tommy Frank et le général Casey, sont comparés à William Westmoreland, symbole de l’échec au Vietnam.

Le web est maintenant envahi par des histoires de sexe, intrigues et corruption qui sont désormais révélés au monde entier pour que chacun puisse voir comment des généraux comme John Allen, commandant en chef de l’armée américaine en Afghanistan, supposé être au milieu d’une guerre, trouve le temps et l’espace d’envoyer 20 à 30 000 pages d’e-mail à Jill Kelley, la femme vivant à Tampa (Floride) et considérée par la maîtresse du général Petraeus comme une rivale. Les médias font des gros titres sur "les communications inappropriées" avec Jill Kelley mais ne peuvent détourner l’attention de la réalité des situations actuelles de guerre et d’insécurité en Libye, qui ont coûté plus de 50 000 vies depuis l’intervention de l’OTAN, et sa "responsabilité de protéger".

Pour la population libyenne, les Nations Unies et la communauté pacifique, la révélation du scandale Petraeus a un intérêt particulier en raison des relations étroites entre les compagnies pétrolières, les services de renseignement occidentaux/agences militaires et les milices en maraude qui terrorisent la population libyenne. L’échec de la stratégie de contre insurrection en Irak et en Afghanistan est révélée en Libye. Tout y est. Lorsque les informations concernant l’attaque sur les "locaux" américains à Benghazi ont été données, il y a d’abord eu de la confusion. L’espace attaqué était-il un "consulat" des "locaux" du département d’Etat, un refuge de la CIA ou, en effet, une prison pour des miliciens capturés ? Cette confusion a détourné l’attention du fait que des éléments de l’armée ont formulé une politique d’alignement sur certains groupes de miliciens dans la Libye orientale (parfois appelé jihadistes) qui ont, par le passé, eu des liens avec des groupes que les Etats-Unis désignaient sous le terme "d’organisations terroristes". La France, la CIA et l’AFRICOM se sont alliés à ces jihadistes pour déstabiliser la Libye, geler des milliards de dollars, exécuter Kadhafi et conservé l’alliance en utilisant la Libye comme base arrière pour l’actuelle poussée pour un changement de régime en Syrie.

Les Républicains ont cru pouvoir profiter de la confusion et de la désinformation répandue par les services de renseignement et les militaires sur la cause réelle de la mort de l’ambassadeur américain à Benghazi. Des audiences ont lieu à la demande des Républicains devant le Congrès dominé par les Républicains. Le département d’Etat a fait des déclarations, la CIA a publié un calendrier des évènements de Benghazi la nuit du 11 septembre. Les médias conservateurs tentent de politiser l’affaire en essayant de présenter un tableau démontrant l’incompétence de l’administration Obama. Avec chaque nouvelle déclaration à la presse et le calendrier présenté, de nouvelle informations surgissaient, qui posent de nouvelles questions concernant la pourriture et la corruption dans l’armée américaine. Après sa démission, il a été rapporté dans la presse américaine que le général David Petraeus s’est rendu en Libye à la fin octobre pour mener sa propre enquête (certains diraient pour étouffer l’affaire). Dès la parution de cette information, il a été révélé que la CIA détenait des miliciens libyens dans une annexe de la CIA à Benghazi. Cette information, lâchée par Paula Broadwell dans un discours à l’université de Denver le 26 octobre, a encore compliqué le sac de nœud libyen.

Petraeus a été le commandant des forces américaines en Irak et en Afghanistan à un moment de l’histoire des Etats-Unis où les informations militaires étaient aussi importantes que l’armement. Selon la doctrine militaire américaine, dans cette nouvelle forme de guerre il y a eu une lutte pour le contrôle des récits. Les militaires américains n’ont jamais pu contrôler les récits en Afrique parce que l’histoire de la suprématie blanche et le chauvinisme empêchaient une compréhension claire de la dynamique de l’auto-détermination en Afrique. Au cours des dix ans d’échec absolu des opérations militaires américaines en Irak et en Afghanistan, cet effort de contrôler le récit a impliqué une campagne massive de désinformation à l’égard des citoyens américains. Dans le cas spécifique de la Libye, les média ont présenté "la fin de la guerre" comme la victoire des forces de l’OTAN. La vérité n’a jamais été énoncée. Il n’a jamais été dit que les combats se poursuivaient en Libye avec la bataille la plus récente de Bani Walid, preuve explicite de la poursuite de la guerre.

La "réussite "de l’intervention de l’OTAN a été la version officielle, jusqu’à ce que la mort de l’ambassadeur Stevens montre la nature stratifiée de la guerre.

Entre le licenciement du général Carter Ham et la démission du général Petraeus, il y eu le remplacement du vice- amiral Charles M. Gaouette à la tête du groupe d’attaque l’USS John C. Stennis. Pendant que toute l’affaire concernant Petraeus et la Libye est en train d’être décortiquée, nous voulons cette semaine examiner comment des structures comme l’AFRICOM cherchent à fonctionner dans le monde comme si le commandement était un gouvernement parallèle, avec ses propres accès aux ressources contre le sida, les compagnies militaires privées, les groupes de porte-avions d’attaque comme le John Stennis… On est face à une collusion entre les militaires et les services de renseignements, indépendante de l’Exécutif qui en a perdu le contrôle

CARTER HAM SELECTIONNE PAR LES CRUSADERS AU SEIN DE L’ARMEE AMERICAINE
(Crusaders c'est-à-dire Croisés en référence aux soldats qui, entre le 11ème et le 13ème siècle ; sont partis combattre les Infidèles (musulmans) pour délivrer la Terre Sainte – Palestine - et le tombeau du Christ. ndlt)

Lorsque l’US Africa Command a été établi en octobre 2007, William E. Kip" Ward, un général quatre étoiles américain, a servi comme commandant du 1er octobre 2007 au 8 mars 2011. Afro-américain, il a été relégué au rang de général trois étoiles et va prochainement prendre sa retraite. Il avait été rapidement retiré d’AFRICOM après l’adoption de la résolution 1973 en février 2011, lorsque des huiles de l’OTAN et les services de renseignement américains ont eu connaissance du complot contre le peuple libyen, qui devait être exécuté par l’intermédiaire d’AFRICOM. En sa qualité d’Afro-américain, Ward avait développé des relations étroites avec les généraux et les politiciens africains, même avec ceux qui avaient publiquement pris position contre l’AFRICOM. La relégation de Ward a été basée sur des accusations selon lesquelles il dépensait trop d’argent, permettant aux membres de sa famille de voyager dans des avions du gouvernement. Voilà un officier qui voyageait avec sa femme et sa famille, déshonoré par le haut commandement de l’armée, au moment même où le général Petraeus faisait montre"d’un manque de jugement" avec Paula Broadwell. En novembre 2012, on enlevait une étoile au général William "Kip" Ward pour mauvaise utilisation de fonds militaires alors qu’il était à la tête de l’AFRICOM. Il doit encore s’acquitter de 82 000 dollars.

En novembre 2010, le Sénat a confirmé la nomination du général Carter Ham pour le commandement de l’AFRICOM, mais la vague révolutionnaire en Tunisie et en Egypte a accéléré sa prise de fonction et il a pris son poste le 8 mars 2011. A ce moment, les militaires américains étaient partagés entre ceux que j’ai désigné sous les noms de Rock et Crusaders (voir "US military and Africom : between the rocks and the crusaders"Pambazuka News le 31 mars 2011 http://pambazuka.org/en/category/features/72174)

Dans cet article, j’avançais que le chef d’AFRICOM était choisi par les Crusaders. On doit le terme de Crusaders à Seymour Hersh qui l’a utilisé pour un public peu préoccupé par la paix et la justice sociale, dans un article paru dans le Foreign Policy Magazine. Dans cet article, Hersh révélait qu’une faction à l’intérieur de l’armée américaine, connue sous le nom de "Crusaders", avait pris le pouvoir dans l’armée. Hersh affirmait que les Crusaders étaient déterminés a intensifier la guerre contre l’islam et se considéraient comme les protecteur de la chrétienté. Selon cet article, Hersh maintient que les éléments néo-conservateurs dominent les échelons supérieurs de l’armée américaine, y compris des personnages comme l’ancien commandant des forces américaines en Afghanistan, Stanley McChrystal et le vice-amiral William McRaven. Hersh a déclaré : "Ce que je vous dis c’est que 8 ou 9 néo-conservateurs, des radicaux si vous voulez, ont renversé le gouvernement américain, ont pris le pouvoir".

En mai 2009, quatre mois après la prise de fonction du président Barack Obama, le Harper Magazine a publié un long rapport qui mettait le général David Petraeus au cœur des Crusaders. L’article du magazine, intitulé "Evangelical proselytization still rampant in the US military" (Le prosélytisme évangélique sévit dans l’armée américaine) donnait force détails sur le rôle des Crusaders. L’article discutait d’un livre du lieutenant colonel William McCoy dont le titre est "Spiritual handbook for military personnel" (manuel spirituel pour le personnel militaire). Selon l’article, le livre soulignait les "tendances anti-chrétiennes " aux Etats-Unis et tentait de contrer cette tendance en défendait "la nécessité pour les chrétiens d’avoir une armée qui fonctionne correctement ". Le livre de McCoy a été adopté par le général David Petraeus qui a déclaré : "Sous les drapeaux ce livre doit se trouver dans chaque sac à dos pour les moments où les soldats ont besoin d’énergie spirituelle".

La guerre en Libye a fourni aux Crusaders l’opportunité de détruire une société stable en Afrique du Nord et a permis la déferlante de 1700 milices sur la société. Non seulement l’invasion libyenne a permis aux Crusaders de créer le chaos mais elle a généré de grandes tensions à l’intérieur de l’Afrique. Des répercussions qui ont semé l’instabilité dans tout le nord ouest de l’Afrique. Carter Ham a pris la responsabilité de l’AFRICOM après que le général Stanley McChrystal a été limogé. Petraeus soignait les médias et le monde académique et nous savons maintenant que son arrogance et sa morgue garantissait une grande tolérance pour l’idée de l’exception européenne et la supériorité innée du citoyen américain d’ascendance européenne.

AFRICOM a approfondi le concept du général Petraeus de mobiliser les forces "sombres" pour mener la guerre. Ce concept était basé sur la mobilisation de ressources financières et de personnel extérieur à la structure formelle de l’armée américaine et faisait grand usage de la Central Intelligence Agency (CIA) et de compagnies militaires privées. Nick Turse a documenté cette nouvelle orientation de la planification et des combats de l’establishment militaire dans le livre : " The changing face of the empire : special ops, drones, spies, proxy fighters, secret bases and cyberwarfare" (la face changeante de l’empire : opérations spéciales, drones, espions, combattants délégués, bases secrètes et guerre cybernétique - Haymarket Books, 2012). Plus tôt dans l’année, Turse a participé à un débat avec le colonel Davis d’AFRICOM sur la question de savoir si la présence militaire américaine croissait rapidement en Afrique (Voir : fast growing US military presence in Africa). Le débat avec le directeur du Command Office of Public Affairs portait avec force détails sur un nombre de points soulevés par Turse et montrait à quel point la bureaucratie d’AFRICOM est devenue sensible concernant les nouvelles formes de guerre, avec des combattants délégués, les opérations spéciales et les drones (Voir le débat à http://www.tomdispatch.com/Blog/175574)

Le général Petraeus a trouvé le parfait espace pour mettre sur pied une unité alternative militaire/renseignement pour élaborer des politiques lorsqu’il a demandé le poste de chef de la CIA et fuir le réseau de drogue et de corruption en Afghanistan en 2011. Selon le New York Times, Petraeus a brouillé les lignes entre espions et soldats en mission secrète à l’étranger.

"La nomination du général Petraeus et de M. Panetta sont les dernières preuves en date d’un changement significatif au cours de la dernière décennie sur la façon dont les Etats-Unis livrent leurs batailles - brouiller les lignes entre soldats et espions dans des missions américaines secrètes à l’étranger… Le général Petraeus a jeté l’armée dans les bras de la CIA, faisant usage de troupes pour des opérations spéciales et des compagnies de sécurité privées pour mener les missions d’espionnage. En tant que commandant du United States Central Command, il a aussi signé en septembre 2009 un ordre confidentiel autorisant les troupes des opérations spéciales à récolter du renseignement en Arabie saoudite, en Jordanie, en Iran et d’autre endroits encore, en dehors des zones de guerre traditionnelles" (voir http://tinyurl.com/c8olk9f)

CARTER HAM LIMOGE SUITE A BENGHAZI

C’est l’alliance des Crusaders qui a piégé le département d’Etat et la diplomatie américaine dans cette guerre en Libye. L’ambassadeur Stevens était devenu un champion de la coopération entre le Commandement des Opérations spéciales et les compagnies militaires privées. Christopher Stevens avait quitté son poste à l’ambassade à Tripoli en février 2011 afin de coordonner ce genre de guerre à Benghazi. Lorsque l’OTAN a déclaré la victoire en octobre 2011, Christopher Stevens a été choisi comme ambassadeur en Libye et en mai 2012 il était de retour en Libye. Néanmoins, la principale base pour les Opérations Spéciales et les intrigues en faveur de la sécurité privée était à Benghazi où la CIA avait une base pour le recrutement "d’extrémistes" destinés à la Syrie. Stevens s’est trouvé pris dans une bataille entre les milices et la CIA. L’ambassadeur J. Christopher Stevens, l’officier de la gestion de l’information Sean Smith et les agents de la CIA Tyrone Woods et Glen Doherty ont été tués lors de l’attaque à Benghazi dans la nuit du 11 au 12 septembre. Lorsque la nouvelle est parvenue, il a d’abord été dit que Woods et Doherty avaient été identifiés comme des contractants de sécurité privés afin de détourner l’attention de la CIA dans la bataille de Benghazi.

Sean Smith, le gestionnaire de l’information du département d’Etat, était le symbole de ces drôles de types qui ont été mobilisés pour une nouvelle posture militaire des Etats-Unis. Après son décès, la communauté "branchée" était en deuil. Selon le New York Times : "M. Smith était un joueur en ligne invétéré d’un jeu à joueurs multiples nommé Eve Online, dans lequel des centaines de milliers de participants du monde entier jouaient le rôle de pirates ou de diplomates dans un décor de science fiction. M. Smith avait, en ligne, le nom de "vile rat" (vilain rat)" Son expérience est indicative de la manière dont les militaires ont mobilisé l’expérience aussi bien dans le monde réel que dans le monde virtuel. Des messages codés étaient échangés dans ce monde virtuel pour servir les intérêts du renseignement militaire qui opérait en-dehors du cadre politique gouvernemental.

Sean Smith a été appelé "maven" par ses compagnons de jeu qui ont pris le deuil lors de son décès.

Me basant sur le livre de Malcolm Gladwell sur le "Tipping Point" (point de rupture), Smith a été comparé à ces "maven" ou connecteurs qui sont des "spécialistes de l’information", ou "ou des personnes sur qui on se repose pour nous mettre en relation avec de nouvelles informations". Ces mavens ou connecteurs sont devenus essentiels pour la nouvelle forme de guerre où la ligne entre guerre virtuelle et guerre réelle s’estompe. De plus en plus, les joueurs s’inspirent énormément de situations réelles au point que de nombreux jeux vidéo sont en vérité des simulations de scénarios possibles de guerre. Les militaristes conservateurs qui conçoivent ce genre de distractions macho ont juste récemment sorti le Call of Duty (l’appel du devoir) : Black Ops II qui montre un David Petraeus virtuel comme Secrétaire à la Défense.

Sean Smith a appris tragiquement que la guerre réelle n’est pas un jeu

Le livre de Bob Woodward nous apprend que l’ancien général Jack Keane (maintenant membre du conseil de l’Institute for the Study of War) est l’un des supporters plus énergiques de l’establishment militaire/renseignement de Petraeus. Le fait que Jack Keane est venu à la National Public Radio (NPR), comme principal présentateur, expliquer le calendrier des évènement à Benghazi (où Stevens et Smith ont perdu la vie) révèle l’importance de l’implication de Petraeus dans les évènements de la nuit du 11 au 12 septembre. (http://m.npr.or/news/World/164207549)

C’est dans cette interview du 2 novembre que Jack Keane a dit au monde la décision du général Carter Ham de demander à la National Mission Response Force (NMRF) de se déployer à Benghazi. Le NMRF est une unité secrète basée sur la côte Est des Etats-Unis, en état d’alerte 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, l’unité la plus rapide d’intervention disponible pour se rendre n’importe où dans le monde. Dans cette interview, Keane a déclaré au public américain :

" Ces forces sont des forces terrestres. Il n’y avait aucune autre force disponible et c’est la raison pour laquelle il a dû demander du renfort extérieur à AFRICOM. Le général Ham a sollicité des forces similaires du commandement européen qui est une autre force secrète prévue pour des opérations spéciales. Elles étaient à l’entraînement en Europe centrale. Ils les ont déplacées vers une base, les ont équipées pour le combat et les ont envoyées à Sigonella. Lorsque ces forces sont arrivées, elles ont été informées que l’annexe de la CIA avait été évacuée. Le problème que nous avons est qu’AFRICOM n’a pas de forces assignées à la région de la Libye. Ainsi nous avons dû dépendre - il a dû alerter des troupes pour qu’elles viennent depuis l’Europe et du continent Nord Américain afin de venir au combat."

Cette information concernant le déploiement de forces par le commandant d’AFRICOM était voilée mais suffisante pour que l’on comprenne le fait que Carter Ham a été entraîné dans une bataille pour laquelle AFRICOM n’était pas équipée. Lorsque le Pentagone a mené son enquête sur les évènements de Benghazi, Carter Ham a été démis de ses fonctions de commandant d’AFRICOM. Il n’avait pas servi pendant les trois années habituelles. Le général Petraeus s’est rendu en Libye après le départ de Carter Ham, espérant sauver sa réputation et les forces guerre et de destruction qu’ils avaient mises au point.

ASCENSION ET CHUTE DE PETRAEUS : BENGHAZI UN ENJEU ELECTORAL

Le général Petraeus a été un officier ambitieux, qui a atteint la notoriété internationale parce qu’il a su courtiser les médias de sorte que ces derniers fassent de lui un portrait élogieux. Petraeus était connu pour être un officier ambitieux depuis l’époque où il était à West Point, lorsqu’il a compris que d’épouser la fille du surintendant de l’académie militaire de West Point favoriserait sa carrière. Holly Knowlton provient d’une famille américaine à la tradition militaire. Son père, le général William A. Knowlton, a été le chef de l’académie militaire de West Point lorsque Petraeus n’était encore qu’un cadet. Petraeus a obtenu son diplôme de l’académie de West Point (NY) en 1974, deux mois après avoir épousés Holly. Petraeus se considérait comme un soldat érudit et donc il a suivi des études à Princeton et a écrit une thèse dont le titre est "The American military and the lessons of Vietnam".

Pour satisfaire ses ambitions, Petraeus était adepte du recours à l’académie, en particulier les sociologues, pour satisfaire ses "ambitions". Ce fût la relation avec l’un de ces publicistes qui a révélé l’étendue de ses ambitions manœuvrières. A l’intérieur de l’armée, Petraeus était connu des officiers traditionnels comme quelqu’un qui ferait n’importe quoi pour promouvoir sa carrière. Sa relation étroite avec Georges W. Bush et le "succès" de l’augmentation des troupes en Irak ont contribué à sa réputation. Petraeus était un personnage controversé en raison de sa proximité avec les néo-conservateurs. Un officier à la retraite pose ainsi la question : " Le général Petraeus est-il le héros tel que suggéré par ses déclarations à la presse ou est-il une fiction créée, emballée et présentée au peuple américain par l’administration Bush et ses alliés néo-conservateurs dans les médias et l’académie, comme l’icône de la contre-insurrection ?" (Voir Col. Douglas MacGregor, Ret., the Petraeus saga : épitaph for a four star. http://www.counterpunch.org/2012/11/14/epitaph-for-a-four-star)

Toute l’histoire du général Petraeus est maintenant dans le domaine public. Mais ce qui est encore inconnu c’est de comment il était devenu véritablement une oeuvre de fiction créée, emballée et recommandée au public américain. La majeure partie des citoyens américains ne sait pas l’immense souffrance infligée aux peuples d’Irak suite au renforcement des troupes voulu par le général Petraeus. Ä l’intérieur de l’armée, il y eu de grandes différences entre les différents corps d’officiers, dans leur effort de compréhension de l’expérience en Afghanistan et en Irak. Ceci a conduit à la publication d’importantes études sous le titre de Decades of war. L’étude des guerres qui ont suivi le 11 septembre, par le Joint Staff, représente un effort des militaires pour comprendre pourquoi l’armée américaine a échoué et se trouve embourbée dans le marécage de corruption, de guerre contre la drogue en Irak et en Afghanistan.

Il n’y a certainement pas eu de pénurie d’écrits qui ont exploré en détail la façon dont les Etats-Unis ont corrompu l’Afghanistan. Un auteur publié dans le Washington Post est explicite lorsqu’il écrit "la corruption afghane et comment les Etats-Unis l’ont facilitée" : "Il est temps que nous autres Américains - du gouvernement, dans les médias et les analystes et les intellectuels - portions un regard acéré sur les causes de la corruption en Afghanistan. Le fait est que nous sommes au moins autant à blâmer pour ce qui est arrivé. Les Afghans et nous avons grandement tardé pour soit admettre nos efforts ou pour les corriger" (http://tinyurl.com/befw7p5). D’autres spécialistes militaires réputés comme Anthony Cordesman ont écrit extensivement sur le pillage et le gaspillage en Afghanistan. Un auteur pour la paix comme Alfred McKoy a eu à écrire : "Y a-t-il quelqu’un pour pacifier l’Etat no1 de la drogue ? Les guerres de l’opium en Afghanistan" (http://tinyurl.com/yzmuu8q).

Bien que le nom de Petraeus ne soit pas spécifiquement apparu dans ces rapports sur la drogue et la corruption, sa position de commandant en chef en Afghanistan et de chef de l’US Central Command (CENTCOM) a forcément tourné les projecteurs dans sa direction. En tant que grand expert de la présentation d’informations expurgées d’opérations militaires aux médias, Petraeus a pris grand soin de la presse. L’une de ses plus claires manifestations peut être trouvée dans le nouveau livre de Thomas Ricks : "The generals : American military Command from World War II to today". Dans ce livre des généraux comme Tommy Franks ont été vilipendés cependant que Petraeus était porté aux nues. Petraeus a eu la même attitude de flagorneur dans sa relation avec Paula Broadwell. Petraeus avait rencontré Broadwell en 2006, alors qu’elle opérait entre la CIA et Harvard. Mais cette relation n’a pas pu être approfondie avant le décès du général William A. Knwolton en 2008.

LE GENERAL PETRAEUS ET LE MANQUE DE RESPECT POUR BARACK OBAMA

Petraeus s’est rendu populaire auprès des néo-conservateurs et fondamentalistes chrétiens pour être un bon exemple du Code d’honneur des Cadets de West Point. Le Code d’honneur est simple. Il dit : "un Cadet ne ment pas, ne triche pas, ne vole pas et ne tolère pas ceux qui le font".

En raison de son soutien au "Under Orders : a spiritual handbook for military personnel" du lieutenant colonel William McCoy, Petraeus était sur le radar de la droite. Ce n’est pas un hasard si des politiciens comme Georges W. Bush ont fait appel à lui. Bob Woordward, dans son livre Obama’s war (les guerres d’Obama) a documenté le manque de respect de la part d’un secteur des militaires (les Cruisaders) à l’égard d‘Obama. Il est important pour le lecteur de bien comprendre la profonde arrogance de Petraeus à l’égard d‘Obama. La formulation de Petraeus a été particulièrement révélatrice, lorsqu’il a tenté de "coincer" le président sur la question du déploiement de troupes en Afghanistan. Bob Woodward relate les allées et venues entre Obama et Petraeus et le général Stanley McChrystal. Stanley McChrystal avait manigancé la divulgation de la corruption en Afghanistan en faisant des commentaires explicites sur le président Obama, sachant que ceux-ci lui vaudraient d’être tenu hors de la guerre de l’opium en Afghanistan.

Barack Obama l’a immédiatement nommé au poste de commandant en Afghanistan. Petraeus comprenait les enjeux de l’héritage des généraux et c’est en raison de son sens de l’histoire qu’il a approuvé le projet de Paula Broadwell qui voulait écrire sa biographie. Douglas MacGregor décrit la chose ainsi : "Petraeus et Broadwell sont simplement deux personnes avec des agendas qui convergent".

Entre la biographie de Broadwell et le livre de Thomas Ricks, Petraeus est persuadé que la postérité retiendra son nom. A l’intérieur de l’armée il y a eu un débat intense au sein du corps des officiers sur la question de savoir si des officiers comme Petraeus doivent rendre des comptes. Lt Col Paul Yingling a écrit un article largement discuté dans le Armed Forces Journal : "A failure in generalship". Avec les Crusaders qui prennent le pouvoir chez les militaires, les officiers qui suivent la ligne de Petraeus sont considérés favorablement.

Selon un article dans le New York Times, "M. Petraeus a été le militaire américain le plus éminent de la dernière décennie, l’architecte du renforcement des troupes en Irak. Il a remplacé le général Colin L. Powell comme étant le visage des militaires, devenant un personnage porté aux nues des deux côtés de la "ligne de démarcation" de Washington. Le New York Times est pleinement conscient de la division entre les Rocks et les Crusaders et de la manière dont Obama s’est reposé sur Colin Powell pour rallier les Rocks pour mettre en échec les Crusaders.

Nous savons maintenant que l’équipe d’Obama n’a pas fait preuve de complaisance à l’égard des activités du général Petraeus qui étaient surveillées. Les huiles de l’administration l’avait à l’œil et étaient parfaitement au courant des ambitions présidentielles de Petraeus. Lequel a assuré Rahm Emmanuel qu’il n’était pas candidat à la présidence en 2012.

Dans le profil favorable dressé par le New York Times, nous apprenons que "Miss Broadwell est devenue une présence permanente dans les alentours du quartier général de la coalition conduite par les Américains à Kaboul, peu après que le général Petraeus a pris ses fonctions en juin 2010. Elle était considérée comme une ambitieuse dont le but était de se faire admettre dans l’élite nationale pour la sécurité à Washington. Elle avait du ressentiment lorsque des officiers faisaient remarquer qu’elle profitait de ses relations avec leur patron ".

Six mois après que le général Petraeus ait pris ses fonctions au quartier général de Kaboul et servait de mentor à son biographe, l’administration a nommé Holly Knowlton Petraeus au poste d’assistante du directeur de US Consumer Financial Protection Bureau, dont la tâche consiste à défendre les membres de l’armée et leur famille. L’histoire révèlera plus tard le degré des contacts entre Michèle Obama et Holly Knowlton, à un moment où les initiés à Washington avaient parfaitement compris les insinuations de Paula Broadwell lorsqu’elle est apparue au Daily Show.

BENGHAZI ET LA LIBYE S’INVITENT AUX ELECTIONS

Des semaines après les combats entre des milices en compétition à Benghazi qui a coûté la vie des agents de la CIA et l’ambassadeur américain, les médias sympathisants des Crusaders "se sont emparés d’une série de rapport des agences de presse conservatrices afin de porter des accusations incendiaires peu avant les élections, disant que quatre Américains sont morts à cause de la négligence de l’administration".

Le général Petraeus n’a pas fait de déclaration publique. Mais les comptes-rendus dans les médias et le voyage rapide de Petraeus en Libye sont la preuve qu’il y avait un grand projet pour limiter les dégâts. Des sections des médias conservateurs étaient si sûrs du récit qui accusait l’administration de négligence, que William Kristol, le rédacteur conservateur du Weekly Standard, a conclu que l’agence pointait du doigt la Maison Blanche. Laquelle, suggérait-il, doit avoir refusé l’intervention demandée. "Petraeus jette Obama aux loups" avait-il été ttiré dans le blog du Weekly Standard.

Avec le calendrier de l’incident de Benghazi, le blog de William Kristol et l’histoire racontée à la National Public Radio par Jack Keane, il n’y avait qu’une seule autre chose qui aurait pu protéger le général Petraeus de la révélation complète. C’était les élections du 6 novembre 2012.

Benghazi et la Libye n’ont pas été un thème lors des élections comme l’espéraient les conservateurs et les Crusaders. L’alliance des forces pour la paix et la justice a réélu Barack Obama le 6 novembre. Deux jours après sa réélection, Petraeus a démissionné.
Les médias nous informent que le président a entendu parler pour la première fois de l’enquête sur la relation entre Paula Broadwell et David Petraeus le jeudi 8 novembre, lorsque Petraeus a présenté sa démission. Comment Eric Cantor connaîtrait-il le détail de la saga Broadwell/Petraeus pendant que le président n’était pas au courant ? Selon les médias, le procureur général Eric Holder était déjà informé dans le courant de l’été. Il est donc difficile de croire que le président ne sache pas que le FBI était entrain d’enquêter sur le général David Petraeus.

"Des officiels à la Maison Blanche ont dit n’avoir été informés que le mercredi soir où le général Petraeus envisageait de démissionner en raison de son affaire extraconjugale. Le jeudi matin, juste avant une réunion du personnel à la Maison Blanche, le président a été informé. L’après-midi même : Petraeus est allé voir le président pour lui dire qu’il croyait sérieusement devoir démissionné. Ce que le président n’a pas accepté. Mais le vendredi, il a appelé Petraeus et a accepté sa démission".

Les historiens militaires comprendront pourquoi le président voulait dormir avant de prendre la décision d’accepter la démission du général américain le plus renommé. Après tout, l’influence de Petraeus sur les journalistes et les Crusaders était bien connue. Petraeus a été le général commandant à Fort Leavenworth, Kansas et du Combined Arms Centrer (CAC) qui s’y trouve aussi. En tant que commandant du CAC, Petraeus supervisait le Command and General Staff College et 17 autres écoles, centres et programmes de formation, de même qu’il travaillait pour le développement des manuels de doctrine de l’armée, la formation des officiers et la supervision des centres de l’armée pour la récolte et la diffusion des leçons apprises.

Pendant le temps passé au CAC, Petraeus et le Lt Général de Marine James Mattis ont conjointement supervisé la publication du Manuel de terrain 3-24, dont l’essentiel a été écrit par un groupe d’une extraordinaire diversité incluant des officiers militaires, des intellectuels, des défenseurs des Droit de l’Homme et des journalistes.

L’auteur de ces lignes reste sceptique concernant la décision d’Obama de refuser la démission de Petraeus qui serait basée sur une approche graduelle des militaires, tactique adoptée depuis 2009. L’auteur s’abstiendra de juger la récente effusion de louanges à l’égard de Petraeus de la part d’Obama lors de la conférence de presse du 14 novembre 2012.

Il y a de nombreux généraux en fonction qui sont liés du point de vue militaire et social au général Petraeus et les conséquences du réseau de Petraeus commencent à être connues. L’information que le commandant en chef en Afghanistan, John Allen, a eu "des communications inappropriées" de 20-30 000 pages d’e-mail n’ont fait que contribuer à susciter l’intérêt des citoyens à mesure que l’histoire est révélée. La chose importante est que John Allen a suivi les doctrines militaires de Petraeus en Irak et en Afghanistan. Plus significatif encore reste le fait qu’Allen soutenait la nouvelle forme de déstabilisation qui consiste dans une contre-insurrection qui implique des compagnies militaires privées.

LA GUERRE LIBYENNE ET LA NECESSITE DE DEMANTELER LES COMPAGNIES MILITAIRES PRIVEES

L’affaire Petraeus s’est focalisée sur les détails salaces de l’affaire extraconjugale du général Petraeus, laissant de côté la question plus fondamentale des formes de destruction militaire qui se sont déchaînées sur l’Irak, l’Afghanistan et maintenant la Libye. Il y a eu un débat passionné au sein de l’establishment militaire sur la question de savoir si les généraux devaient rendre des comptes à un leadership civil. La démission du général Petraeus, le limogeage de Carter Ham d’AFRICOM et la nouvelle affectation du vice-amiral Charles M. Gaouette ont remis sur le tapis la question du contrôle civil sur les militaires. Malgré le nouveau livre de Tom Ricks, qui a été élaboré pour sauvegarder la réputation de Petraeus, et la biographie supposée placer Petraeus sur le même piédestal que les généraux historiques américains, la nouvelle forme de guerre incontrôlée a fait tomber les officiers, principaux artisans de la COIN stratégie de Petraeus et les Crusaders.

Dans le cadre d’une société démocratique, les militaires sont supposés fournir des conseils aux dirigeants militaires et les officiers militaires ne sont pas supposés envoyer des troupes au combat avec des milices sans l’autorisation du leadership civil. L’intervention de l’OTAN en Libye et la base subséquente de la CIA à Benghazi ont été des expérimentations coûteuses de nouvelles formes de guerre qui ont entraînés la destruction et la mort de milliers de personnes. Les révélations sur les centres de détention de la CIA pendant la guerre en Irak ont généré l’indignation concernant ces prisons privées. Il y a des citoyens en Libye qui peuvent se manifester pour révéler la vérité concernant les accusations de Paula Broadwell que la CIA détient des prisonniers dans ses locaux en Libye.

Les politiciens des affaires étrangères américains ont résisté à l’appel d’une partie du Conseil de Sécurité qui voulait passer en revue les opérations militaires de l’OTAN en Libye. Au travers du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies, il y a eu un immense effort de la part des militants pour la paix du Sud Global pour que les compagnies militaires privées soient mises sous contrôle international. Le Conseil a mis sur pied "un groupe de travail intergouvernemental, sans limite dans le temps, pour examiner les possibilités d’élaborer un cadre international de régulations pour la réglementation, le monitoring,et la supervision des activités des compagnies militaires et de sécurité privées " (http ://tinyurl.com/cubkbwl).

Les Etats-Unis et la Grande Bretagne ont pris la tête de l’opposition à la surveillance des compagnies militaires. Les commandants de CENTCOM et d’AFRICOM se sont comportés ces dernières années comme s’ils étaient un gouvernement parallèle. La guerre contre le terrorisme a généré un climat intellectuel de contre terrorisme et une logique pour une structure bureaucratique pour un commandement unifié qui ont permis aux militaires de devenir la source de créations politiques indépendantes.

Il n’y a pas eu de supervision lorsque le budget militaire a mis à la disposition des commandants militaires des sommes illimitées. Pourquoi AFRICOM creuserait-il des puits en Afrique de l’Est et distribuerait-il des livres scolaires ? Ces activités faisaient partie d’une démarche de relations publiques qui devait implanter l’idée que l’AFRICOM faisait du travail humanitaire en Afrique. L’audience de confirmation du général Rodriguez devrait fournir une autre occasion pour exposer l’échec de la CIA/AFRICOM en Libye. Les intellectuels africains ont largement écrit pour dire qu’AFRICOM a été mise sur pied comme force auxiliaire de protection des compagnies pétrolière américaines. Dans ce jeu de protection, il y a eu des secteurs du sommet de l’appareil militaire qui se sont aventurés à dire qu’AFRICOM servait de contrepoids à l’influence de la Chine en Afrique.

Le général Petraeus a jeté l’armée sur le terrain de la CIA, faisant usage des troupes pour les opérations spéciales et les compagnies privées de sécurité pour mener à bien des missions de renseignements secrètes et pour le combat. En sa qualité de commandant de l’United States Central Command. Il a raffiné l’astuce qui consiste à combattre avec un groupe pour ensuite se retourner contre lui. Ce double jeu était en train d’être mis en place en Libye afin de retarder la paix et la reconstruction de la Libye afin que celle-ci devienne une autre Somalie.

Avec les millions de dollars à disposition pour suborner les journalistes et le monde académique, le récit des succès d’AFRICOM a été largement répandu aux Etats-Unis. C’est cette tentative de contrôler le récit qui a permis d’accréditer l’idée aux Etats-Unis que l’opération de l’OTAN en Libye a été un succès. La mort de l’ambassadeur Stevens a détruit ce mythe. Le limogeage de Carter Ham a dévoilé la façon dont la CIA et les militaires prenaient des décisions politiques indépendamment du leadership civil

Lorsqu’on relie les points financiers entre les compagnies de couverture de la CIA comme IN-Q-Tel, les compagnies et les producteurs de pétrole, on voit que le capital global est aussi un partenaire du complexe militairo-industriel et du besoin d’une guerre perpétuelle contre le terrorisme. C’est le cercle qui doit être brisé par ceux qui recherchent la paix.

Petraeus et ses supporters étaient confiants du fait que le cycle de la guerre et de la destruction se poursuivrait pendant des générations. Petraeus était confiant qu’avec l’aide des médias l’image complète de la destruction en Libye et l’alliance avec les milices resteraient dans l’ombre, loin du regard public. L’histoire complète est en train d’être révélée. Les forces pour la paix et la justice doivent intensifier leur appel pour un démantèlement d’AFRICOM. L’Afrique a besoin de coopération et de soutien pour la reconstruction. La Libye a besoin du soutien de la communauté internationale dans son entier pour contrôler les milices et reconstruire la société. Il est temps que le mouvement pour la paix se recentre sur les véritables activités du général Petraeus et non sur son affaire extraconjugale.

En fait, certains commentateurs européens racontent qu’en Europe certains généraux mettent de telles informations dans le circuit des ragots pour augmenter leur prestige.. Les forces pour la justice et la paix doivent se concentrer sur les connexions entre le départ de Petraeus, Carter Ham et le vice-amiral Charles. M. Gaouette

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** Horace Campbell est professeur d’études afro-américaines et de sciences politiques à l’université de Syracuse. Il est aussi professeur spécialement invité à l’université Tsinghua, à Pékin. Il est l’auteur du livre à paraître "Global NATO and the catastrophic failure in Libya" - Texte trraduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger

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