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Lettre ouverte de la société civile à : Blaise, Goodluck, Dioncounda, Cheikh Modibo et Aya Sanogo
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Aussi bien dans l’approche que dans les décisions prises, les initiatives engagées par la CEDEAO dans la recherche d’une solution au conflit malien sont jugées inacceptables par la société civile de ce pays. Celle-ci engage un processus inclusif de recherche de solutions nationalement acceptables.

Excellences,

Le peuple malien est conscient de sa dépendance vis-à-vis de la communauté internationale pour relever les défis qui sont les siens aujourd’hui, mais il est en droit d’attendre aussi de cette communauté plus de sollicitudes et de compréhensions comme il l’a aussi témoigné envers d’autres pays membres ayant vécu récemment des difficultés similaires. En tirant les leçons de ce vécu récent, nous sommes convaincus que la CEDEAO, notre organisation commune, gagnerait plus à écouter les espoirs et les attentes d’un peuple meurtri et humilié qu’a vouloir lui imposer des solutions dont la légitimité est contestable.

Excellence Monsieur le président du Burkina Faso, médiateur de la CEDEAO en charge du dossier du Mali,


Excellence Monsieur Goodluck Ebélé Jonathan, médiateur associé de la CEDEAO dans la résolution de la crise institutionnelle et du recouvrement de l’intégrité territoriale du Mali, 
Excellences,

Le peuple malien a suivi, avec beaucoup d’attention et d’intérêt, le dernier sommet extraordinaire des Chefs d’État de la CEDEAO tenu à Abidjan le 26 avril 2012 et a pris acte de ses conclusions. Le communiqué final issu de cette rencontre a, à sa lecture, produit une grande inquiétude chez les populations maliennes et soulevé des questionnements des plus légitimes que nous nous ferons le devoir d’exprimer ici dans la présente lettre ouverte tout en rappelant certains constats.

Excellences, Les forces vives du Mali, réunies sur votre invitation à Ouagadougou, les 14 et 15 avril derniers, étaient parties avec des espoirs de paix, de retour de la quiétude chez les populations au nord du pays, une volonté manifeste d’établissement d’un consensus entre les acteurs et surtout de relance d’un dialogue national susceptible d’aboutir à une sortie de crise pour le Mali.

Il est vrai que les échanges entre les participants, à la rencontre de Ouagadougou, ont été parfois très houleux mais le communiqué final issu de cette rencontre avait eu le mérite d’ouvrir le dialogue entre les acteurs, de relativiser les divergences de points de vue recensées jusque-là et surtout de clarifier le rôle et la place des forces vives du Mali comme acteurs centraux du parachèvement de l’accord cadre du 6 avril 2012 et aussi de définition consensuelle d’une feuille de route pour la transition au Mali.

Ces résultats, très encourageants, devraient déterminer la suite du processus de gestion de la crise institutionnelle au Mali. A la suite de la rencontre de Ouagadougou, l’espoir du peuple malien a été conforté par la nomination, le 17 avril, soit trois jours après Ouagadougou, d’un Premier ministre consensuel pour conduire le gouvernement de transition. La nomination de cet organe de la transition a ouvert la voie pour la mise en place d’un gouvernement de transition, nomination intervenue le 24 avril 2012. Ce qui est remarquable ici, c’est le fait que malgré quelques entorses observées dans la mise en œuvre des dispositions de l’accord cadre du 6 avril, instruisant la mise en place d’un gouvernement d’union nationale, la grande majorité des acteurs a opté pour l’apaisement du climat et déclaré sa disponibilité à accompagner le gouvernement de « technocrates » mis en place.

Cette attitude positive des acteurs maliens méritait d’être relevée et prise en compte au cours du sommet extraordinaire du 26 avril. En effet, les actes posés par le peuple malien, à la suite de la rencontre des forces vives de Ouagadougou, sont de véritables avancées qui auguraient d’une sortie de crise apaisée pour le Mali.

Cependant, Excellences, Le peuple malien vient d’être totalement surpris par le communiqué final du sommet extraordinaire des chefs d’État et de Gouvernement de la CEDEAO du 26 avril qui a ébranlé plus que ses convictions.

En effet, le communiqué, par son ton et son contenu, remet en cause non seulement l’esprit et les dispositions de l’accord cadre du 6 avril en ses articles 6 et 14, mais dépouille totalement les forces vives et le peuple malien de ses prérogatives constitutionnelles et de sa souveraineté. Par ailleurs, le communiqué, au lieu de constituer une avancée dans le dossier institutionnel, a contribué à réveiller les extrémismes, à alourdir le climat social et à préparer le cadre d’un affrontement plus que verbal entre les populations maliennes et entre celles-ci et l’éventuel contingent de la CEDEAO.

Ce communiqué nous a semblé donc très contre productif parce que consacrant un retour sur les engagements pris par la CEDEAO et surtout parce que favorisant l’installation d’un climat de suspicion et de remise en cause des acquis et des certitudes.

Excellences, nous sommes convaincus que votre seul souci est le Mali et le sort du peuple malien et sommes conscients des choix des fois cornéliens auxquels vous êtes confrontés dans la gestion du dossier institutionnel malien : entre la défense d’un principe fondamental et le respect du droit d’un peuple à définir ses orientations et à préserver l’essentiel, c’est-à-dire la paix, la quiétude et l’unité nationale, entre ces deux options, le choix est vite fait.

Excellences, nous, le Forum des Organisations de la société civile du Mali, partie prenante des forces vives du Mali, vous demandons instamment d’accepter de nous donner l’opportunité d’une gestion inclusive de la crise institutionnelle du Mali. Ceci nous permettra d’identifier des solutions constructives de notre nation qui est en péril aujourd’hui et d’éloigner pour de bon le spectre d’une crise sociale aux conséquences imprévisibles.

Dans cet esprit, des réflexions sont en cours par des Organisations non gouvernementales et apolitiques, soucieuses seulement du Mali, pour l’organisation d’une concertation nationale des forces vives du Mali sur la question de la dévolution des autres organes de la transition que sont : le président de transition et le Cadre de concertation des forces vives, et sur la feuille de route. Le projet de termes de référence de cette concertation est en élaboration et sera partagé avec toutes les parties prenantes afin de requérir leur adhésion et leur input. Ce processus a l’avantage de responsabiliser les acteurs nationaux dans la recherche de solutions nationalement acceptables et d’atténuer l’exacerbation des contradictions entre les acteurs sociaux du Mali.

Excellences, le peuple malien est conscient de sa dépendance vis-à-vis de la communauté internationale pour relever les défis qui sont les siens aujourd’hui, mais il est en droit d’attendre aussi de cette communauté plus de sollicitudes et de compréhensions comme il l’a aussi témoigné envers d’autres pays membres ayant vécu récemment des difficultés similaires. En tirant les leçons de ce vécu récent, nous sommes convaincus que la CEDEAO, notre organisation commune, gagnerait plus à écouter les espoirs et les attentes d’un peuple meurtri et humilié qu’a vouloir lui imposer des solutions dont la légitimité est contestable.

Excellences, ne privez pas le peuple malien de cette opportunité de se reconstruire en tant que nation et panafricaniste convaincu parce que la sagesse populaire nous instruit que les meilleures solutions sont toujours celles qui sont portées par les acteurs eux-mêmes.

Et, en la matière, nous sommes convaincus que l’organisation d’une concertation des forces vives du Mali sur des questions précises comme le choix du président de la transition, la durée de la transition, le rôle du CNRDRE pendant la période de transition, est de nature à préparer une sortie de crise effective et durable pour le Mali.
Pour ce qui est du problème prioritaire qu’est la résolution de la crise au nord du pays, le Peuple est effectivement demandeur d’une assistance militaire (dont la nature est à déterminer avec les autorités compétentes maliennes) et humanitaire immédiate de la CEDEAO afin d’abréger les souffrances des populations sous occupation dans les régions de Kidal, Gao et Tombouctou, mais pas d’une force d’interposition ou d’une force pour « sécuriser la transition ». Tout en vous remerciant pour l’intérêt et l’écoute dont vous avez fait preuve dans ce dossier, nous vous prions de croire, Excellences, en notre engagement pour la paix et la protection de tous les droits.

Fait à Bamako, le 3 mai 2012

CE TEXTE VOUS A ETE PROPOSE PAR PAMBAZUKA NEWS



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** Adama Diakité est président du Forum des organisations de la société civile malienne

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