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C’était il y a cinq ans, le 18 juillet 2008, Nelson Mandela fêtait ses 90 ans et Pambazuka News lui consacrait une édition spéciale, avec les témoignages de plusieurs personnalités africaines (voir

ET SI MANDELA N’AVAIT PAS QUITTÉ LE POUVOIR ?
Par Aminata Dramane Traoré


(…) Si Mandela avait eu l'occasion de rester au pouvoir aussi longtemps que possible pour une raison ou pour une autre, est-ce qu'il aurait eu droit à l'hommage qu'on lui rend aujourd'hui ? 



On ne peut pas ne pas admirer Mandela en raison de son itinéraire. Mais la question de l'exemplarité, la force de l'exemple, exige des circonstances identiques. La nature du capital mondial, prédateur et violent, ne permet d'être autre chose que des béni-oui-oui. Mandela est parti au bon moment. Mbeki, avec le Nepad et la Renaissance africaine, donne l'impression d'être un relais d'un ordre économique mondial que nous contestons. Mais Mandela lui-même aurait eu les mains liées s'il avait dû tenir tête aux grandes institutions internationales et à certaines forces progressistes qui l'ont aidé en son temps mais qui sont aujourd'hui libérales. 



Donc on ne peut pas se pencher sur la nature du pouvoir, sans tenir compte de l'environnement global dans lequel nous évoluons. Et cet environnement est essentiellement tiré par le marché et la logique du profit. Tout dirigeant africain qui ne joue pas cette carte dans l'état actuel des rapports de force est montré du doigt. En Afrique du Sud, comme dans l'immense majorité des pays africains, nous subissons des politiques d'ouverture dont les conséquences sont ingérables par les prétendues démocraties occidentales. 
(…) 



* AMINATA TRAORE est ancienne ministre de la Culture au Mali. Militante altermondialiste, elle s’est engagée dans le combat contre le libéralisme.

ÉCOUTONS MANDELA, CE N’EST PAS ENCORE TROP TARD
Par Albert Tévoedjre


(…) Mandela nous laisse un héritage et un message.



L’héritage, c’est le triomphe de l’engagement et de la volonté - c’est l’homme noir rendu à l’universalité et à l’humanisme intégral. C’est le triomphe de l’exigence de mériter ce que l’on veut devenir.



Le message, c’est de sortir de la vanité appauvrissante, c’est de mériter notre progrès et notre développement. C’est de croire en nous-mêmes et d’exiger l’excellence dans nos efforts quotidiens pour faire de l’Afrique un continent majeur, dans un monde majeur.



Ce que représente Mandela ?

Un exemple et un espoir.

Courage de se révolter et de s’engager.

Exemple de fidélité à l’engagement.

Aller jusqu’au bout de son choix.

Nourrir son engagement par l’esprit et ne céder à aucune facilité qui distrait du but.

Cela n’est pas donné à tous. 



Mais ceux qui découvrent en eux ces rares qualités d’homme ne sont pas tous en mesure de les magnifier. Mandela y a réussi - C’est sa plus grande victoire.



Chaque Africain, chaque négro africain doit cultiver en lui les possibilités offertes par l’exemple de Nelson Mandela.



Nous ne sommes pas tous appelés à résister à l’apartheid, à subir la prison pendant des années, à devoir diriger un Etat multiracial.



Chacun dans l’espace de vie et d’action qui est le sien est appelé à être un Mandela dans son esprit, sa volonté, son engagement et sa résistance à la facilité. Chaque élève, chaque apprenti, chaque fonctionnaire d’Etat, chaque ingénieur, chaque opérateur économique est un autre Mandela quand il réussit à se surpasser, c'est-à-dire à ne pas seulement suivre le penchant paresseux et vaniteux du plus simple, du plus ordinaire et de l’inertie.



« Si tu veux changer l’avenir il faut d’abord te changer toi-même ». C’est ce que Mandela a accompli merveilleusement. C’est cela son exemple et c’est cela notre espoir.



Au Chef qui ignore l’humilité, il manque l’essentiel.



Mandela, grand, très grand parce qu’ayant souffert de lui-même et des autres.



Mandela grand, parce qu’ayant appris à résister, à se reprendre, à se relever après l’échec, c’est lui le maître et le modèle à suivre par tous ceux que guette la vanité dans l’exercice d’un pouvoir qu’ils voudraient souverain, qu’ils ne savent pas définir comme responsabilité et service, service précaire, révocable et donc exigeant.

L’Afrique a mal à sa gouvernance qui ignore souvent le peuple souffrant, qui privilégie les apparences pompeuses, l’argent confisqué et accumulé au détriment des masses sans éducation et sans soins.



La révolution légitime, le mépris du monde, la colère du ciel, c’est de cela que Mandela nous avertit.



Écoutons-le. Ce n’est pas encore trop tard.


 
(…)

* ALBERT TEVOEDJRE est Coordonnateur du Projet «Millénaire pour l’Afrique» qui fonctionne sous l’égide des Nations Unies. De février 2003 à février 2005, il a exercé les fonctions de Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la Côte-d'Ivoire.

MANDELA, UN MODÈLE QUI DÉRANGE LES DIRIGEANTS AFRICAINS
Par Amady Aly Dieng


(…) Malheureusement, Nelson Mandela est un exemple qu’on oublie d’évoquer dans les instances où l’on parle d’unité africaine. Ce n’est pas étonnant. Car ce qu’il représente ne peut s’illustrer dans le syndicat de chefs d’Etats qu’est l’Union africaine. Ceux qui nous gouvernent ne défendent que leurs intérêts, pas ceux de leurs peuples. 



Mandela est un modèle de démocrate gênant pour des dirigeants africains accrochés au pouvoir, dans une Afrique où le temps des élections est révolu ; on n’assiste qu’à des farces électorales. On s’autoproclame élu parce qu’on peut frauder allègrement là où le pouvoir de l’argent et l’illettrisme permettent n’importe quelle manipulation. 



Mandela a cependant laissé un lourd héritage aux Sud Africains, aujourd’hui confrontés à des problèmes complexes de coexistence de races, avec des conflits violents et sanglants, engendrant la haine. La manière dont les Sud Africains vont régler la question nationale, dans un pays qui est un concentré fascinant de trois mondes (un monde développé, un monde sous-développé et un monde qui présage de l’avenir) intéresse tous les Africains qui ne sont pas encore arrivés à ce degré de complexité. Surtout qu’il s’agit d’un pays recelant des possibilités que beaucoup d’autres en Afrique n’ont pas, avec l’étendue de son territoire, son poids démographique et ses énormes ressources.

 
(…)

* AMADY ALY DIENG est économiste, ancien fonctionnaire de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest.

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