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La démocratie nigérienne doit déjà beaucoup au régime de transition qui a mené aux récentes élections remportées par Mahamadou Issoufou. Mais certains acquis méritent d’être consolidées, comme cette charte sur l’accès à l’information dont les bases sont encore fragiles. C’est le défi posé aux politiques, après que les militaires ont balisé le chemin.

Pour comprendre l'enjeu de la charte sur l'accès à l'information du Niger, il faut situer le contexte politique dans lequel elle a été prise. En effet, le Niger est caractérisé par son instabilité politique depuis quelques années. Après le coup d'État en 2009 d’Amadou Tandia, on met sur place un gouvernement de transition dirigé par Mahamadou Danda en tant que président du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie. Ce dernier met en place un gouvernement composé essentiellement de technocrates.

Durant cette période, le Parlement qui avait été dissout par Tandia est restauré suite aux élections législatives en 2009. Mais concrètement, le pouvoir avait été exercé par le gouvernement de transition par des ordonnances et moins par le Parlement. C'est ce gouvernement transitoire qui a pris une série de mesures pour la réforme incluant la charte en question, juste avant l'élection présidentielle de mars 2011. Cette élection met fin au régime militaire en amenant au pouvoir Mahamadou Issouffou, un des opposant historique. Il faut espérer pour le Niger, que le nouveau gouvernement ne revienne pas sur les acquis durant la période de transition.

En effet, une charte n'a pas la même force juridique que la loi. Elle a généralement des effets proclamatoires de droits et d'obligations sur lesquels les gens s'accordent. Elle n'émane pas d'un législateur comme la loi, mais propose un modèle d'action à ce dernier. On peut le prendre en référence, mais il n'a pas automatiquement la force obligatoire de la loi. L'intérêt d'une charte demeure que le gouvernement peut, avec l'accord du législatif, lui offrir même un statut constitutionnel - ce qui la mettrait même au dessus d'une loi. Cela est arrivé dans certains pays par exemple avec les chartes sur l'environnement en France, sur les droits fondamentaux de l'UE etc.

L’espérance que le gouvernement nigérien ne revienne pas sur les acquis s’accompagne du souhait que ce dernier ait la clairvoyance de prendre des actes visant un cadre juridique plus solide pour l'accès à l'information en adoptant une vraie loi sur l'accès à l'information et non pas seulement une charte adressée à l'administration et aux organismes publics, reprenant la formule francophone en la matière. Mais même si ce qui se passe dans le Maghreb conduit toujours a plus de prudence dans les pronostics concernant les pays africains, une reforme de la Constitution pour constitutionnaliser la charte serait, plus qu'une avancée, une victoire. Et sur ce point, la société civile aura un rôle décisif à jouer pour le futur de cette charte.

Toujours est-il que cette tendance où des gouvernements transitoires prennent des actes en faveur de l'accès à l'information juste à la veille des élections qui devraient mettre en place les gouvernements « élus, légitimes » a été aussi notée dernièrement en Guinée. D’où l’intérêt de tout ce débat. La question qui se pose est comment des gouvernements transitoires arrivent à poser des actes que même les gouvernements évoluant dans des contextes apparemment plus favorables ont des peines à poser ? Serait-ce trop de zèle de leur part - surtout en sachant qu’ils ne seront pas les responsables de l’application effective de ces législations dans le futur - ou sommes nous en face d’une une véritable prise de conscience ? Y aurait-il dans ces scénarios, une leçon à apprendre en matière de transparence de la part des pays africains ?

* Fatima Diallo, coordinateur d’un groupe de travail sur l’accès à l’information au Sénégal

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