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L'Europe a accepté pour l'Ukraine ce qu'elle refuse à l'Afrique : la reconnaissance d'élections tronquées sur des territoires non entièrement pacifiés. L'Algérie, le Burkina Faso, le Congo, l'Égypte et la Syrie démontrent ainsi le véritable intérêt d'un Occident chrétien en guerre froide avec la Russie et qui se sert de l'Ukraine à cet effet.

L'Europe et les États-Unis se sont précipités aux portillons de l'Ukraine pour la prestation de serment de Petro Porochenko investi samedi 7 juin, alors qu'ils ont battu froid à Boutéflika l'Algérien, al Sissi l’Égyptien et Bachar al-Assad le Syrien pour lesquels aucun étranger n'a daigné faire le déplacement. Le vice-président américain Joe Biden et de nombreux chefs d’État ou de gouvernement d'Europe de l'Est ont ainsi fait le déplacement à Kiev, alors que personne, ni d'Afrique ni d'ailleurs, ne s'est présenté en Algérie, en Égypte ou en Syrie.

Tous ont pourtant été élus, même si les conditions de déroulement du scrutin laissent à désirer. Le régime syrien est parvenu à contenir les dissidents armés par l'extérieur en rébellion depuis trois ans et le scrutin sur la seule partie libérée vaut tout autant que celui de l'Ukraine avec l'Est et la Crimée en sécession et en annexion. Le pays des Pharaons a écourté le pouvoir de Mohamed Morsi, pourtant démocratiquement élu, après les dérives subséquentes qui ont valu la mise à l'écart du président. Le fossile algérien, presque végétatif, s'est imposé à tous au mépris du bon sens, ce qui n'enlève rien à la forme du scrutin, selon les normes édictées par les autres eux-mêmes qui se désolent de voir la perversité du système.

Partout, en effet, des élections ont été organisées, des candidats se sont déclarés, le scrutin s'est déroulé avec plus ou moins de bonheur et un résultat proclamé ; ce sont là les critères généralement admis pour l'administration de la démocratie.

De même, les États-Unis n'ont pas eu le même doigté avec la République démocratique du Congo qu'avec le Burkina Faso, pour demander au plus grand déstabilisateur de l'Afrique de l'Ouest de ne pas tripatouiller la Constitution pour légitimer une candidature à un troisième mandat. Kabila-fils n'a pas été confronté avec la même diplomatie, qui a été invité à se barrer, purement et simplement et de ne pas se représenter en 2016. Ceci rappelle un peu le Sénégal de 2010, sous Wade et la naissance du "Mouvement du 23 juin" qui se propose d'ailleurs, comme par enchantement, d'aller faire campagne au pays des Hommes intègres et dans le pays des Grands lacs.

La tendance pro-européenne globale avancée pour l'Ukraine pour justifier la compassion de l'Europe ne saurait prospérer : en essayant d'installer les orgues de Staline en Russie même, via l'Ukraine, l'Occident devait s'attendre à la réaction semblable à celle du couple Poutine-Medvedev dont on s’accommode dans sa compréhension de la démocratie alternée et non limitée au niveau du cumul alterné. Le bain de sang entretenu pendant trois mois à la place Maïdan devait donner la chance à un semblant de pro-européanisme de bon aloi et à l'intervention de l'Occident chrétien, sans sa croisade pour sauver l'âme damnée des Nègres de l'Est.

L'Ouest n'a pas eu les mêmes soucis pour ces Maghrébins et Proche-orientaux brimés, réprimés, emprisonnés et condamnés par centaine qui ont eu le seul tort de réclamé la morale dans le jeu démocratique : Maïdan n'a pas plus de valeur symbolique que Tahrir. C'est aussi cela, la leçon de la nouvelle guerre froide qui se dessine entre l'Est et l'Ouest, au détriment des relations Nord-Sud toujours désastreuses.

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** Pathé Mbodj est journaliste, sociologue

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