Vous voilà canonisé parmi d’autres saints

Cette béatification a commencé immédiatement après votre sortie de prison et pendant que vous serriez les mains de vos anciens ennemis politiques

Vous êtes passé, au milieu des applaudissements nourris et des acclamations, du « terroriste » au statut de saint en vous réconciliant avec tous hormis celle en direction de qui vous dites que votre « amour reste intact » en annonçant officiellement une séparation conjugale.

N’y avait-il aucun moyen de se réconcilier avec Winnie ? Ou est-ce une partie du prix secret à payer pour maintenir la respectabilité politique et personnelle de l’Anc ?

Pour l’esprit de Mandela,

Je respecte profondément vos 27 ans passés en prison et comme la plupart des Africains le croient nous ne devons pas dire du mal des défunts.

Au moment où votre place dans les livres d’histoire est assurée, peut-être appartiendra-t-il à une autre génération de Sud Africains d’évaluer objectivement votre signification et votre contribution à l’Afrique du Sud ?

Mais on est dans un moment de deuil et à juste titre, car toute perte en vie humaine est une douleur pour les vivants et non pour les disparus

Pourtant nous devons être véridique, sobre et réflexif dans l’analyse de votre œuvre quand vous étiez au pouvoir et de votre héritage en tant que leader politique et « icône universelle » de la résistance.

A propos de vos réalisations, il n’y a aucun doute que vous, aux côtés de vos camarades, avez mené l’Anc vers la libération politique avec une détermination et une stratégie admirables.

Cette libération politique ne s’est pas traduite par une liberté économique pour la grande majorité.
L’apartheid de classe s’est substitué à l’apartheid racial.

Et dans la fabrication des mythes qui accompagne votre disparition, certains ne parviennent pas à comprendre votre leadership dans le premier gouvernement démocratiquement élu dans l’Afrique du sud « libre » de 1994-1999, qui s’est engagée et s’est enfoncée dans le capitalisme néolibéral.

Ce sont ces politiques qui de façon globale et en Afrique du sud asservissent les Noirs sud-africains dans la pauvreté, l’exploitation et la création de richesses sur le dos des pauvres.

Ce sont ces politiques de croissance en trickle down que votre gouvernement de 1994-1999 a magnifiées.

Vingt ans plus tard, le peuple se demande légitimement quand est-ce que les effets de la croissance en trickle down vont se traduire en termes d’emplois et de logements.

Pour l’esprit de Mandela

C’est votre gouvernement qui a négocié pour que les Blancs conservent le contrôle sur la terre et ses ressources et pour que quelques Noirs compradores «grignotte» - comme nous disons au Ghana - quelques miettes du gâteau capitaliste pendant que la majorité meurt de faim.

Ces négociations étaient-elles inévitables comme d’aucuns peuvent le dire ? D’autres options n’étaient-elles pas faisables et viables ?

La conjoncture historique est un prétexte futile, mais elle permet d’oser inventer et réinventer le passé et le futur.

Pour l’esprit de Mandela.

N’est-ce pas votre gouvernement, sous votre leadership, qui a essayé d’humaniser le capitalisme néolibéral en Afrique du sud avec la Gear (1) et la Rdp (2) et a continué à sucer le sang des Sud-Africains noirs ?

Ces politiques n’ont-elles pas conduit aux protestations contre les prestations de service concernant l’électricité, le logement et l’assainissement, les gens ordinaires étant vite déçus par la nouvelle Afrique du sud dont ils ont tant rêvée durant les décennies d’un apartheid brutal ?

Mon problème est qu’un décalage est survenu, dans lequel votre auréole aveugle les populations sur les politiques que vous avez mis en place alors que vous étiez au pouvoir.

Ces politiques ne confèrent pas les richesses de l’Afrique du sud à tous ceux qui y vivent ainsi qu’un document historique a eu à le proclamer, mais à une bourgeoise locale et internationale de Noirs et de Blancs unis à l’autel du capitalisme.

Pour l’esprit de Mandela

Comme tout être humain, vous avez vos défauts et vous avez commis des erreurs.

Avez-vous fait trop de compromis durant ces années qui ont mené au règlement négocié et durant ces négociations ?

Pour l’esprit de Mandela

Vous êtes-vous trop compromis pendant le gouvernement post-apartheid que vous avez dirigé ?
Quand je vous rejoindrai, Madiba , peut-être que nous pourrons continuer à débattre de certaines de ces questions.

NOTES
1) Stratégie de croissance de l’emploi et de la redistribution - Growth Employment and Redistribution strategy
2) Programme de reconstruction et de développement

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