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Militant des Droits de l’Homme en RD Congo, Floribert Chebeya est mort dans des conditions suspectes. Convoqué par la police, il était retrouvé mort, le lendemain, dans sa voiture abandonnée. C’est le deuxième assassinat de défenseur des Droits humains en RDC et pour Franck Kamunga Cibangu, trop c’est trop.

Floribert Chebeya n’est plus. Porté disparu depuis le mardi 1er juin, le corps du président de l’ONG de défense des Droits de l’Homme la « Voix des Sans Voix » a été retrouvé par la police le mercredi 2 juin, dans la matinée, à bord de sa voiture, sur la route de Matadi, vers Mitendi, dans la périphérie de Kinshasa. L’information a été livrée mercredi après-midi par des sources policières. Disparu également depuis mardi, on n’est toujours sans nouvelles de Fidèle Bazana, le chauffeur de Floribert Chebeya.

Rendez-vous avec l’Inspecteur Général

Lorsque la radio onusienne Okapi l’a interrogée mercredi en début d’après-midi, l’épouse de Floribert Chebeya croyait encore que son mari était vivant. Elle a décrit l’emploi de temps de ce dernier dans la soirée de mardi : « C’était hier vers 17 heures, mon mari m’a appelé pour me dire qu’il avait rendez-vous à l’IG (NDLR: Inspection générale de la police), et que le Général Numbi (NDLR: l’inspecteur général de la police) devait le recevoir vers 17 heures 30. Il m’a appelé, nous avons parlé au téléphone. Après quelque temps, il m’a envoyé un SMS pour confirmer qu’on allait le recevoir vers 17 heures 30. Comme je n’étais pas tranquille, je lui ai envoyé un SMS pour savoir s’il avait été reçu. Il a répondu à mon SMS affirmant qu’il n’a pas pu rencontrer l’IG et qu’il faisait maintenant un détour à l’UPN. Je sais que mon mari ne fait pas comme ça et n’avait pas un programme pour se rendre à l’UPN».

Vers 21 heures, elle a tenté de joindre Floribert Chebeya au téléphone, dit-elle. Sans succès. Elle a multiplié les tentatives toute la nuit jusqu’à la matinée de mercredi. « Personne n’a décroché, même pas son chauffeur qui pourtant était avec lui », raconte-t-elle.

Les sources policières ont confirmé à la radio onusienne Okapi le rendez-vous de Floribert Chebeya à l’inspection générale de la police.

« Les défenseurs des droits de l’homme gênent »

« C’est le deuxième défenseur des droits de l’homme [à perdre la vie]. On vise les défenseurs les plus importants. Je peux le dire clairement, nous tendons vers les élections et les défenseurs des Droits de l’homme gênent », a réagi l’activiste des Droits de l’homme Robert Ilunga Numbi de l’ONG “Les Amis de Nelson Mandela”.

D’après lui, cet « assassinat est déjà une preuve… que les défenseurs des Droits de l’homme ne sont pas en sécurité.» Robert Ilunga a affirmé être aussi la cible des menaces. « Lorsque nous disons que nous ne sommes pas en sécurité, nous voyons toujours le ministre de la Communication affirmer que nous sommes en train de vendre le pays. Moi aussi je suis ciblé. Si Chebeya aujourd’hui est mort, prochainement ça ne pourrait être moi », a-t-il déploré.

Communiqué conjoint de l'OMCT et de la FIDH

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des Droits de l’Homme, programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), exprime sa plus vive indignation suite à l’annonce de la mort de M. Floribert Chebeya Bahizire, directeur exécutif de la Voix des sans-voix pour les droits de l’homme (VSV) et membre de l’Assemblée générale de l’OMCT, dans des circonstances peu claires.

Alors que M. Floribert Chebeya Bahizire était porté disparu depuis le 1er juin 2010, son corps a été retrouvé sans vie par la police ce mercredi 2 juin dans la matinée à bord de sa voiture sur une route à la sortie de Kinshasa. Par ailleurs, M. Fidèle Bazana Edadi, membre et chauffeur de la VSV qui accompagnait M. Chebeya Bahizire, reste porté disparu. Au moment de publier ce communiqué, le directeur exécutif adjoint de la VSV, M. Dolly Ibefo Mbunga, n’avait toujours pas été autorisé à voir le corps de M. Chebeya Bahizire et la police lui a demandé de revenir dans la matinée du 3 juin.

Dans l’après-midi du 1er juin 2010, M. Floribert Chebeya Bahizire avait reçu une convocation à se rendre auprès de l’inspecteur général de la police nationale congolaise (IG/PNC), le Général John Numbi Banza Tambo, pour un motif qui devait lui être communiqué sur place.

Accompagné de M. Bazana Edadi, M. Floribert Chebeya Bahizire s’était alors rendu aux bureaux de l’IG/PNC, dans la commune de Lingwala, Kinshasa, vers 17h. Lorsque ses proches ont cherché à le joindre par téléphone, peu après 21h, M. Chebeya Bahizire n’a pas décroché, tandis que le téléphone de M. Bazana Edadi était éteint. A partir d’une heure du matin, tous les appels en direction du téléphone de M. Chebeya Bahizire étaient déviés.

« Nous condamnons fermement la mort de M. Floribert Chebeya Bahizire, défenseur des Droits de l’Homme reconnu pour sa lutte en faveur de la justice et des droits de l’Homme, décès survenu dans des circonstances pour le moins obscures, et nous nous associons à la tristesse de ses proches, de ses collègues et de tous les défenseurs des droits de l’Homme congolais », a déclaré M. Eric Sottas, secrétaire général de l’OMCT.

L’Observatoire condamne la mort de M. Floribert Chebeya Bahizire qui s’inscrit dans un contexte d’insécurité croissante et d’intimidations répétées à l’encontre des défenseurs des Droits de l’Homme en République démocratique du Congo, et réitère sa plus vive préoccupation au regard de la détérioration de la situation des défenseurs en RDC.

« Nous appelons les autorités congolaises à mener une enquête indépendante afin que toute la lumière soit faite sur les circonstances de la mort de M. Chebeya Bahizire et à retrouver M. Bazana Edadi dans les meilleurs délais. Nous appelons également la MONUC à faire le suivi nécessaire en application de son mandat de protection des défenseurs des Droits de l’Homme dans le pays », a déclaré Mme Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH.

Plus généralement, l’Observatoire appelle les autorités congolaises à mettre un terme à toute forme de harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme en RDC, et à se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des Droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, ainsi qu’aux dispositions de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la RDC.

* Franck Kamunga Cibangu est Directeur Exécutif de Droits Humains Sans Frontières

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