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Guled

Si les violences faites aux femmes sont tant ancrées dans les mentalités, c’est parce qu’elles reposent sur des rapports de domination sociale et de discrimination raciale qui, dans l’histoire, a laissé peu d’espaces de liberté aux femmes. Au sortir d’une rencontre au niveau des pays de l’océan Indien, Aline Murin-Hoarau souligne que pour combattre ce phénomène et «agir sur les mentalités et les actes qui en découlent, la connaissance de son histoire est aussi incontournable».

Pendant trois jours une délégation de femmes de l’océan Indien se sont rencontrées au Conseil général. Ces représentants des Comores, des Seychelles, de Rodrigues et de Madagascar ainsi que les institutions de la Commission de l’océan Indien et de l’ONU ont travaillé sur une plate forme régionale pour accompagner les femmes, les filles et enfants victimes de violence dans l’océan Indien.

Cette plate forme régionale pour bien fonctionner devra tenir compte des spécificités de chaque pays qui vit dans l’océan Indien.
 Depuis plusieurs décennies, les États membres ont pris divers engagements pour parvenir à l’égalité de genre entre tous les citoyens. 
En effet, l’oppression et la violence contre les femmes, les filles concernent tous les pays et toutes les cultures.

Deux millions de femmes victimes de violence conjugale et plus de 400 décès sont recensés chaque année en France. 
Ces violences s’inscrivent-elles dans les gênes de la gent masculine ? 
Je voudrais, je souhaiterais dire non.
 Mais les faits divers sont trop nombreux à l’égard des femmes et des filles. Ils sont vendus et sont affichés dans les médias comme des faits dignes d’intérêt. C’est devenu banal, normal dans les discussions d’entendre « que fem là la gagne béseman avec son boug ».
 Chez nous les crimes passionnels défraient les chroniques.
 Beaucoup d’hommes considèrent que sa femme devient sa propriété une fois qu’ils vivent en couple.
 L’évolution de l’humanité doit aussi se construire par le respect de la femme, de l’homme et des enfants issus de cet amour.


Il serait grand temps que la femme soit acceptée comme un être à part entière en non pas entièrement à part et qu’elle soit respectée partout dans le monde.
 Hommes, femmes doivent trouver l’équilibre le plus harmonieux sur tous les plans pour avancer ensemble sur le chemin de l’humanité et de la spiritualité.
 Pendant ces trois jours, dans l’hémicycle du Conseil général, j’ai entendu parler de loi cadre. Les représentants de certains pays ont cité les dispositifs législatifs existants et à améliorer pour lutter contre les violences faites aux femmes et filles dans la région de l’océan Indien.
 Mais la distribution de ces nombreuses trousses de secours ne suffira pas à faire changer les mentalités.

Pour pouvoir agir sur les mentalités et les actes qui en découlent, la connaissance de son histoire est aussi incontournable. 
Dés le premier siècle de notre ère, les femmes de l’océan Indien ont été l’objet d’un trafic commercial. 
Avec la colonisation européenne des îles de l’océan Indien, très vite on a eu besoin de femmes pour peupler des îles à sucre. De nombreuses femmes africaines, malgaches et indoportugaises sont arrachées de leurs villages puis transportées vers les colonies de l’océan Indien tout au long du XVIIIème siècle.
 Sur les boutres, elles sont conduites aux Comores, à Madagascar et à l’île Bourbon et vendues ensuite aux colons.
 Esclaves, ces femmes deviennent une denrée rare au début de la colonisation.

Cette société coloniale qui repose sur des rapports de domination sociale et de discrimination raciale a laissé peu d’espaces de liberté aux femmes. Ces femmes évoluent dans une société coloniale où les inégalités sont criantes et où le mot de liberté n’a pas de sens. 
La femme fait partie du patrimoine du maître au même titre qu’un meuble. En réalité, la condition d’asservissement de la femme esclave la transforme plus facilement en objet de débauche et de plaisir pour les maîtres.


Certaines femmes préféreront le suicide à cette servitude. 
Certaines déjà bien rebelles à l’époque ont préféré se battre pour leur liberté, pour préserver leur cellule familiale aux côtés de leurs compagnons.
 Ces femmes comme Héva, Rahariane, Simangavole optent pour le marronnage dans nos Pitons Cirques et nos Remparts.
 Elles participent aux réunions politiques pour affronter dignement l’ennemi esclavagiste et affichent avec autant de courage que les hommes leur volonté de dire non aux injustices, aux violences.

Après l’abolition de l’esclavage, punitions, brimades, humiliations s’effacent progressivement. Mais leur condition de vie reste difficile. Le courage de ces femmes, la volonté farouche et évidente de réagir contre les injustices et les discriminations tracent un combat qui doit aujourd’hui continuer pour que toute forme de violence cesse à son égard.
 Notre histoire nous rappelle que les hommes et les femmes ont combattu ensemble des injustices, des inégalités, des violences.
 Aujourd’hui et demain pour mettre fin à toutes violences dans la famille, il convient que les Femmes et les Hommes s’unissent comme dans le passé pour construire ensemble une société respectueuse des êtres humains au travers de ses lois.

Aujourd’hui, demain, comme hier, Femmes et Hommes doivent dépasser les sentiments de jalousie, de supériorité pour pouvoir travailler ensemble, équitablement dans les hémicycles.

* Aline Murin-Hoarau est conseillère régionale de la Région Réunion

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