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Comment peut-on oublier si vite les terribles crimes de guerre et crimes contre l'humanité que Laurent Nkunda est accusé d'avoir commis dans l'Est du Congo pendant près de 7 ans, de 2002 à 2009 ? Amede Kyubwa passe en revue les massacres et exactions qui ont été régulièrement condamnés durant cette période et qui semblent aujourd’hui n’avoir jamais existé, aucune pression n’étant faite pour juger Kunda.

Alors que le Rwanda intensifie sa campagne de répression contre les opposants politiques soupçonnés de collaborer avec des organisations terroristes, il est étrange que ce même pays protège encore des individus qui ont commis des violations des droits humains inexcusables dans le pays voisin, la République démocratique du Congo. Cette hypocrisie trahit le gouvernement rwandais. Sans parler de Mutebuzi et Ntaganda, ça fait 15 mois, depuis que Laurent Nkunda Mihigo est arrêté au Rwanda et que son plan de transfert à un tribunal compétent n'est pas toujours connu.

N'est-il pas intéressant de constater que la communauté internationale, au lieu de menacer de prendre des sanctions contre le Rwanda, s'il ne transfère pas Nkunda à la Cour pénale internationale, est plus intéressée à garder silence à ce sujet. Au moins, chaque mois, les dirigeants rwandais désignent leur boucs émissaires habituels et des excuses sur cette détention.

Pourquoi ce silence de la communauté internationale sur un problème très critique qui pourrait servir à encourager les futurs criminels de guerre dans la région des Grands Lacs et ailleurs. Ce silence inexplicable est un problème sérieux, car il envoie un message erroné sur la nécessité de l'urgence de traduire en justice un homme accusé d'avoir commis des actes bien documentés, des crimes de guerre et crimes contre l'humanité, pendant sept années consécutives, de 2002 à 2009. Voici quelques-unes de ces graves accusations contre Laurent Nkunda :

En novembre 2008, diverses organisations locales et internationales ont fait état d'un massacre de civils commis par les hommes de Nkunda à Kiwanja, après qu’ils ont pris le contrôle de cette localité. Selon HRW, ils ont forcé 30.000 habitants à quitter la ville et ont ensuite systématiquement traqué et tué des civils, principalement des hommes suspectés de soutenir leurs ennemis (source : MONUC)

En août 2008, Nkunda lance des attaques contre l'armée nationale qui ont contraint un quart de million de personnes à fuir leurs foyers, dispersés sur un vaste domaine sans hopital ni l'accès au logement, à l'eau, à la nourriture et aux médicaments (source : MONUC)

En février 2008, un rapport des enquêteurs des Nations unies sur les droits humains allègue que les combattants fidèles à Nkunda ont tué au moins 30 civils hutus les 16 et 17 janvier autour de Kalonge, à environ 100 km (64 milles) à l'ouest de Goma, capitale de l'est province du Nord-Kivu (source : MONUC)

En septembre 2007, Amnesty International appelle à une collaboration entre la RD Congo et le Rwanda en vue de traduire Nkunda en justice dès que possible parce que les terribles violations des droits humains auraient pu être évitées si le mandat d'arrêt international contre lui (Laurent Nkunda) publié avait été suivi (Source : Amnesty International)

En juillet 2007, les forces loyales au chef de guerre Nkunda sont accusées d'utiliser le viol comme arme de guerre dans plusieurs villages au Nord-Kivu (source : Refugees International)

En juin et juillet 2007, les enquêteurs des Nations unies indiquent que les combattants de Nkunda avaient recrutés des enfants au Rwanda (source : Amnesty International)

En septembre 2006, 21 corps sont découverts dans des fosses communes, dans des postes laissés vacants par les forces de Nkunda dans le territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu. Certains de ces organismes avaient été liés par les mains et les pieds (source : Amnesty International)

En mars 2006, Amnesty International appelle Nkunda à cesser immédiatement le recrutement et l'emploi des enfants, et à libérer tous les enfants au service de ses forces (source : Amnesty International)

En Janvier 2006, Human Rights Watch a appelé pour le reste de Nkunda et a averti que, tant que Nkunda est en liberté, la population civile demeure en grand danger. (Human Rights Watch)

En septembre 2005, Nkunda est l'objet d'un mandat d'arrêt international délivré par le gouvernement de la RD Congo pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité, ainsi que pour l'insurrection à Kisangani en 2002 et à Bukavu en 2004 (source : Human Rights Watch)

En juin 2004, Nkunda recrute des enfants soldats dans le Nord et le Sud-Kivu, notamment à Minova, Kalehe et Masisi, pour servir en tant que soldats, menaçant de tirer sur ceux qui ont essayé de dire non (source : Etats Unis : Département d'État, Rapports sur l'Exploitation de l'enfant)

En juin 2004, les soldats de Nkunda violent une mère devant son mari et ses enfants tandis qu'un autre soldat a violé une fillette de trois ans (source : Human Rights Watch)

En mai 2004, Nkunda et les troupes qui lui sont fidèles commettent des crimes de guerre, tuant et violant des civils et pillant leurs biens dans plusieurs villages au Sud Kivu (source : Human Rights Watch)

Le 16 juillet 2002, lors d'une réunion d'information au Conseil de Sécurité, le Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits de l'homme, Mary Robinson, appelle les autorités congolaises à arrêter Nkunda, et met en garde contre de nouvelles effusions de sang si Nkunda n'est pas déféré à la justice (source : Human Rights Watch)

En mai 2002, Nkunda est accusé de crimes de guerre commis à Kisangani où plus de 160 personnes ont été sommairement exécutées. (source : Human Rights Watch)

Toutes ces accusations graves appellent à la nécessité de transférer Nkunda à un tribunal compétent en dehors du Rwanda. Malheureusement le Rwanda le détient encore, sans aucune volonté de l'envoyer faire face à des poursuites. Il est temps pour que le Rwanda fasse des choix difficiles sur ce qu'il faut faire avec cet homme accusé de crimes de guerre et que le président Kagame lui-même appelle «hôte du Rwanda» quand il décrit son statut actuel de détention à des médias occidentaux. Il est dans l'intérêt non seulement du Rwanda, mais aussi de la paix dans la région des Grands Lacs, d'acheminer cet «hôte du Rwanda » vers un tribunal compétent qui peut soit le libérer soit le condamner s'il est reconnu coupable.

Il y a des raisons de croire que le Rwanda, qui se remet toujours de son génocide de 1994, ne peut pas se permettre d'accepter aveuglément l'étiquette de défenseur des criminels de guerre les plus recherchés dans le monde. Mais aussi, la communauté internationale doit presser pour que la justice soit faite au Congo. C'est l'essence même de la création de la Cour Pénale Internationale de juger les criminels de guerre et auteurs de crimines contre l'humanité comme l'accusé Nkunda, afin de décourager de futures incidents. Le silence que la communauté internationale envoie sur le cas de Nkunda est un mauvais signe pour faire croire qu'il y a encore des criminels de guerre intouchables dans ce monde et que l'impartialité de la justice internationale est loin d'être une réalité.

* Amede Kyubwa est le directeur exécutif de la MJPC, un organisme à but non lucratif qui travaille pour la défense et la promotion de la justice et la paix en République démocratique du Congo (www.mjpcongo.org)

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