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Le sommet du G-20 s’est tenu, le 2 avril, dans un climat de crise financière internationale dont les pays développés peinent encore à se relever. Tout un arsenal de mesures a été pris pour une régulation du système financier international (http://tinyurl.com/db9f7a). Mais ce que cette crise, dont les répercussions continuent de se dérouler en chaîne, impose comme mutations dans l’ordre mondial actuel, va bien au-delà d’un lifting. A Londres, les pays émergents (Chine, l'Inde, le Brésil, l'Argentine, l'Indonésie et l'Afrique du Sud), invités à la table des «grands», ont posé les termes de cette remise en cause. Avec un état d’esprit que traduit le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, quand il parle d'une crise "créée par des Blancs aux yeux bleus".

Les pays en développement, qui ont suivi de loin ce conclave, ont eu écho de la volonté du Premier ministre britannique, Gordon Brown, d'aborder la question de l'évasion fiscale, qui constitue un obstacle majeur au développement. Ils ont aussi entendu dire que la Banque mondiale a proposé un "fonds de vulnérabilité" pour aider les pays pauvres. Sans compter que les Vingt ont accepté de verser 1.000 milliards de dollars au FMI et à la Banque Mondiale pour l'aide aux pays en difficulté.

Mais on sait, depuis la fin des années 1970, ce que valent les interventions de ces institutions financières internationales. La pauvreté qui se sédimente en Afrique a une « traçabilité » bien évidente. Depuis les Programmes de Redressement Economique et financiers (PREF) jusqu’aux Stratégies de Réduction de la Pauvreté (SRP), en passant par les Programmes d’Ajustement Structurel, le FMI et la Banque Mondiale ont toujours tenu la baguette. Que peuvent-ils apporter de plus et de meilleur ?

Le système actuel a failli de manière dramatique et appelle des remises en cause. Celles-ci s’expriment de plus en plus ouvertement. Lors de ce sommet du G20, par exemple, la Chine n'a pas hésité à critiquer l'ordre mondial dirigé par les Etats-Unis, pour proposer une stratégie rapide de sortie de crise avec un plan de relance de 4.000 milliards de yuans. En fait, ce sommet de Londres a été vécu par plusieurs analystes comme celui des fausses illusions, pour un système néolibéral qui a fini de pourrir de l’intérieur, et n’est plus, en lui-même, porteur de solutions. Les vérités seraient ailleurs.

Pambazuka News vous propose une revue de ces approches alternatives qui veulent que de la crise sorte un ordre nouveau, pour un meilleur développement des peuples.

1 - Un petit coup de peinture sur un monde en ruines

Peu importe au G20 si le FMI a été un acteur central dans l’imposition des politiques d’ajustement structurel depuis les années 1980, au contraire, le G20 veut le remercier d’avoir été le grand ordonnateur des privatisations à outrance, de la libéralisation de l’économie, de l’ouverture des marchés et de la réduction drastique des budgets sociaux. Le FMI, bien que discrédité et délégitimé au niveau mondial, va être remis au centre du jeu politique et économique grâce à un apport de fonds d’ici 2010.

Un petit coup de peinture sur un monde en ruines, voilà la démarche du G20. Seule une forte mobilisation populaire pourra permettre de bâtir des fondations solides pour construire enfin un monde dans lequel la finance est au service des êtres humains, et non l’inverse.

Une nouvelle crise de la dette est en préparation au Sud, elle est la conséquence de l’explosion de la bulle de la dette privée immobilière au Nord. La crise qui touche aujourd’hui l’économie réelle de tous les pays du Nord a provoqué une chute des prix des matières premières, ce qui a réduit les recettes en devises avec lesquelles les gouvernements des pays du Sud remboursent leur dette publique externe. De plus, le « credit crunch » a provoqué une hausse du coût des emprunts des pays du Sud. Ces deux facteurs provoquent déjà des suspensions de remboursement de la dette de la part des gouvernements des pays les plus exposés à la crise (à commencer par l’Equateur). D’autres suivront.

La situation est absurde : les pays du Sud sont des prêteurs nets à l’égard du Nord, à commencer par les Etats-Unis qui ont une dette extérieure totale de plus de 6 000 milliards de dollars (le double de la dette externe des pays du Sud). Les banques centrales des pays du Sud achètent des bons du Trésor des Etats-Unis. Ils devraient au contraire former ensemble une banque du Sud démocratique afin de financer des projets de développement humain. Ils devraient quitter la Banque mondiale et le FMI qui sont des instruments de domination. Ils devraient développer des relations de solidarités Sud-Sud comme le font les pays membres de l’ALBA (Venezuela, Cuba, Bolivie, Nicaragua, Honduras, Dominique). Ils devraient réaliser un audit des dettes qu’on leur réclame et mettre fin au paiement des dettes illégitimes.

(Damien MILLET, Éric TOUSSAINT)

2 - Un lifting des marchés financiers et tout continue comme avant

Pour comprendre l’enjeu de ce nouveau sommet, il est utile de se référer à la déclaration officielle du dernier sommet du G20 qui s’est tenu en novembre 2008, en pleine crise, à Washington : « Nous serons guidés dans nos travaux par la conviction commune que les principes du marché, des économies ouvertes et des marchés financiers correctement réglementés favorisent le dynamisme, l’innovation et l’esprit d’entreprise qui sont indispensables à la croissance économique, à l’emploi et à la réduction de la pauvreté. Durant la période de croissance mondiale soutenue, d’essor de flux de capitaux et de stabilité prolongée qui a marqué les débuts de cette décennie, les acteurs des marchés ont cherché à obtenir des rendements plus élevés sans évaluer les risques de façon adéquate et sans faire preuve de la vigilance requise. ».

En gros, on continue comme avant, mais il faut mieux réglementer les marchés financiers. Sauf que si les marchés financiers occupent une telle place dans l’économie mondiale, c’est bien la conséquence des politiques, initiées par Reagan aux Etats-Unis et Thatcher en Grande-Bretagne et reprises par tous les gouvernements, qui ont consisté à diminuer de l’ordre de 10% la part des salaires dans les richesses produites, à laminer les services publics, les systèmes de santé, de protection sociale et des retraites.
Et c’est bien aux racines de cette politique-là qu’il faut aujourd’hui s’attaquer. Il ne s’agira pas de se laisser illusionner par les discours enflammés que ne manqueront pas de faire Obama, Sarkozy et Compagnie contre des paradis fiscaux.

Car la première mesure sérieuse à prendre serait la nationalisation sans indemnisation et sous contrôle social du secteur bancaire. Elle seule permettrait une réelle levée du secret bancaire et le contrôle et la traçabilité des opérations financières.

(Déclaration du Nouveau Parti anticapitaliste)

4 - L'Afrique marginalisée dans les débats

Dans ce nouveau cercle d'échanges commerciaux, c'est l'Afrique qui s'affiche comme le grand perdant. Du moins la partie du monde qui ne soit pas entièrement associée aux débats.

(…) L'Afrique, qui fait dix fois l'Europe, est le principal creuset des matières premières qui approvisionnent les industries occidentales. Pourtant, seule l'Afrique du Sud a été conviée à la table de ces négociations cruciales qui vont désormais régir le système financier international. Elle y sera en tant que porte-parole d'un continent qui subit pleinement les contre-coups d'une crise dont elle n'est pas responsable.

(…) Ainsi, maintenue dans un niveau d'immaturité et d'illégitimité, l'Afrique est obligée de confier ses intérêts à d'autres puissances. Une réclamation par procuration qui place la France parmi ses plus grands défenseurs. 'Nous essayerons de parvenir à une remise partielle de la dette des pays africains à condition pour ces derniers de ne pas la reconstituer avec d'autres pays comme la Chine', rappelait Alain Joyandet.

(Abdoul Aziz Agne)

6 - Pas de solution globale sans l’Afrique

«L’Afrique est la seule région du monde qui n’est pas intimement liée aux processus de décisions internationales. Les pays riches doivent comprendre que le monde a changé et que l’Afrique d’aujourd’hui n’est plus celle de l’époque coloniale. Mais en même temps, il faut reconnaître que le processus qui a mené à l’organisation de ce sommet du G-20 ne s’est pas fait sur une base géographique. Il a notamment tenu compte du niveau d’implication des pays convoqués dans l’économie mondiale. Mais cela n’excuse pas l’exclusion de l’Afrique. Il ne faut pas oublier que la plupart des matières premières sont fournies par l’Afrique et si l’Afrique va mal, le monde aura des problèmes.

Après la deuxième guerre mondiale, les puissances ont créé les institutions de Bretton Woods pour réguler toutes les économies du monde. Seuls les pays du Tiers monde ont finalement respecté les réglementations de ces institutions. Si les pays développés avaient fait autant nous ne nous retrouverions pas dans la crise actuelle. Le sommet du G-20 est un premier pas pour redéfinir un nouveau monde. Cette rencontre ne peut aboutir à des solutions globales si des régions du monde en sont écartées. Seuls les Africains peuvent mieux exprimer les problèmes du continent.

(Youssouf Ouédraogo, Premier ministre du Burkina Faso de 1992 à 1994, actuel conseiller spécial du président de la Banque Africaine de Développement)
http://www.afrik.com/article15686.html

7 - Les fausses illusions de l’aide

Quand des promesses sont faites à l’Afrique dans les sommets internationaux, cela porte toujours sur l’augmentation de l’enveloppe de l’ « aide ». L’ « aide » n’a eu, jusqu'à ce jour, pour finalité que de maintenir ses récipiendaires sous perfusion, et de les enfermer dans un cycle infernal de dettes et de pauvreté.

Le respect ou non de telles promesses ne change pas grand chose dans l’évolution des rapports de force qui maintiennent les africains dans la dépendance. La priorité devrait, désormais, résider dans la réduction de cette source de financement.

Les Africains se doivent, pour financer leur développement, de mobiliser leurs ressources propres en se dotant de bourses régionales et nationales de valeur, de lever des fonds sur les marchés des capitaux, et d’engranger des investissements directs étrangers. C’est la ligne de conduite que la délégation de l’Union africaine doit défendre en liant des alliances stratégiques avec d’autres pays membres du G20 dont les intérêts sont en convergence historique avec ceux des pays africains : il s’agit de l’Afrique du Sud, de l’Arabie Saoudite, de l’Argentine, du Brésil, de la Chine, de la Corée du Sud, de l’Inde, de l’Indonésie, du Mexique, de la Russie, et de la Turquie.

(Sanou Mbaye)
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