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Cette semaine, deux évènements importants pour les Africaines auront lieu. Le 25 Novembre marquera le début des seize jours d’activisme contre la violence à l’égard des femmes, une campagne internationale créée dans le but de sensibiliser l’opinion sur la violence contre les femmes, de renforcer le travail des organisations locales et de démontrer la solidarité des femmes dans le monde entier.

Incorporant la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes (le 25 Novembre) à la Journée internationale des droits humains (le10 Décembre), le but de cette campagne est de relier la violence à l’égard des femmes au fait qu’il s’agit d’une violation des droits humains. Le 25 Novembre possède également une signification importante pour les Africaines dans la mesure où il s’agit du jour ou le protocole relatif aux droits de la femme en Afrique entre en vigueur. Ayant été ratifié par les 15 pays africains nécessaires, ce traité extrêmement important et progressiste possède le potentiel d’émanciper les Africaines et de leur offrir la puissance que donne le fait de connaître et d’utiliser ses droits. C’est pourquoi A.N. Khitaka, se lance, dans l’article ci-dessous, dans un éloquent plaidoyer pour la ratification du traité par le Kenya. A.N.Khitaka vante les avantages que le traité offrira aux pays d’Afrique, elle assure que le travail effectué par de nombreux groupes dans le monde entier est d’une importance vitale pour les droits des femmes ainsi que pour faire de la violence contre les femmes une chose du passé. Au-dessous de l’article de A.N. Khitaka se trouve une liste de ressources sur les seize jours et sur le protocole : sites suggérés, lectures conseillées, blogs et évènements.

Femmes d’Afrique, nous avons une raison de nous réjouir, en effet nous avions longtemps attendu la ratification du protocole relatif aux droits de la femme en Afrique par les 15 pays nécessaires d’Afrique : elle vient d’être annoncée. Le protocole entrera bientôt en vigueur (le 25 Novembre). Ceux des Etats qui ont déposé leurs instruments de ratification auprès du Conseil Exécutif auront la possibilité d’en incorporer les articles au sein de leur droit national.

Ce fut un long voyage ; un voyage et une bataille bien menés par des groupes de défense des droits humains nationaux, régionaux et internationaux. La plupart d’entre nous l’ignoraient, mais nous sommes maintenant ravis que leurs pressions, cajoleries et démarchages aient fini par porter leurs fruits. Le second sommet des chefs d’états et de gouvernement se tenant à Maputo, au Mozambique, a finalement adopté le protocole comme supplément à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. La seule clause additionnelle était qu’il devait être ratifié par au moins 15 Etats sur les 53 Etats-membres possibles. Les 15 Etats à déposer leurs instruments de ratification auprès du Conseil Exécutif l’ont fait le 26e jour d’Octobre, ce qui signifiait alors que le traité devait entrer en vigueur à 30 jours de cette date ! Il a été correctement décrit de façon plaisante comme la « Carte Verte » qui inaugurera une ère nouvelle. Non content de nous garantir une palette élargie de droits humains répondant spécifiquement à nos besoins de créatures les plus lourdement opprimées et réprimées de l’ancien (et du nouveau !) millénaire, il nous permet de chercher réparation auprès de la future Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Malheureusement, le Kenya n’a pas encore ratifié le traité ; c’est peut-être dû à la préoccupation actuelle vis-à-vis du référendum. Cependant, pousser du coude le gouvernement dans la bonne direction ne devrait pas se révéler une tâche insurmontable : il a l’air influençable.

La grande question est la vitesse à laquelle les femmes du Kenya viendront s’ajouter à la fière liste des pays qui ont choisi d’offrir à leurs femmes un cadeau de Noël avant l’heure en ratifiant le document. Combien de temps les femmes du Kenya devront-elles attendre de ce côté renégat de la mer Rouge que le mot magique de « ratification » ouvre les flots rageurs et les projette sur l’autre rive, là où la discrimination contre les femmes, la répugnante Mutilation Génitale Féminine (excision), les mariages forcés, la pratique du lévirat, la violence sexuelle et domestique sont des choses du passé ? Pas longtemps j’espère.

Nous devons à tout prix unir nos efforts dans un lobbying visant à obtenir cette ratification. Alors seulement pourrons-nous nous lever et nous écrier « Euréka ! » Sans cela, nous pourrions tout aussi bien nous contenter de rester éternellement sur cette rive pour regarder nos sœurs du Cap-Vert, du Mali, de Malawi, du Lesotho, des Comores, de Libye, de Namibie, du Rwanda, du Nigeria, de Djibouti, de l’île Maurice, du Sénégal, d’Afrique du Sud, du Bénin, du Togo et de Gambie faire leurs premiers pas sur le fonds marin détrempé qui les mènera vers la liberté de l’individu.

Après ratification et domestication nous devrons progresser vers la prochaine grande étape : celle de l’éducation des masses à ses bénéfices, sans oublier de prendre à bord nos chers pères, frères, époux et fils. Une partie de l’opposition au projet Wako de constitution vient du fait qu’il promet des droits d’héritage égaux aux femmes, surtout aux femmes mariées. C’est à croire que ce projet introduit de nouveaux concepts dans notre système juridique, et pourtant le « Succession Act » existe depuis 1981 !

La plupart des femmes ont refusé de faire valoir leurs droits, même une fois assurées que la loi était de leur côté. D’autres ne veulent pas d’incessantes querelles au sujet de maigres ressources familiales avec des membres masculins de la famille. La perspective de se retrouver dans une sordide officine de province en fait reculer beaucoup. Celles-là préfèrent se réfugier derrière le masque des traditions en renonçant à leur part en faveur de leurs frères.

Les hommes craignent de perdre le contrôle de leurs mères, sœurs, femmes et filles. Ils adhèrent à la croyance primitive selon laquelle on ne peut dompter et soumettre une femme qu’en la privant de ses droits et libertés essentiels ainsi qu’en appliquant une forme de violence spécifique à sa féminité, le viol et l’agression physique en étant les moyens d’expression les plus populaires aujourd’hui. Du temps de nos mères, leur arme de prédilection était le refus d’accorder aux femmes une éducation primaire et secondaire; elles étaient également contraintes à démissionner de leurs emplois rémunérés par des décrets du type « mère au foyer avec enfants ». Même l’homme éduqué d’aujourd’hui tente de confiner sa compagne dans cette pièce perpétuellement enfumée qu’on appelle la cuisine (après le travail, bien entendu).

Les récalcitrantes sont abandonnées, attaquées, blessées et tuées en toute impunité. Celles qui ont la chance de s’en sortir et de subsister par leurs propres moyens sont traitées en parias par une société qui leur colle une étiquette de prostituées, de voleuses de maris et de rebuts de la société. Tout bien qu’elles acquièrent sous leur statut de célibataire sera saisi par les maris, frères, oncles et pères dont elles sont séparées ou leur sera offert en héritage. Tout enfant laissé derrière elles, sont maltraités, les petites filles surtout sont forcées à devenir servantes, ou bien l’on s’en débarrasse en les mariant à de parfaits inconnus se faisant passer pour un membre de la famille de leurs parents. Parfois on les expédie à la campagne où elles doivent subir d’odieux rites traditionnels. Ne vaudrait-il pas mieux que le gouvernement facilite l’adoption de tels enfants, de façon à ce qu’ils puissent continuer à vivre dans le style et la manière qui était les leurs du temps où leurs mères étaient encore en vie ?

C’est la raison pour laquelle les groupes de défense des droits humains se doivent de faire davantage qu’exercer un simple lobbying pour l’adoption d’instruments légaux internationaux ; ils doivent aider les femmes des zones rurales à les faire appliquer afin d’améliorer leur lot quotidien ainsi que celui de leurs enfants. Il faut faciliter l’existence d’Atieno d’Ahero, de Wanjiku de waithaka, de Kaleyke, de Katse, de Naliaka et de Narok à la fois matériellement et intellectuellement pour qu’elles puissent prendre conscience de leurs droits de base en tant qu’êtres humains et en tant que femmes et de la façon dont il est possible de les faire respecter devant des tribunaux régionaux, nationaux et internationaux. Unissons nos forces afin d’appliquer une thérapie de choc qui obligera les hommes à renoncer à leurs préjugés les plus enracinés ; corrigeons-les de l’actuel état d’esprit rétrograde et phallocrate qui leur a été transmis de génération en génération.

Dans sa pièce intitulée « Mesure pour mesure », Shakespeare introduit un nouveau personnage nommé Angelo, le régent qui rend de dures sentences en matière de justice. Il refuse de mêler la miséricorde à la justice et déclare que la loi doit être suivie à la lettre : au début de la pièce en tout cas. Nous laisserons aux curieux le soin de découvrir ce qui se passe ensuite. Lors d’une réplique célèbre, il pontifie sur le fait suivant : « l’on ne doit point faire de la loi un épouvantail, le préparant à attraper des oiseaux de proie, jusqu’à ce que l’habitude le leur faisant juger inoffensif ils en viennent à en faire leur perchoir au lieu de leur terreur ».

Notre dextérité et nos efforts dans la défense d’une cause doivent se traduire par des changements visibles dans les existences des gens de notre peuple ; elles ne doivent pas rester un simple « Sésame » pour nos donneurs de fonds, militons pour la promulgation de lois, mais ne les laissons pas devenir de simples épouvantails à oiseaux de proies et ... à hommes !

*A.N.Khitaka est défenseur des droits des femmes au Kenya

*Prière d’envoyer vos commentaires à :

Organisations soutenant la campagne pour la ratification du protocole relatif aux droits de la femme

African Centre for Democracy And Human Rights Studies (ACDHRS) http://www.acdhrs.org/
Akina Mama wa Afrika www.akinamama.org/
Association des Juristes Maliennes http://www.justicemali.org/ajm.htm
Cellule de Coordination sur les Pratiques Traditionelle Affectant la Santé des Femmes et des Enfants
Coalition on Violence Against Women http://www.equalitynow.org/english/index.html
FAHAMU http://www.fahamu.org
FAMEDEV-Inter-African Network For Women Media, Gender and Development
Feminist Africa http:/www.feministafrica.org
FEMNET - African Women's Development and Communication Network http://www.oxfam.org.uk/
Peace Women http://peacewomen.org
Sister Namibia
Union Nationale des Femmes de Djibouti
University of Pretoria Center for Human Rights http://www.chr.up.ac.za/
Voix de Femmes http://www.voixdefemmes.org/
Women's Rights Advancement and Protection Alternatives
Women in Law and Development in Africa (WiLDAF) http://www.wildaf.org/
Resources
16 Days of Activism Against Gender Violence http://www.cwgl.rutgers.edu/16days/home.html

Blogs
Feminist African Sisters http://feministafricansisters.blogspot.com/
Diary of a Mad Kenyan Woman http://madkenyanwoman.blogspot.com/
Black Looks http://www.international-alert.org/publications/121.php
Trafficking in Women and Children in Africa http://www.unicef-icdc.org/publications/
African Experiences of Transnational Feminism http://www.feministafrica.org/2level.html

Editions spéciales de Pambazuka News sur le protocole
Protocol on the Rights of Women in Africa: A Pre-condition for Health and Food Security
Challenges of Domestication: The Protocol To The African Charter on Human and People’s Rights on The Rights of Women in Africa

Women and Sustainable Development -

Female Genital Mutilation -

Female Refugees -
Baobab Women
Afrique du Sud – Women’s Net
Agenda à Durban, Contact Afrique du Sud [email][email protected]
Kenya – COVAW
Ghana – Ark Foundation
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