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Les feux de la rampe, elle a souvent été dessous. Jamais elle n’a cherché à les attirer, mais les dimensions de son combat étaient telles, sa détermination si forte que Wangara Maathai ne pouvait laisser indifférent. Dans sa quête perpétuelle de justice et d’équité, elle « a réalisé dans sa courte vie plus que la plupart des gens ne peuvent imaginer », souligne Margaretta wa Gacheru.

La nouvelle du décès de Wangari Maathai, le dimanche 25 septembre, s’est répandue dans le monde comme une traînée de poudre. J’ai appris le décès de la lauréate du Nobel de Paix en lisant les infos de CNN.com de bonne heure le lundi matin. C’était une nouvelle principale reprise par tous les grands médias, de Moscou à Muscat en passant par Madrid.

Ce qu’il y a de frappant, c’est que Dr Maathai, de son vivant, pour le meilleur ou pour le pire, a attiré une grande couverture médiatique. Pas seulement à son décès, ce qui est rare. Généralement, on attend la nécrologie de quelqu’un pour apprendre tous les extraordinaires aspects de sa vie. Mais pas Wangari. Elle était de ses personnes dont on parlait. Une dirigeante charismatique, aux prises de position controversées pour une noble cause, qu’elle soit populaire ou non. On l’a trouvée à la "Une" des journaux au Kenya dès 1970 et dans les médias internationaux très souvent depuis le début du millénaire.

Non pas que Wangari recherchât les feux de la rampe. Non ! Elle était simplement en quête de justice, d’équité et des " meilleurs pratiques" dans tous les espaces, en particulier dans le gouvernement où elle a défendu les femmes en disant qu’elles avaient droit au même traitement que les hommes, comme elle soutenait le fait que les chômeurs avaient autant droit à un travail que n’importe quel autre être humain. Le Green Belt Movement est ainsi né du sens de la justice de Wangari ainsi que de la conscience de la nécessité de prendre soin aussi bien de la planète que de la population qui subit les conséquences de la déforestation, la pauvreté et pâtit des médiocres politiques sociales qui ignorent les difficultés de la vaste majorité de la population.

Le premier engagement de Wangari a été en faveur de la population kényane, en particulier les femmes des zones rurales. Cela, je l’ai découvert à la fin des années 1970 alors qu’elle était présidente du National Council of Women of Kenya (NCWK) et à la tête de l’Environment Committee qui est par la suite devenu le Green Belt Movement.

Lorsque nous nous sommes rencontrées pour la première fois, l’engagement de Wangari pour la justice sociale et en faveur de la planète était déjà perceptible. Raison pour laquelle, à la fin de notre entretien (à cette époque je travaillais au Nairobi Times), j’ai eu le sentiment que cette femme, un jour, pourrait non seulement devenir présidente du Kenya, mais même la présidente de toute l’Afrique si une telle fonction devait voir le jour. Elle aurait été parfaitement à sa place. Elle avait la vision, la conviction, les idées brillantes et la passion brûlante d’être l’instrument de l’amélioration des conditions de son peuple.

A cette époque, Wangari m’a dit clairement que le leadership n’était pas une fonction qu’elle prenait à la légère. Au contraire. Les nonnes lui avaient enseigné de bonne heure que la bénédiction qui lui était donnée sous forme d’un bon enseignement et les occasions d’exceller, étaient des cadeaux dont elle devait faire usage pour le bénéfice des moins favorisés.

Son mélange de sincérité, de conviction et d’humilité était impressionnant, alors qu’à l’époque elle détenait déjà des postes à responsabilité, étant à la tête du département d’anatomie vétérinaire à l’université de Nairobi et la présidente du NCWK (une fonction qui générait de la jalousie et de l’envie à l’encontre de Wangari qui avait déjà commencé à déplacer des montagnes et à faire des vagues). Il était déjà clair qu’elle avait déjà commencé à réaliser ses immenses capacités de leadership. Aujourd’hui, j’affirme que Wangari, malgré sa réputation internationale pour son rôle d’environnementaliste, de militante sociale de terrain et d’ancienne députée au parlement kényan, a à peine effleuré la surface de tout ce qu’elle aurait pu faire si elle n’en avait pas été empêchée par des personnes de petite envergure, jalouses, envieuses, intimidées et menacées par son honnêteté, son intelligence, son autorité et son leadership charismatique.

Wangari a réalisé dans sa courte vie plus que la plupart des gens ne peuvent imaginer. Elle a fondé l’un des plus importants mouvements écologiques du monde, un mouvement qui a démontré la capacité des femmes des zones rurales à résoudre les problèmes de la planète. Elle a gagné des élections au parlement (et a été grandement sous-utilisée par le gouvernement Kibaki). Elle a gagné une bataille contre un dictateur civil qui a tenté d’accaparer un terrain public en plein cœur de Nairobi pour servir ses propres intérêts.

Le Nobel de Paix de 2004 lui a été attribué pour la démonstration par laquelle il a montré que le pillage des ressources, la pauvreté et la guerre étaient liés. Elle a été honorée pour avoir montré que la protection des ressources naturelles de la planète est une importante stratégie dans le cheminement vers la paix. Ma déception a été de la voir en 1992, lorsque la National Commission on the Status of Women a fait appel à elle pour qu’elle se présente à l’élection présidentielle, elle a refusé. Appartenant au même district électoral que Mwai Kibaki, elle avait déclaré ne pas vouloir causer une dispersion des votes. Que ce serait-il passé s’il elle avait posé sa candidature et avait gagné ? Je suis convaincue qu’elle aurait pu gagner. Où en serions-nous aujourd’hui ?

Spéculer sur ce qui aurait pu être n’a pas de sens. Mais nous savons que l’esprit de Wangari règne dans nos cœurs et nous accompagne.

* Traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger

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