Version imprimableEnvoyer par courrielversion PDF

Les restranscriptions en français des extraits du documentaire « Ombres africaines » de de Silvestro Montanaro, diffusé le 15 juillet à 23h55 (voir à l’adresse mais aussi à l’adresse http://www.jeuneafrique.com/ . Il nous a semblé nécessaire de revenir sur ces déclarations et d’en analyser le contenu. Ce sont ces réflexions que nous vous livrons ci-dessous. Il convient d’être prudent et nous avons voulu ici rassembler les éléments connus sur l’assassinat de Thomas Sankara pour permettre à nos lecteurs de mieux démêler le vrai du faux mais aussi faire gagner du temps ceux qui souhaitent poursuivre l’investigation sur cette affaire.

Comment a été assassiné Sankara

Les premières versions de l’assassinat de Sankara ont été rapportées essentiellement par Sennen Andriamirado. D’abord dans des articles dans « Jeune Afrique » dès novembre 1987, puis dans son ouvrage publié un peu plus tard sous le titre « Il s’appelait Sankara » (voir la présentation à l’adresse http://thomassankara.net/spip.php?article230 ). Sennen semble avoir mené une enquête minutieuse, en tout cas sur le déroulement des faits. Il présente même un schéma avec un plan du conseil de l’Entente où se déroulaient les réunions du Conseil National de la Révolution.

Des hommes en arme sont arrivés sur les lieux. Sankara venait de commencer une réunion avec ses collaborateurs qui devaient constituer une espèce de super secrétariat d’un nouveau Conseil National de la Révolution. Des soldats sont entrés et ont tiré sur les présents. Les sources de Sennen Andriamirando proviennent essentiellement d’Harouna Traoré, présenté comme le seul rescapé parmi les collaborateurs de Sankara qui assistaient à la réunion.

Harouna Traoré en est resté psychologiquement très marqué. Il a accepté quelques interviews dans la presse (dernière en date en mars 2009 à l’adresse http://thomassankara.net/spip.php?article718 ) mais se refuse à revenir sur ces évènements. On le voit cependant quelques secondes, interviewé dans le film de Mme Thuy Tien Ho, sorti en 2007 (voir la présentation à http://thomassankara.net/spip.php?article308 ) où est reconstitué l’assassinat. Il affirme que Sankara est sorti les mains en l’air en disant à ses collaborateurs « c’est à moi qu’ils en veulent ». C’est semble-t-il le seul qui ait accepté pour l’instant de témoigner. D’autres récits affirment que Sankara s’est défendu et aurait tiré sur des gendarmes. De nombreux militaires étaient présents ce jour là et peu si ce n’est aucun n’ont accepté à ce jour de témoigner publiquement. Tous les récits affirment que Sankara a été tué peu avant 17h.

Il a fallu attendre plus de 14 ans pour qu’un article apporte des précisions dans le N° 158 de l’hebdomadaire burkinabé « Bendré », daté du 19 novembre 2001. Un article repris en octobre 2004 dans le même journal. Pour la première fois apparaissent les initiales des 7 membres, tous des militaires burkinabè, de ce qui était présenté comme le commando qui avait assassiné Sankara. Cet article est encore repris le 11 octobre 2007 avec des compléments minimes cette fois sous le titre « Assassinat de Thomas Sankara, Chronique d’une tragédie organisée » à l’adresse http://www.pambazuka.org/ signé cette fois du directeur de l’hebdomadaire Bendré Cheriff Sy. Cette version diffère certes de celle de Sennen Andriamirado, mais pas sur l’heure.

Entre temps, l’avocat de Mme Sankara, maitre Dieudonné Kounkou, a publié un livre intitulé « L’affaire Thomas Sankara, Le juge et le politique» publié en 2002 (voir la présentation à l’adresse http://thomassankara.net/spip.php?article182 ) sur ce qu’on appelle « l’affaire Sankara », c’est-à-dire les démêlés de la famille Sankara pour obtenir vérité et justice d’abord au Burkina puis auprès de l’ONU (voir les différentes péripéties de cette affaire à l’adresse http://www.thomassankara.net/spip.php?rubrique55)

Maitre Nkounkou révèle les noms qui se cachent derrière les initiales à savoir Ouedraogo Arzoma Otis, Nabié N’Soni, Nacolma Wanpasba, Ouedraodo Nabonsmendé, Tondé, Kabré Moumouni et Hyacinthe Kafando, tous des militaires sous le commandement de Gilbert Diendéré qui dirigeait les commandos de Po. Selon ses propres déclarations, ses hommes voulaient seulement arrêter Sankara. Il a été lui-même rendre compte des évènements à Blaise Compaoré, qui était malade selon la version officielle du pouvoir actuel. Gilbert Diendéré a été élevé au rang de chevalier dans l’Ordre national de la légion d’honneur française lors d’un séjour en France en mai 2008. Quels services a-t-il donc rendu à la France ??

La rumeur dit que ce serait Nabié qui serait le véritable tueur de Sankara. Il serait mort, dans la déchéance, laissé à lui-même dans son village. Le soldat Otis, lui, aurait été arrêté et aurait été abattu lors d’une tentative de fuite. Hyacinthe Ouedraogo, adjudant Chef, particulièrement craint lorsqu’il faisait partie de la garde rapprochée de Blaise Compaoré, se serait un temps opposé à Gilbert Diendéré. Il avait d’ailleurs disparu plusieurs années, sans qu’on sache vraiment où et l’on pensait même qu’il était mort. Mais il est réapparu au Burkina en 2007, sans rien révéler de ce qui s’était passé. Il a été même élu député à l’Assemblée Nationale sur la liste du parti au pouvoir le CDP.

Outre Harouna Traoré, il existe donc d’autres témoins de l’assassinat de Sankara qui, nous l’espérons, un jour témoigneront à leur tour. Il faut dire aussi que, plus de 20 ans après, la crainte est encore bien présente au Burkina lorsqu’il s’agit d’évoquer quelques sujets tabous.

Dans ce pays, des journalistes sont régulièrement menacés pour intimider la profession. Quant aux militaires qui ont assisté à la scène, ils ne s’empressent pas non plus de faire des déclarations, qu’ils soient encore dans l’armée ou qu’ils en aient été exclus. Il faut dire que si une certaine liberté de la presse s’est installé, de nombreuses personnes ont en effet disparu depuis le « rectification » engagée après l’assassinat de Sankara, et la plupart des journalistes s’autocensurent.

Voilà donc pour les faits…

Il faut certes rester prudent et se garder de toute vérité définitive mais plusieurs personnes ont enquêté, des témoins ont parlé. Pour les burkinabé qui ont vécu les évènements au pays à Ouagadougou, c’est peu avant 17h que s’est déroulé l’assassinat.

Le complot extérieur

Par ailleurs de nombreux écrits mettent en cause, la France, la Côté d’Ivoire et la Libye dans l’organisation d’un complot international, et nous n’y reviendrons pas ici. On pourra se reporter au chapitre intitulé « Le complot extérieur » de la biographie de Thomas Sankara qui est disponible à l’adresse http://thomassankara.net/spip.php?article679 Ajoutons cependant la déclaration publique d’un journaliste français, contacté par Guy Penne pour écrire un article hostile à la révolution, ajoutant que c’est la manipulation la plus grave à laquelle il avait jamais été confronté. Le même Guy Penne, alors sénateur des Français de l’étranger, après avoir longtemps été le Monsieur Afrique de l’Elysée lorsque Mitterrand était président, l’avait mis en contact avec les services secrets qui lui ont alors donné des dossiers contre le Burkina Faso. Une pratique qui, selon le journaliste, ne se fait jamais. On trouvera le compte rendu de cette déclaration à l’adresse http://thomassankara.net/spip.php?article625 .

La participation de libériens à l’assassinat

La participation des Libériens à cet assassinat est évoquée déjà depuis de nombreuses années. Les premiers qui l’ont fait sont des chercheurs qui travaillaient sur le Libéria. L’un d’eux, Stephen Ellis, s’est d’abord exprimé sur la question à RFI. Nous avons pu le joindre ensuite juste après (voir les commentaires qui suivent l’article de rémi Rivière « Le sénateur Johnson confirme : Blaise Compaoré a assassiné Thomas Sankara » à l’adresse http://thomassankara.net/spip.php?article677 ).

Stephen Ellis cite plusieurs sources pour évoquer la participation de Libériens à l’assassinat de Sankara : les services secrets nigérians, un journaliste nigérian du nom M. Nkem Agetua qui a publié à Lagos, en 1992, le livre « Operation Liberty, the Story of Major General Joshua Nimyel Dogonyaro », ce dernier étant général de l’ECOMOG, un autre homme de Taylor, Samuel Varney, et enfin déjà de Prince Johnson qui a fait depuis pas mal parler de lui, notamment en 2008.

Le 4 octobre 2004, le général de John Tarnue se lance pour la première fois dans des révélations publiques lors d’une déposition devant le Tribunal Spécial pour la Sierra Leone, celui-là même devant lequel est actuellement jugé Charles Taylor. Il explique que Taylor est venu demander de l’aide au Burkina, et qu’a la deuxième réunion, avec Sankara et Blaise Compaoré, Sankara a accepté de les aider. Mais peu après, Compaoré aurait demandé à Taylor de l’aider avec ses hommes, dont Prince Johnson et Varney, à supprimer Sankara. Ce qu’il aurait accepté (voir à l’adresse http://www.thomassankara.net/spip.php?article168 un article de Rémi Rivière qui revient sur ces déclarations et les transcriptions de la déposition de Tarnue. Les dépositions de Tarnue se trouvent à l’adresse http://www.sc-sl.org/LinkClick.aspx?fileticket=t0sEUAxIIaI=&tabid=156 page 83).

L’information n’avait alors guère été relayée par les médias, contrairement à ce qui se passe depuis l’été 2008 où Prince Johnson s’est exprimé d’abord devant la Commission Vérité et Réconciliation du Libéria, puis devant des journalistes (voir à l’adresse http://thomassankara.net/spip.php?article677 ) de RFI. Il déclare en effet à un journaliste de cette radio, en octobre 2008 : « La seule option pour notre formation, rester au Burkina puis aller en Libye, était de répondre positivement à la requête de Blaise, c’est-à-dire se débarrasser de Thomas Sankara qui était contre notre présence au Burkina ». Autrement dit, tuer Sankara était le seul moyen d’obtenir le soutien de la Libye. Ses déclarations d’alors confirment aussi le soutien de la Côté d’Ivoire d’Houphouet Boigny.

Ainsi, contrairement à ce qu’a affirmé Tarnue, Sankara n’aurait donc pas soutenu Taylor lorsque celui est venu demander du soutien. Dans un reportage du mensuel burkinabé « le Libérateur », daté d’octobre 2008 voir à l’adresse http://thomassankara.net/spip.php?article678 ), il affirme encore que les Libériens auraient été emprisonnés et torturés au Burkina. Les « révélations » de Prince Johnson posent plus de questions qu’elles nous assènent de vérités.

D’autre part, une chercheuse américaine, Carina Ray, a publié un article en anglais en janvier 2008 à l’adresse http://www.pambazuka.org/en/category/features/45420 , intitulé « Qui a vraiment tué Sankara ». Elle rapporte que de nombreux forums dont celui de The Liberian Democratic Future’s (LDF) on-line newsmagazine, The Perspective, ou The Liberian Mandingo Association of New York’s website, confirment la version de l’assassinat de Sankara en échange de l’aide du Burkina et de la Libye à Taylor et à ses hommes pour prendre le pouvoir au Libéria. Mais Carina Ray cite aussi une autre version qui affirme le contraire, celle de Eboe Hutchful, directeur exécutif de l’ONG basée à Accra, African Security Dialogue and Research. Selon les informateurs ghanéens de Hutchful, Taylor n’aurait pas été envoyé au Burkina après son séjour au Ghana, mais à la frontière ivoirienne. De la Côte-d’Ivoire, ce serait les Libyens qui l’auraient présenté à Compaoré et non l’inverse. De plus Hutchful suggère que Sankara aurait été tué avant que les autorités ghanéennes ne libèrent Taylor.

On trouvera de nombreux autres articles d’analyse sur les révélations de Prince Johnson en 2008 dans la rubrique presse du présent site à l’adresse http://www.thomassankara.net/spip.php?rubrique54 . Cela commence à faire beaucoup de témoignages et il convient de prendre ce qui est dit très au sérieux, mais aussi de reprendre les investigations compte tenu de versions contradictoires en présence.

Complément apporté le 31 aout 2009

Devant le Tribunal Spécial pour la Sierra Leone où il est jugé, Charles Taylor a déclaré, le 25 aout 2009, ne pas avoir participé à l’assassinat, car il était encore en détention au Ghana, affirmant que les archives de ce pays pourrait l’attester (voir à l’adresse http://www.sc-sl.org/ page 27602). Cela rejoint la version de Eboe Hutchful. Pour notre part, des Burkinabé nous ont affirmé le contraire. Des vérifications restent donc nécessaires)

A propos du documentaire de la RAI diffusé en juillet 2009, des confusions

Ces rappels étant faits, examinons un peu plus en détail ces nouveaux témoignages (voir à l’adresse http://thomassankara.net/spip.php?article794) Momo Jiba et Allen affirment que c’est Blaise Compaoré qui aurait lui-même tiré sur Sankara à la tombée de la nuit ! Cela remettrait en cause tout ce que nous savons jusqu’ici sur cet assassinat. Et si le mensonge était avéré, cela aurait pour conséquence de jeter la suspicion sur le reste de leurs déclarations. Autre détail : un témoignage évoque Dominique Diendéré. Ce dernier vient effectivement d’être nommé tout récemment à la tête l’armée burkinabé. Mais il était, en octobre 1987, chef d’une unité de génie militaire. En réalité c’est Gilbert Diendéré qui est impliqué, comme nous l’avons dit plus haut. Il est actuellement conseiller aux affaires militaires à la présidence. Il a reconnu par le passé que ce sont ses hommes qui ont assassiné Sankara, mais ils devaient, selon lui, seulement l’arrêter et ils ont dû l’abattre car il se serait défendu.

Pour ce qui est de l’orthographe de ce nom, on trouve selon les cas, Diendéré, Guenguéré et même parfois Djendéré, mais il s’agit bien du même nom.

Allen déclara aussi un peu plus loin : « Yahya Jammeh, l’actuel Président de la Gambie, Blaise Compaoré, Thomas Sankara, Domingo Guengeré, et …Foday Sankoh, et puis l’homme du Tchad, dont je ne me rappelle plus de son nom … en tous les cas, ils ont tous été entraînés dans une localité libyenne et ils étaient tous amis. En fait, ce furent eux qui organisèrent la révolution au Burkina Faso et fait de Sankara son président. » Cette affirmation nous semble erronée. Sankara n’a guère quitté son pays avant la révolution en 1983, si ce n’est pour des voyages officiels en tant que premier ministre. Par contre, il est exact que Sankara entretenait alors de bons rapports avec Kadhafi, qui a effectivement fait parvenir des armes à Blaise Comparé retranché avec les commandos à Po en vue de la prise du pouvoir.

Mais ces rapports se sont largement détériorés durant la révolution, qui a été organisé par des Burkinabè, jusqu’à preuve du contraire, mais effectivement avec des armes venues de la Libye et ayant transité par le Ghana. Selon ce que nous savons, confirmé par les déclarations de Johnson en 2008, ce n’est qu’après l’assassinat de Sankara que Blaise Compaoré a mis Taylor en contact avec les Libyens et que ses hommes sont partis s’entraîner là-bas.

Implication de la CIA ?

Ces témoignages confirment de nouveau l’hypothèse de la participation de la France et de la Libye à l’assassinat de Sankara. Mais ce qui est nouveau, c’est la mise en cause de la CIA, d’abord pour soutenir Charles Taylor mais aussi dans l’assassinat de Sankara. Coincidence ? Charles Taylor a raconté lui-même son évasion et cela ne manque pas de sel. Selon une dépêche de l’AFP du 15 juillet : « J’appelle cela une libération parce que je ne me suis pas évadé », a déclaré Charles Taylor, qui témoigne depuis mardi dans son procès pour crimes de guerre et contre l’humanité devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL). M. Taylor était détenu en 1985 à la prison du comté de Plymouth dans l’attente d’une extradition vers le Liberia, qu’il avait fui après avoir été accusé en 1983 d’avoir détourné 900.000 dollars en tant qu’agent du gouvernement du président libérien Samuel Doe. L’accusé a expliqué qu’un gardien avait fait irruption, le 15 septembre 1985, dans sa cellule dans un quartier de haute sécurité, puis l’avait conduit dans une aile moins surveillée. « Deux autres détenus se trouvaient là », a poursuivi M. Taylor. « On s’est approchés de la fenêtre. Ils ont pris un drap et l’ont attaché aux barreaux. Nous sommes sortis à l’extérieur. Une voiture nous attendait ». « Je n’ai rien payé. Je ne connaissais pas ces personnes qui m’ont récupéré », a assuré l’accusé."

On en peut plus clair. A noter que dans une autre dépêche de l’AFP, datée du 22 décembre 2008, on peut lire : « Un parlementaire américain en visite à Monrovia a admis lundi devant la presse libérienne que les Etats-Unis avaient pris part à « la déstabilisation » du Liberia, avant et pendant la série de guerres civiles, et avaient eu « tort » de le faire… « Les Américains ont aidé à renverser William Tolbert (assassiné en 1980 durant le coup d’Etat sanglant de Samuel Doe) parce qu’il ne faisait pas ce qu’ils voulaient » , avait déclaré M. Simpson, comparaissant devant la Commission Vérité et Réconciliation (TRC) du Liberia. » Samuel Doe et Charles Taylor ont connu le même sort parce qu’ils ont refusé de prendre leurs ordres auprès de Washington« , avait ajouté l’ancien ministre. »

En effet, s’il a été soutenu par les Américains pour prendre le pouvoir, Charles Taylor est ensuite devenu la bête noire des Américains qui ont multiplié les déclarations hostiles au début des années 2000. A ce propos, on n’est donc guère étonné des déclarations de l’ex-femme de Charles Taylor qui laisse entendre que Charles Taylor est loin d’avoir tout dit et qu’il peut mettre encore en cause de nombreuses personnalités. Par contre, on ne peut que s’inquiéter à ce propos des déclarations récurrentes du Tribunal spécial pour la Sierra Leone qui juge actuellement Charles Taylor et qui tire régulièrement la sonnette d’alarme à propos de son financement insuffisant ; ce qui pourrait empêcher que ce procès soit mené jusqu’à son terme.

Autre nouveauté, Momo et Allen mettent aussi en cause l’actuel président du Tchad Idriss Déby, un des dignes représentants de la Françafrique, arrivé au pouvoir en décembre 1990, alors que Charles Taylor a lancé son attaque en 1989, mais aussi Yaya Jammeh. Celui-ci n’avait alors à peine plus de 20 ans, il est né en 1965, il est devenu président en 1994. On aimerait bien les entendre sur ces questions.

La communauté internationale doit s’impliquer dans la recherche de la vérité
Cette nouvelle sortie de témoins libériens confirme, nous l’avons dit, l’implication de la France, mais ajoute surtout, c’est le plus important dans ces nouveaux témoignages, une hypothèse assez crédible sur la participation de la CIA dans l’assassinat de Sankara. Mais ces témoignages ajoutent aussi un peu de confusion à ce qui a été dit précédemment. De nombreuses questions sont posées et les confirmations sont nécessaires. Il convient donc de rester encore très ouvert.

Voilà surtout qui rend plus nécessaire que jamais l’ouverture d’une enquête internationale indépendante. Et l’on ne peut que regretter le revirement du Comité des droits de l’homme de l’ONU dans l’affaire Sankara (voir à l’adresse http://thomassankara.net/spip.php?article569 dédouanant les autorités burkinabé de toute nécessité d’enquêter. Combien de temps encore la communauté internationale va-t-elle laisser des accusations de cette gravité toucher des présidents en activité sans réagir ?

Thomas Sankara, dont le renom et la popularité ne cessent de grandir en Afrique et ailleurs, n’est pas n’importe qui tant son passage a marqué. On ne construit pas un avenir sans connaître son histoire. Les journalistes, les chercheurs, les historiens, les hommes politiques, les organisations de défense des Droits de l’homme, les partis politiques, doivent se saisir de la question et concourir la recherche de la vérité. Quant aux pays occidentaux impliqués, la France et les Etats-Unis, si cela devait être confirmé, la seule façon de prouver leur volonté d’appréhender les rapports avec l’Afrique sous un angle nouveau, ce serait d’accepter d’ouvrir leurs archives.

S’abstenir de légiférer sur l’histoire mais laisser les historiens travailler

M. Obama s’intéresse plus que tout autre président américain à l’Afrique ? Qu’il fasse donc ce geste d’ouvrir les archives de la CIA sur ces questions. Ce serait là un signe de changement de toute première importance. Sa popularité est au plus haut parmi la jeunesse africaine, mais elle n’est pas immuable, bien au contraire. Avec ces témoignages, qui se sont rapidement diffusés très largement, il est en quelque sorte interpellé… En France aussi, des chercheurs ont commencé à demander à ouvrir certaines archives… La France veut changer ses relations avec l’Afrique. Nous en doutons fort et mais ne demandons pas mieux que de la prendre au mot. A quant l’ouverture des archives sur l’assassinat de Sankara et des autres patriotes africains assassinés ?

* Bruno Jaffré est Bruno Jaffré est considéré comme le biographe du président Thomas Sankara. Il participe à l'animation du site qui lui est consacré.

* Veuillez envoyer vos commentaires à [email protected] ou commentez en ligne sur www.pambazuka.org