D'après Otto Saki le cas du Zimbabwe a fourni un excellent exemple des pailles et des accomplissements du propre système africain pour défendre les droits humains de ses citoyens contre des attaques provenant de leurs propres gouvernements.
Introduction
La situation au Zimbabwe a continué de se dégrader et d’attirer l’attention et l’intérêt aux plans international, régional et sous-régional. La Commission Africaine des Droits Humains et des Peuples (la Commission) est l’une de ...lire la suite
D'après Otto Saki le cas du Zimbabwe a fourni un excellent exemple des pailles et des accomplissements du propre système africain pour défendre les droits humains de ses citoyens contre des attaques provenant de leurs propres gouvernements.
Introduction
La situation au Zimbabwe a continué de se dégrader et d’attirer l’attention et l’intérêt aux plans international, régional et sous-régional. La Commission Africaine des Droits Humains et des Peuples (la Commission) est l’une de telles organisations intergouvernementales qui ont reçu plusieurs appels portant sur des violations de droits humains: sur la liberté d’expression, la torture, la violence liée à la politique et causée par la politique, entravant les opérations des mécanismes juridiques et indépendants à l’échelle nationale, des évictions forcées sous prétexte de campagnes de nettoyage, entre autres questions. Les interventions ont été organisées compte tenu des violations et affronts à l’endroit de la Charte Africaine des Droits Humains et des Peuples (la Charte) à laquelle le Zimbabwe est partie. Le niveau, la nature et la mesure de l’intervention par la Commission sont très discutables, connaissant son mandat, l’exécution et la nature des recommandations. Alors que l’Afrique est perçue comme connaissant les abus de droits humains les plus nombreux et les plus affreux, ses mécanismes de droits humains demeurent sérieusement inadéquats ou dans la majorité de cas délibérément bloqués par les actions des Etats. Ceci se moque indubitablement des efforts des hommes et des femmes qui offrent leurs prestations comme commissaires et comme juges à la Cour Africaine des Droits Humains et des Peuples (la Cour). Cela dit, il faudrait noter que la Commission a traversé une phase remarquable de croissance et a vécu sa bonne part de défis, mais on peut en conclure sans se tromper que c’est l’une des institutions critiques dont dispose l’Afrique, et ce sans alternative, et pour certains Etats elle est devenue une source d’extase et pour d’autres une source de douleur, même si, à ce stade, on ne peut pas souhaiter la suppression de la Commission.
Session de la Commission
Le travail des institutions intergouvernementales régionales et sous-régionales de droits humains reste très étroitement lié au travail des organisations de droits humains et le Zimbabwe n’est pas une exception. À travers l’obtention du Statut d’observateur, les organisations sont effectivement reconnues non seulement par la Commission mais effectivement par l’Union Africaine. Actuellement, plus de 7[iv] organisations ayant le statut d’observateur devant la Commission ont été impliquées à plusieurs égards dans la mise en œuvre des droits de la Charte au Zimbabwe[v]. Le travail avec la Commission sur le Zimbabwe a gagné de l’espace considérable durant la 31ème session de la Commission, lorsque le Zimbabwe était à l’ordre du jour pendant le Forum des ONGs, ce qui a eu pour conséquence la prise d’initiatives par le gouvernement du Zimbabwe d’accepter une mission devant se rendre compte des faits sur terrain en matière de droits humains[vi]. Le Forum des ONGs africaines fut plus tard saisie de la communication de la part du Forum des ONGs de droits humains au Zimbabwe, en faisant la première communication substantielle sur le Zimbabwe[vii]. Avec l’adoption d’une décision par la Commission d’envoyer une mission devant se rendre compte des faits, Harare est devenu de plus en plus agressif dans sa position publique face aux organisations de droits humains et face à la Commission elle-même. Cela a marqué le début des attaques verbales croissantes contre la Commission et les commissaires, malheureusement avec peu ou pas de protection, du moins publiquement, du travail de la Commission par l’Union Africaine. [viii] Cela donne une base de supposer que les attaques à l’égard de la Commission étaient justifiées, pourtant elles étaient en effet sans pertinence.
Mission d’etablissement des faits au Zimbabwe
La Commission a mené sa première mission visant à établir les faits au Zimbabwe du 24 au 28 juin 2002[ix], plusieurs réunions furent tenues avec les ministères du gouvernement notamment celui de l’intérieur et de la justice, avec des membres du secteur judiciaire, des défenseurs et avocats de droits humains de même que diverses organisations de la société civile.
Quand le rapport fut présenté au gouvernement du Zimbabwe, des attaques et des critiques sans égales à l’égard de la Commission furent publiées. «The Herald», un journal contrôlé par l’Etat, écrivit le 6 juillet 2004: «Selon les sources, le rapport (de la Commission Africaine) ressemblait aux rapports produits par la fondation « Amani Trust » qui est financée par la Grande-Bretagne, qui est très bien connue pour sa position anti-Zimbabwe et falsifiait la situation dans le pays. » Un éditorial dans le Sunday Mail du 11 juillet indiquait: «En lisant le rapport [de la Commission Africaine], on détecte la main d’un avocat zimbabwéen connu et des racistes d’Amani »
Dans une autre diatribe y relative, les papiers se sont plaints: «Les Panafricanistes qui veulent prendre au sérieux l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) et son successeur, l’UA, trouvent assez confus et démoralisant le débat sur le rapport frauduleux à cause de l’échec des journalistes africains, qui spécialement, ne sont pas parvenus à aller au-delà des événements superficiels contenus dans l’histoire : c’est-à-dire que la Commission Africaine des Droits Humains et des Peuples a tenu quelques audiences et produit un rapport frauduleux avec l’assistance des Britanniques, d’autres bailleurs de fonds et de certaines ONGs (organisations non gouvernementales) racistes. Ce qui manque dans l’histoire est le fait que ce rapport est le plus récent d’une série de mensonges, spécialement à propos du Zimbabwe et contre le Zimbabwe.[xi]»
Plusieurs autres déclarations furent faites plus tard par le gouvernement en attaquant le travail de la Commission. Le rapport de la mission sur les faits fut adopté par la Commission dans son 17ème Rapport d’Activités, le gouvernement du Zimbabwe créant un cafouillage dans l’adoption du rapport par le Conseil Exécutif des Ministres et effectivement l’Union Africaine.[xii] Il fut accordé au gouvernement du Zimbabwe l’opportunité de fournir des réponses supplémentaires aux questions soulevées et finalement le rapport fut adopté par l’Union Africaine avec la réponse du Zimbabwe presque 3 ans plus tard.[xiii] Il convient de rappeler que les conclusions de la Commission restent en grande partie non-exécutées et que les droits sont davantage bafoués. [xiv]
Suivant les évictions forcées en mai 2005, les Nations Unies ont expédié un envoyé spécial chargé de l’habitat humain, alors que l’Union Africaine ont envoyé dans la précipitation le Rapporteur Spécial sur les Réfugiés, demandeurs d’asile et personnes déplacées en Afrique pour une mission semblable. Le gouvernement du Zimbabwe refusa aux Rapporteurs Spéciaux l’opportunité d’effectuer toute visite sous l’argument que les procédures requises de l’Union Africaine n’avaient pas été suivies. [xv] L’envoyé de l’Union Africaine a passé une semaine en « cantonnement solitaire » à son hôtel, une évolution très malheureuse si l’on considère le rôle, l’importance et la présence des institutions régionales.
Communications et mécanismes spéciaux
Avec l’augmentation des attaques à l’égard des défenseurs des droits humains, des femmes activistes, des journalistes, il y a eu une réaction limitée pour les divers mécanismes sous la Commission Africaine, y compris les Rapporteurs Spéciaux sur les Défenseurs de Droits Humains[xvi] et sur la Liberté d’Expression[xvii]. La difficulté avec de tels mécanismes, comme sous d’autres systèmes semblables, est le fait de ne pas arriver à fournir des ressources humaines et financières appropriées pour faire le suivi total de la plupart de leurs appels. Les gouvernements ont, dans une grande mesure, pris au sérieux les appels urgents, et le gouvernement du Zimbabwe semble avoir répondu à la plupart des appels, même si l’on peut disputer si les réponses ont abordé les questions soulevées ou créé des justifications pour les violations continues sous la couverture de contrôler la loi et l’ordre. La Commission a dirigé une audience sur le Zimbabwe aux termes de l’Article 46 [xviii] de la Charte qui permet à la Commission de recourir à n’importe quelle forme de mécanisme pour faire des enquêtes ou poser des questions sur la situation des droits humains dans un Etat partie. Dans sa manifestation habituelle de dédain à l’égard de tout travail pratique et critique de la Commission, la délégation venue du Zimbabwe a refusé de participer à la réunion en citant des pratiques injustes et des irrégularités au niveau des procédures dans la constitution de l’audience. Il est intéressant de noter que durant la même session la délégation du Zimbabwe distribuait des éditions imprimées du magazine « New African » et deux rapports produits par la Police de la République du Zimbabwe (ZRP en sigle anglaise)[xix]. La crédibilité de la police nationale et en particulier ses branches et unités chargées de la collecte du renseignement a été défiée [xx].
Des victoires devant la Commission
Le travail avec la Commission a présenté et présente beaucoup de défis tout comme il est bénéfique. Des communications soumises au moins une s’est terminée et a conclu que le Zimbabwe a violé les obligations de la Charte. En avril 2006, la Commission a publié des mesures provisoires en rapport avec les évictions forcées, instruisant le gouvernement de prendre des mesures urgentes et appropriées pour apaiser la détérioration générale de la santé des individus souffrant des maladies mortelles qui, à la suite des évictions forcées menées sous Opération Murambatsvina [xxii], manquaient d’accès au traitement anti-rétrovirus, aussi pour assurer que les enfants en âge scolaire ne sont pas privés des opportunités de faire leurs examens de fin d’études, de même que donner l’abri et le traitement médical aux personnes âgées et aux malades.
Alors que les procédures de la Commission continuent de nécessiter des réformes, il est critique de noter avec honneur l’importance de la décision sur l’admissibilité d’une communication. En pas moins de quatre incidents séparés; la Commission a jugé que les communications soumises par le Zimbabwe étaient admissibles. L’effet d’une telle décision fournit une preuve de l’insuffisance des mécanismes et institutions de protection des droits humains au Zimbabwe et l’absence de remèdes efficaces locaux aux violations de droits élaborées dans les communications.
De telles décisions constituent un acte d’accusation à l’endroit du secteur judiciaire de même qu’un indicateur significatif et sans aucune ambiguïté que le secteur judiciaire et le système de livraison de justice au Zimbabwe ne garantissent plus la jouissance des droits humains et des libertés fondamentales universellement reconnus. [xxiv]
Dans la communication 245/02, Zimbabwe Human Rights NGO Forum/ Republic of Zimbabwe, la Commission a fait des recommandations en rapport avec les violations de la Charte concernant la violence liée aux élections de 2000 et 2002, de même que la violence orchestrée au cours de la réforme foncière chaotique. Dans une déclaration, le forum des ONGs a noté que la «Commission a trouvé le Gouvernement du Zimbabwe en violation des articles 1 et 7 de la Charte Africaine. Ceci signifie que le Gouvernement du Zimbabwe avait violé le droit à la protection de la loi et qu’il n’a pas réussi à mettre en place des mesures d’assurer la jouissance de ces droits par les Zimbabwéens. L’endossement de la décision par l’Union Africaine est la reconnaissance par les Chefs d’Etats qu’il y a des violations de droits humains au Zimbabwe »
Ingérence politique et blocage du travail de la Commission
Vu que les organisations de la société civile et de droits humains ont enregistré et célébré de tels succès, le gouvernement du Zimbabwe a élevé son accent sur le travail de la Commission. Il a créé des synergies avec des pays ayant le même esprit qui ont également une histoire moins impressionnante de s’attaquer à la Commission, de bloquer et de se moquer du travail de la Commission.
De telles péripéties de procédures ont causé les retards dans la publication du rapport de la mission d’Etablissement des faits de 2002 de même que la décision sur la Communication 245/05. S’agissant de la Communication 245/05, le gouvernement du Zimbabwe a fait des requêtes à la Commission bien après la fin de toutes les enquêtes et auditions. Il est préoccupant de noter l’agrément et le silence visible des Chefs d’Etats à l’Union Africaine[xxv], qui dans une grande mesure, n’a pas réussi à soutenir la Commission à la lumière des gouvernements qui font des grimaces. De plus, la non-mise en œuvre des recommandations de la Commission demeure une grande préoccupation.
Leçons pour l’Afrique : rien d’appris et rien d’oublié!
La Commission est une création de l’Union Africaine, avec un mandat de faire le suivi, de promouvoir et de protéger les droits tels qu’ils sont repris dans la Charte, la même Charte qui rend obligatoire de mettre en œuvre les mécanismes législatifs et administratifs suivant l’accomplissement des droits que contient la Charte. Conscient du fait que l’ascension à la Charte et aux instruments semblables est un acte volontaire limitant la souveraineté de l’Etat, la Commission assume un statut unique qui ne cherche ni à handicaper les institutions nationales telles que les Cours ni à les remplacer.
Le Zimbabwe a régressé en passant d’un pays que l’on saluait comme le symbole du progrès et du développement à une antithèse de tout principe de développement, d’adhésion aux droits humains, à leur promotion et leur protection. L’importance des institutions supra-nationales dans l’application des normes universelles et régionales de droits humains reste critique, la faiblesse inhérente à ces institutions constitue un acte accusatoire à l’égard des dirigeants du Zimbabwe, et en Afrique. Ça reste la prérogative de tout citoyen progressiste de l’Afrique de sauvegarder ces institutions contre des individus qui se sont attribués les pouvoirs de gouverner, de mal gouverner, de construire et de détruire. S’ils ne sont pas contrôlés et limités par l’invocation des normes universelles célébrées en matière de droits humains, de tels pouvoirs nous conduiront à l’époque du joug et de l’esclavage sous nos yeux. Cette époque sera en effet une époque triste pour l’humanité et l’Afrique.
* Otto Saki est coordinateur de Programmes, intérimaire et gestionnaire des projets, « International litigation and Human Rights Defenders Projects» auprès des «Zimbabwe Lawyers for Human Rights»
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