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Seul le temps dira comment l'Afrique s'engagera avec son nouveau prétendant, le Brésil. Le temps dira aussi si ce nouveau prétendant ou partenaire est à la recherche d’une solidarité et d’une coopération économique reproduisant les relations d'exploitation néolibérales ou s’il cherche à transformer ces relations dans un nouveau modèle socioéconomique qui place la propriété de la production dans les mains des gens ordinaires.

Pambazuka News publie pour la première fois une édition spéciale en trois langues (anglais, français et portugais), et en même temps. Edition spéciale consacrée aux relations entre le Brésil et l'Afrique, dont la première partie est parue dans notre édition de la semaine dernière (http://www.pambazuka.org/fr/).

L’appel à contributions lancé à cette occasion a fait réagir des penseurs et activistes de divers pays, tant sur le continent et que dans la Diaspora. Qu’ils soient du Mozambique, du Ghana, des Etats-Unis, du Brésil, du Burkina Faso ou d'Afrique du Sud.

Cette édition spéciale porte sur des questions allant des relations historiques entre les femmes affranchies et les hommes de retour dans la région du Golfe du Bénin, à l'architecture héritée du Brésil et, dimension plus récente, elle porte sur les intérêts économiques du Brésil, septième puissance mondiale, engagée à éponger les dettes de certains pays africains comme annoncé par la présidente Dilma Rousseff, à l'occasion du sommet du Cinquantième anniversaire de l'Union africaine à Addis-Abeba en mai 2013.

Les analysent portent beaucoup sur ces questions susmentionnées, mais un élément essentiel qui ne devait pas échapper à l'analyse reste la dimension fondamentale de la résolution des conflits raciaux au Brésil. Bien que cette édition spéciale ne porte pas sur les relations raciales, mais sur les relations entre le Brésil et l'Afrique, la question raciale imprègne toute discussion sur le leadership du Brésil en tant que puissance émergente. Le racisme continue d'influer sur la vie des Afro-Brésiliens, de manière ouverte comme de façon secrète, en dépit d'une représentation du pays comme un paradis racial que le Brésil n’est certainement pas.

La réflexion de Patrick Bond dans cette édition met l’accent sur la corrélation entre les manifestations contre la cherté du transport au Brésil (événements qui, ces derniers temps, ont attiré beaucoup d'attention dans la presse nationale) et celles qui ont eu lieu en Afrique du Sud à l'époque de la Coupe du monde 2010.

En Afrique du Sud, les protestations pour de meilleures conditions de vie et des améliorations dans la prestation de services continuent encore, sans que rien n’indique qu’elles vont s'atténuer. Les populations subissent encore les conséquences liées à la construction de stades pour la Coupe du monde 2010, qui ont été de véritables éléphants blancs. L’organisation de la Coupe du monde puis des Jeux olympiques par le Brésil va-t-elle se terminer de la même manière qu'on l’a vue en Afrique du Sud ? Ou Est-ce qu'une mobilisation des forces sociales et politiques progressistes au Brésil va permettre d’éviter l’énorme danger qui guette ?

Erthal Abdenu et Daniel Marcondes De Souza mettent l’accent sur le fait que le Brésil a franchi de grands pas dans la promotion du vote électronique et la coopération judiciaire avec l’Afrique. Mais c’est aussi pour dire que le gouvernement brésilien, sous la présidence de Dilma Rouseff, doit écouter et agir pour renforcer la démocratie sur le continent.

Boaventaura De Sousa Santos Coimbra Coimbra parlent des récentes protestations menées par les mouvements sociaux au Brésil comme étant une immense opportunité pour les forces progressistes en vue de renforcer la démocratie au Brésil. Peut-être que les mouvements progressistes luttant pour la justice sociale en Afrique pourront apprendre de ces mouvements de protestation sociale.

Odomaro Mubangizi insiste sur les zones stratégiques dans lesquelles l'Afrique et le Brésil devraient investir ensemble, à savoir : l'industrialisation, le tourisme, l'agriculture, le développement des infrastructures en particulier d'électricité, les routes, le transport aérien, le développement des ressources humaines et de la coopération Sud-Sud - il semble cependant implicite que cette coopération Sud-Sud est présentée, pour une large part, comme un engagement en faveur des politiques économiques néolibérales où les profits viennent en premier et les gens en dernier.

Garikai Chengu montre comment le Zimbabwe est en passe de tirer grand profit de son engagement avec le Brésil dans des domaines comme l'énergie, l'exploitation minière, l'agriculture ou les politiques de réduction de la pauvreté.

Par contre, si on observe ce qui se passe au Mozambique, avec Robby Peek, on se trouve face à ce qu'il décrit comme «une exploitation néocoloniale en cours» menée par les Brics, dont évidemment le Brésil. Selon lui, les organisations de la société civile engagées dans les questions de justice sociale doivent reconnaître que ce que les Brics font n'est en rien différent d’avec ce que le Nord fait en direction du Sud. Si nous résistons à ces pratiques en provenance du Nord, estime-t-il, nous devons avoir le courage de résister à ces pratiques venant de nos proches des pays du Sud.

Dans le même sens va l'article des Amis de la Terre sur les performances de la société brésilienne au Mozambique, Vale do Rio Doce, ou Vale, qui a été privatisée en 1997 au milieu des protestations et accusations de corruption. Entretenant des liens étroits avec le gouvernement brésilien et en plein essor au Mozambique, où le projet Moatize s'engage dans l'extraction du charbon pour l'exportation, ses effets se font sentir sur les populations locales de la communauté Chipanga qui ont été relogées. Ces dernières sont confrontées à de mauvaises conditions de logement, alors que les travailleurs se retrouvent avec des contrats à court terme et peu de droits. Sans compter que les moyens de subsistance de 8000 pêcheurs s’en trouvent affectés, avec des dommages environnementaux qui montrent combien Vale se soucie peu des références écologiques.

Sommes-nous en train de voir se développer un nouveau colonialisme en provenance du Brésil vers le Sud, c’est-à-dire vers certaines parties de l'Afrique ?

Julius Okoth met l’accent sur le programme «Bourse familiale», en cours d'exécution au Brésil, comme un exemple à suivre par les gouvernements africains concernés par la redistribution équitable des revenus. L'auteur souligne cependant qu'une alliance avec le Brésil ne devrait pas être tissée les yeux fermés, face aux intérêts des sociétés brésiliennes en expansion sur le continent.

Enfin, plusieurs articles de portées historiques nous rappellent la nécessité d'un regard rétroactif sur les interrelations entre le Brésil et l'Afrique, en particulier sur le patrimoine matériel de l'architecture brésilienne venu des rapatriés, qui ont également influé sur l'africanisation du Brésil avec la déportation des esclaves de l'autre côté de l'océan. Les liens culturels forts que les Afro-Brésiliens ont maintenus comme survivance de l'esclavage sont également examinées dans certains de ces articles.

Seul le temps dira comment l'Afrique s'engagera avec son nouveau prétendant, le Brésil. Le temps dira aussi si ce nouveau prétendant ou partenaire est à la recherche d’une solidarité et d’une coopération économique reproduisant les relations d'exploitation néolibérales ou s’il cherche à transformer ces relations dans un nouveau modèle socioéconomique qui place la propriété de la production dans les mains des gens ordinaires.

En plus de ce nouveau modèle économique indispensable, il est nécessaire que les Afro-Brésiliens et les Africains traversent les continents de la même manière que de nombreux Afro-Américains et Afro-Caribéens continuent de visiter le continent africain, et vice versa. La langue (c’est-à-dire les langues coloniales héritées par le Brésil et l'Afrique) ne devrait pas empêcher un tel échange physique de peuple à peuple. Cette interaction pourrait se faire sous la forme de programmes universitaires d’échanges, de collaboration syndicale, d’échanges scolaires, d’échanges entre organisations de producteurs des deux côtés de l'Atlantique, en plus des visites touristiques.

Tout ce qui précède doit être partie intégrante de ce qui va forger d’authentiques relations Sud-Sud orientées vers les peuples, pour une plus grande compréhension de la culture et de la justice sociale et économique.

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** Alyxandra Gomes Nunes est l'éditeur pour l'édition portugaise de Pambazuka News - Ama Biney (Dr) agit rédacteur en chef de Pambazuka News

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