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Les 9 et 16 mars 2008, les élections municipales et cantonales vont décider du renouvellement des conseillers municipaux et généraux en France. Au cours de ces élections, un certain nombre de candidats appartenant aux populations noires et membres des partis politiques (PS, UMP, Modem, PC, FN, Verts, LCR …) seront soit têtes de liste, soit membres des listes présentées par les partis politiques. Cette présence sur les listes, ils ne la doivent qu’à eux-mêmes, à leur implication et à leur résistance dans le combat politique en France.

La plupart des dirigeants des fédérations et associations noires utilisent le discours de la représentation et de la participation politique des noirs uniquement pour leurs propres intérêts et non pour la promotion des noirs de France. Trop souvent, la plupart de ces fédérations et associations se satisfont d’images et de situations de Noirs en politique venues d’ailleurs surtout des Etats Unis. On a l’habitude de transposer en France sans intelligence et sans méthode et modération la situation des noirs américains en politique.

C’est le cas pour la victoire de Barack Obama dont je me félicite pour le cas américain, car Obama s’est imposé le 3 janvier 2008 dans les caucus de l’Iowa avec 38 % des votes en sa faveur chez les démocrates. Ce vote le place devant John Edwards (30 %) et devant sa principale concurrente Hillary Clinton (29 %). Certains dirigeants d’associations et fédérations noires de France se félicitent de cette victoire (qui est une fierté pour nous en tant que Noirs, même si ces mêmes fédérations et associations préfèrent s’abriter derrière le mot diversité pour parler des noirs dans la société française) et demandent aux partis politiques de faire de la place aux Noirs dans la composition des listes.

Allons jusqu’au bout du raisonnement : il faut donc des quotas pour les Noirs. Quels sont les thèmes que les noirs vont défendre, si c’est le cas, pendant la campagne électorale ? Le problème est que ces mêmes associations refusent les quotas pour les Noirs tout en demandant que l’on fasse quand même la place aux Noirs et qu’on les aide à émerger en politique. Nous sommes en pleine schizophrénie et les dirigeants d’associations et fédérations noires n’aident pas beaucoup les populations noires à exister politiquement en France.

Il y a le discours sur l’intégration des Noirs en France, sur la lutte contre les discriminations nécessaire et puis il y a la pratique sur le terrain qui montre l’éloignement de ces associations et fédérations vis-à-vis des populations dont elles prétendent être le porte-parole. Nous sommes là au coeur d’un problème central de la représentativité des noirs au sein de la vie politique française.

Esquissons quelques éléments d’analyse pour éviter que les dirigeants des fédérations et associations s’attribuent un rôle qu’ils n’ont pas au regard de la participation des Noirs dans la vie politique française. Cette participation est minoritaire, tous partis confondus. Elle est le fait d’actes individuels et non d’une conscience plurielle qui émanerait d’associations ou de fédérations au nom de la diversité. Les partis politiques comme l’UMP ou le PS ont créé des commissions Diversité.

Ces commissions Diversité ne sont que des postures de présentation et ces postures sont ouvertement soutenues par les dirigeants des associations et les fédérations noires uniquement pour des raisons relatives à leur propre promotion, car ces deux associations et fédérations, au-delà du discours et des communiqués de presse, ne disposent d’aucun agenda, d’aucun mandat, d’aucune stratégie concrète ni moyen financier réel et déclaré pour la promotion des Noirs au sein des partis politiques en France, la seule stratégie étant : il faut participer à la vie politique française. Avouez que c’est un peu mince et cette minceur est étoffée par le recours à une nostalgie perdue qui, dans les années 1940 et 50 a vu la participation de Houphouët Boigny, de Senghor et de Gaston Monnerville, président du Sénat de 1959 à 1968.

Ces dirigeants d’associations et de fédérations noires ont compris que pour exister il fallait du « bruit institutionnel » pour interpeller les dirigeants des partis politiques français. C’est regrettable et dommageable pour les dirigeants d’associations noires qui n’ont pas compris que le « bruit institutionnel » est peut-être une bonne chose mais que l’organisation actionnelle sur le terrain doit être la référence. Combien de fédérations et d’associations sont-elles prêtes à travailler avec les candidats issus, selon elles, de la diversité pour le «tractage», le «phoning» et les participations aux réunions locales ? La réponse est aucune, car au-delà du discours et du verbiage sur le bruit institutionnel autour de la diversité, les dirigeants des fédérations et associations noires passent beaucoup plus leur temps à s’entredéchirer, à s’ostraciser et à imiter le maître blanc français qu’ils critiquent.

On peut s’étonner de ce qu’il se passe aujourd’hui au Kenya. Vous me direz où est le lien avec la situation des Noirs en France. Réponse : l’incapacité conceptuelle et pratique des dirigeants des populations noires en général et africaines en particulier à travailler ensemble au-delà des discours et à s’approprier les mérites qui sont d’abord individuels. Quels que soient les résultats des élections municipales et cantonales des populations noires, les 9 et 16 mars 2008, une chose est sûre : les fédérations et associations au travers de leurs dirigeants n’ont nullement contribué à l’impulsion et au choix de ses candidats par les partis politiques.

Il sera toujours possible pour ces dirigeants de s’attribuer, à la fin de la campagne, des victoires ou des défaites des représentants de populations noires pour s’en glorifier ou pour dénoncer comme à l’habitude les discriminations en cas d’échec … jusqu’aux prochaines élections. Notez que pour certains de ces dirigeants, échec ou pas, c’est une manière de se réaliser professionnellement, de vivre et de continuer à exister sur le dos de leurs compatriotes au nom de leurs propres intérêts et sous couvert de la défense collective et médiatique des populations noires de France et en France.

* Lucien Pambou est candidat investi par l’UMP aux cantonales à Alfortville, en France, à l’occasion des élections cantonales et municipales des 9 et 16 mars

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Cet article est aussi paru sur le site Grioo.com