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L’esprit de Nkrumah et du Pan-africanisme vit toujours au Ghana aujourd’hui à travers ses différentes lois sur la citoyenneté. Le Ghana est le premier pays africain qui offre le droit au retour et au séjour indéfini pour les Africains de la diaspora. Le gouvernement a aussi récemment voté une loi donnant aux Ghanéens de la diaspora le droit de vote.

Pendant que nous commémorons le Ghana à 50 ans, n’oublions pas le père fondateur du Ghana, Kwame Nkrumah et sa notion de pan-africanisme. Kwame Nkrumah a poursuivi l’indépendance politique du Ghana et s’est engagé pour les luttes contre la domination étrangère dans d’autres colonies africaines. Il a cimenté les liens Arabes-Africains à travers des amitiés spéciales avec le dirigeant égyptien Gamar Abdel Nassar. Il a bien accueilli les combattants pour la liberté de l’Afrique tels que Malcolm X, W. E. Dubois, et George Padmore. Il a créé une station radio continentale (le Service Extérieur de Radio Ghana), qui a contribué à alimenter la lutte de libération en Afrique. Pour y arriver, Kwame Nkrumah a eu la vision de la citoyenneté pan-africaine de tous les peuples d’Afrique.

50 ans plus tard, le Ghana continue la vision de Kwame Nkrumah dans ses généreuses lois sur la citoyenneté qui contiennent des dispositions donnant un domicile permanent aux peuples de descendance africaine. En 2000, le Ghana a introduit le Code de Lois sur la Double Nationalité « Dual citizenship Act 2000 » grâce auquel un citoyen du Ghana pourrait avoir la citoyenneté de tout autre pays en plus de sa citoyenneté ghanéenne. Une personne d’origine non-ghanéenne pourrait aussi faire la demande de citoyenneté ghanéenne par enregistrement si elle a la résidence ordinaire au Ghana, et par naturalisation si elle a apporté une contribution remarquable au progrès ou à la promotion d’un domaine donné de l’activité nationale.

Cependant, les critiques de la loi relèvent le fait que le Code de Lois 2000 avait pour intention de récompenser les Ghanéens de la diaspora qui ont acquis une autre citoyenneté mais qui contribuent grandement au développement national du pays. En effet, suivant la promulgation de la loi, Dr. Addo-Kufuor, alors ministre intérimaire de l’Intérieur a expliqué que les Ghanéens non-résidants avaient transféré 400.000.000 dollars EU chaque année pour relancer l’économie du Ghana contre les contributions de l’Investissement Direct Etranger, qui , de 1994 à 2002 avait contribué 1,6 million de dollars EU, ou à peu près 200.000.000 dollars EU. En effet l’acquisition de la nationalité ghanéenne par enregistrement et par naturalisation est sujette à l’habileté de parler et comprendre une langue vernaculaire ghanéenne.

Néanmoins, le Ghana est la première nation africaine à donner le droit de retour et de séjour indéfini aux Africains de la Diaspora. Sous la Section 17(1)(b) de la Loi sur l’Immigration, l’Acte 573 de 2000, le Ministre pourrait accorder « le droit de demeure » à une personne de descendance africaine de la diaspora avec l’approbation du Président. Certains disent que cette disposition visait à réveiller les Africains Américains riches qui sont retournés au Ghana depuis son indépendance et pris la résidence dans le pays, et à récompenser ceux qui contribuent à la prolifération de l’industrie touristique.

Malgré les contestations et les points faibles, toutes ces réalisations indiquent la persistance, le dur labeur et l’esprit pan-africain du gouvernement ghanéen, du parlement ghanéen, des Ghanéens ordinaires, et des Ghanéens et autres gens africains de la Diaspora. L’année dernière, le parlement ghanéen a répondu positivement au lobbying des Ghanéens de la Diaspora en adoptant la Loi appelée « Representation of the People Amendment Bill -ROPAB) qui leur a garanti le droit de vote aux élections nationales.

En décembre 2008, les Ghanéens de la diaspora vont voter pour la première fois durant les élections présidentielles à travers les urnes pour les absents. Leur prochaine action consiste à la mise en cause, à travers les tribunaux ghanéens, d’une disposition se trouvant dans l’Acte de Loi sur la Citoyenneté 2000, qui interdit aux Ghanéens qui ont acquis la citoyenneté d’un autre pays de présenter leur candidature à des postes officiels au Ghana. Vers la fin de cette année, le même groupe qui travaille avec l’institution Benjamin Afrifa of the Africa Federation, Inc. a l’intention de lancer une station TV africaine qui émettra à partir des Etats-Unis. La station TV va émettre sur les affaires de la diaspora africaine de même que sur les affaires continentales. Enfin, les Ghanéens espèrent continuer de porter le flambeau de Kwame Nkrumah, et d’influencer les autres Africains de la diaspora pour qu’ils s’engagent pleinement dans les affaires de leurs propres nations.

J’espère que tous les pays africains vont suivre le mouvement en nous permettant le libre accès à notre continent sans restriction de visas et sans humiliation administrative. Il est vrai que certains pays africains ont embrassé le pan-africanisme de Kwame Nkrumah et garanti la citoyenneté à des immigrants africains ou à des réfugiés. Par exemple, la Tanzanie a garanti la citoyenneté aux réfugiés burundais au début des années 1990 et offert un séjour à long terme à beaucoup de combattants pour la liberté en provenance du Mozambique, de l’Afrique du Sud et de l’Ouganda. Le Sénégal a étendu la citoyenneté aux réfugiés mauritaniens chassés de leur pays natal en 1989. Ces gestes d’accueil en faveur des Africains comme citoyens dans les autres pays africains doivent être reconnus et encouragés à travers l’Afrique.

C’est dommage que, dans la plupart des Etats africains, nous continuons de rencontrer et de faire l’expérience de lois peu commodes sur la citoyenneté et sur l’immigration au nom de la « sécurité nationale ». Beaucoup de pays gardent toujours en effet des lois héritées des régimes coloniaux qui soit ont séparé les nations à travers les frontières ou considéré des Africains comme des étrangers sur leur propre continent. Il est souvent plus facile d’entrer dans un pays africain en portant un passeport européen ou nord-américain que, disons, un passeport ougandais.

Par exemple, le Sénégal, qui se fait voir comme la « Terre des Teranga » garde toujours la loi d’immigration héritée des Français, loi qui rend difficile l’entrée aux Africains portant un passeport des pays qui ne sont pas de la CEDEAO. Ceci ne veut pas suggérer qu’un Sénégalais n’a pas besoin de visa pour entrer en Ouganda, cependant, le processus est moins sophistiqué en particulier pour les visiteurs africains. Pourquoi un pays qui a lutté pour se débarrasser du régime colonial garde-t-il toujours une loi coloniale comme une loi nationale? Pourquoi nous en Afrique n’avons-nous pas de traitement préférentiel les uns pour les autres en tant que membres de l’Union Africaine, à l’instar de ce qui se fait au sein de l’UE ou aux Etats-Unis? Ou bien le mouvement à l’intérieur de l’Afrique est-il un droit uniquement pour les diplomates africains, européens et nord-américains?

Pour commencer, nous pourrions abolir les régimes de visa pour les Africains en préférence des arrangements régionaux semblables à celles de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est (EAC). Nous pourrions également suivre l’arrangement de l’EAC et octroyer des passeports de l’Union Africaine à tous les peuples d’Afrique, du continent africain et de la diaspora de l’Afrique. Ceux qui s’opposent aux frontières libres donnent l’argument comme quoi les gens vont migrer en masse de leurs domiciles/régions où il y a des difficultés économiques et rester indéfiniment dans les pays où il est plus facile de vivre si les frontières sont rendues plus perméables. Cependant, les preuves au sein de la CEDEAO, l’EAC ou l’UE illustrent que là où les frontières sont ouvertes aux membres de la communauté, les gens font des va-et-vient. Chaque jour, des Ougandais, des Kenyans, des Guinéens, des Sénégalais et d’autres personnes au sein de la communauté de l’EAC et de la CEDEAO bougent entre les frontières et rentrent librement à leurs lieux de résidence permanente. En fait, les plus grands pan-africanistes sont les communautés frontalières engagées dans des activités socio-économiques et culturelles quotidiennes à travers les frontières, tels que les Masaai le long de la frontière Kenya-Tanzanie, les Peulh le long de la frontière Sénégal-Mauritanie et les Luo à la frontière Ouganda-Soudan.

Cependant, une crainte du voisin guide les politiques d’immigration et de citoyenneté sur une plus grande partie de l’Afrique. Les commerçants zimbabwéens qui voyagent à travers la frontière vers le Botswana sont assujettis à des restrictions strictes de visa d’entrée et à des frais élevés même si les deux pays sont des Etats membres de la Communauté pour le Développement de l’Afrique Australe (SADC). Cette tendance, même si elle n’est pas unique, est particulièrement dérangeante quand on vient du Botswana dont le développement économique doit beaucoup au nombre immense de professionnels africains qui ont vécu et travaillé au Botswana pendant plusieurs années. Beaucoup de gens se voient toujours refuser le droit à la citoyenneté suite à des lois injustes sur la résidence qui garantissent un séjour à court terme avec à peine la chance d’être qualifié pour la résidence légale permanente. De façon semblable, beaucoup d’Africains dont les ancêtres furent pris pour aller être des esclaves en Europe et dans les Amériques ont exprimé leur déception quant à être exclus des nouveaux régimes de double nationalité en vogue en Afrique.

Alors que les Présidents africains appellent les Africains vivant dans la diaspora à participer au développement national, la motivation est accordée à ceux « qui sont partis librement », contrairement à ceux dont les ancêtres furent vendus pour devenir des esclaves. D’autre part, il y a des sentiments parmi les Africains sur le continent selon lesquels il est possible d’être un « national » sans être un citoyen, et que ce dernier statut devrait être réservé à « ceux qui sont restés derrière » qui sont en train d’œuvrer pour le développement national. Par exemple, Oteng-Attakora, un écrivain ghanéen, soutient que même si les Ghanéens se trouvant dans la diaspora ont des liens familiaux et que leurs propriétés transférables pourraient alléger la peine d’un petit nombre de chanceux, ils ne payent pas les taxes ni ne créent des emplois susceptibles de contribuer à la construction nationale.

En définitive, les Etats africains devraient suivre l’exemple d’Israël qui encourage et en fait sollicite auprès de toutes les personnes d’héritage juive d’immigrer en Israël et soutient le rassemblement de ses exilés. L’Union Africaine pourrait aussi financer une tournée annuelle de l’Afrique (comme le fait Israël pour sa diaspora juive) en vue de visiter la terre natale. Si on le leur demande, les Africains de la diaspora intéressés vont financer leurs propres voyages en terre natale, comme le prouvent les voyages en cours à la Côte du Cap au Ghana, à l’île Gorée au Sénégal et ailleurs où les gens rentrent et font des tournées.

Il est certain que la diaspora de l’Afrique a un rôle à jouer, non seulement en faisant du lobbying en faveur des droits politiques mais aussi en contribuant au développement national et à la promotion des affaires africaines. Aussi longtemps que nous en tant qu’Africains nous ne nous aurons pas valorisés les uns les autres et n’aurons pas confiance les uns envers les autres, nous ne pouvons pas demander aux autres pays, en particulier ceux de l’ Europe, de l’Asie et des Amériques, de nous valoriser. VIVA OSAJEFO!

* Doreen Lwanga est une pan-africaniste et une Erudit de Citizenship and Security in Africa (Citoyenneté et Sécurité en Afrique). Elle peut aussi être atteinte à l’adresse [email][email protected]

* Cet article a d’abord paru dans l’édition anglaise de Pambazuka News n° 294 du 7 mars 2007. Voir :

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