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L’annonce, le lundi 10 mars dernier, de la libération de 25 otages capturés entre juin 2007 et janvier 2008 par le Mouvement des Nigériens pour la Justice (MNJ), avait donné l’espoir à nombre de Nigériens de voir enfin nouer les fils du dialogue entre les belligérants. Pourtant, les lendemains ne semblent guère enchanteurs. Six jours plus tard (dans la nuit du 16 au 17 mars 2008) et comme pour justifier cette positon , une colonne de rebelles attaque le poste militaire de Banibangou, une localité située dans le Nord ouest du pays, à 230 Km de Niamey.

Le mouvement rebelle a annoncé sur son blog que le bilan du raid est de 3 morts parmi les forces de défense et de sécurité et un gendarme fait prisonnier ; le reste, dit-il , aurait pris la fuite. Le gouvernement qui a confirmé mardi dernier cette attaque a reconnu la mort de deux soldats mais aussi de nombreux morts et blessés dans les rangs des " malfrats " qui auraient pris la fuite vers un pays voisin et promet de les mettre hors d’état de nuire. Des communiqués de guerre par lesquels chaque partie manipule l’information à sa guise mais qui attestent au moins d’une chose : pour l’Etat du Niger, le défi sécuritaire reste à relever.

En octobre 2007, lors d’une conférence de presse à Paris, le ministre de la Communication, porte parole du gouvernement, soutenait avec vigueur que " l’Etat du Niger ne négociera pas avec des bandits armés. Le gouvernement prendra toutes les dispositions pour les anéantir disait il… ". Cette fermeté de ton qui marque l’option guerrière du pouvoir en place ne s’est pas jusque là accompagnée d’une action militaire de large envergure qui mettrait fin au conflit armé. Aujourd’hui, la moitié du pays (la région d’Agadez couvre une superficie de 900000 km2 sur les 1267000 Km2) qui est le théâtre du conflit et se trouve placée depuis août 2007 sous une mesure gouvernementale de mise en garde, est en train de connaître une situation sociale et économique désastreuse. Le tourisme, l’élevage et les cultures maraîchères qui apportaient naguère des milliards de francs à l’économie de la région et du pays sont quasi inexistants. Rien que la filière de l’oignon rapportait habituellement 7 milliards de francs CFA aux populations.

A ce désastre s’ajoute le déplacement massif des populations civiles qui fuient la zone du conflit. De sources concordantes, plus de 3000 personnes ont quitté les communes d’Iférouane et Gougaram, pour se réfugier loin dans le massif de l’Air pour certains, à Timia, Arlit et Agadez pour d’autres. Ces personnes qui ont abandonné leurs maisons et leurs biens se trouvent dans une situation alimentaire et sanitaire préoccupante aggravée par l’accès difficile de l’acheminement de l’aide humanitaire mobilisée par certaines associations, Ong et organismes.

Malgré ces difficultés, le Programme alimentaire mondial (PAM) a pu planifier, de concert avec le gouvernement, à travers la Cellule de prévention et de gestion de crise alimentaire, une distribution gratuite de 568 tonnes de vivres à Agadez ainsi qu’une ration journalière complète pendant 90 jours pour les réfugiés venus d Ingall, d’Iférouane, d’Aderbissinat, Dabaga, Gougaram, Tchirozérine, Tabelot et Timia.

La situation des autres réfugiés qui sont restés dans des zones reculées est critique. Elle fait planer le risque d’une crise humanitaire. Or, dans sa tentative de minimiser l’impact du conflit, le gouvernement refuse toute médiatisation de cette aide aux populations éprouvées et encore moins le qualificatif de « réfugiés » ou de « personnes déplacées », alors même que dans pareilles circonstances ces termes sont les plus appropriés.

Le sort de ces populations civiles prises en otage depuis plus d’un an, par un conflit dont elles ne sont pas les architectes, n’a pas été véritablement au centre des préoccupations de la classe politique nigérienne. Le Conseil de dialogue politique qui est un cadre consensuel, n’a pu récemment dégager une position commune en faveur d’un règlement négocié du conflit. Pour toute " solution ", il a envisagé, à moyen terme, un forum national sur la paix à l’issue duquel on pourrait faire le choix de l’alternative : faire la paix ou poursuivre la guerre. S’il s’était agi d’aller chercher des voix, ces partis auraient, bien entendu, la langue mielleuse pour promettre monts et merveilles à ces pauvres hères. A présent que, dans leur détresse, ils appellent au secours, on les laisse à eux-mêmes, rares étant les figures politiques à évoquer leur sort et à s’y impliquer.

Pourtant, l’urgence de la nécessité d’un retour rapide du Niger à la paix s’impose. Il est bien connu qu’il ne peut y avoir de développement économique ni politique sans cette paix. L’on ne peut donc, par exemple, organiser dans les délais les élections présidentielles et législatives de 2009. Ni initier et poursuivre des programmes porteurs pour les populations. Ce conflit dans le Nord doit interpeller la conscience de toutes les bonnes volontés, où qu’elles soient, afin que reverdisse enfin le désert.

Le président Tandja dont le deuxième et dernier mandat expire en décembre 2009 doit impérativement prendre la mesure de tous ces défis. Cela pour éviter avant de partir de faire comme ce valet de chambre qui, voyant le château de sa patronne en flammes, appelle celle-ci pour lui dire " A part votre château qui brûle, tout va bien, Madame la Marquise !".

* Albert Chaibou est directeur de publication de l'hebdomadaire privé 'Le Démocrate',

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