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Le HCR, Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, est une organisation humanitaire qui a pour vocation d’assister et de protéger les réfugiés. Mais dans bien des pays africains les approches de son personnel tranchent avec sa mission. A Alger, capital, sa représentation rend la condition de réfugié très précaire. Reportage !

A Alger, l’impasse qui mène vers le bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) et l’entrée à l’enceinte de cette agence onusienne sont bien gardées. Deux policiers en faction, dont l’un armé d’un ‘’Kalach’’ prêt à faire feu, font un tri sans merci. Ne sont admis à se rendre vers le bureau du HCR que des réfugiés dont les noms figurent sur une liste généralement d’une dizaine de personnes. ‘’Ceux qui n y figurent pas quelque soit la nature de la situation qui les a amenés là - maladie, cas de décès ou autre urgence - sont systématiquement rudoyés’’, déplore un réfugié malien qui, depuis deux semaines, passe la nuit à la belle étoile et tente en vain d’attirer l’attention du HCR sur sa situation.

Passé le tri musclé des hommes en uniforme, il faut ensuite se diriger vers la porte noire surélevée de l’enceinte aux murs hauts qui lui donne l’air d’une forteresse. Là, des vigiles, de bleu vêtus, se signalent. ‘’Le nom !’’, tonne l’un d’entre eux à l’endroit de chaque convoqué, en lui enjoignant de se mettre debout à côté de la porte en attendant l’avis d’un autre préposé à la sécurité. Une attitude que ne digèrent que peu les réfugiés. ‘’Ce protocole est trop lourd’’, vocifère un Camerounais, candidat malheureux à l’immigration vers l’Europe qui a dû se rabattre sur le HCR pour disposer du certificat de demandeur d’asile qui assure quelques mois tranquilles en Algérie. Un impair qui n’est pas sans conséquence dans la perception du réfugié, souvent assimilé au ‘’haraga’’ (migrant).

Quand, finalement, la hiérarchie du HCR donne le feu vert pour qu’une personne accède à l’enceinte, sa misère est loin d’être terminée. ‘’Quand ils donnent l’ordre pour que nous entrions, les vigiles procèdent à la fouille d’une façon qui laisse à désirer’’, assène une réfugiée ivoirienne. Ils vous font vider les poches, vous retirent le téléphone, fouillent votre portefeuille et scrutent d’autres objets en votre possession avant de vous palper le corps dans tous les sens et de garder vos biens que vous ne reprenez qu’à la sortie’’. Une fois à l’intérieur, après une vingtaine de minutes passées débout devant la porte, ceux qui y sont autorisées sont orientées vers une minuscule salle d’accueil où on se serre comme on peut.

FAIRE LANGUIR, ILS AIMENT ÇA !

Dans la salle d’accueil, la dizaine de convoqués devisent sans se soucier de la présence des vigiles par trop indiscrets. La majorité ici est constituée des Camerounais migrants venus d’Oran ou vivant à Alger qui n’ont pas réussi à émigrer vers l’Europe par des voies illégales. Il y a aussi trois Ivoiriens, trois Touaregs maliens et un journaliste congolais qui s’est retrouvé en Algérie contre son gré.

A une Ivoirienne venue se faire enregistrer au HCR après un séjour tumultueux au Mali, qui veut savoir combien de temps l’opération peut prendre, un Camerounais habitué de la maison rétorque : ‘’Généralement, on arrive ici à 9 heures, mais on ne repart qu’à 18 heures’’. Tout ce temps rien que pour se faire enregistrer là ou, dans d’autres bureaux du HCR en Afrique, ça ne prend pas plus d’une heure.

Après plus de deux heures d’attente, un agent du HCR fait irruption dans la salle, une pile de formulaires en mains. ‘’Je suis monsieur X, je vais vous faire enregistrer’’, lance t-il à l’attention de l’auditoire. Puis aussi soudain qu’il est entré, il ressort pour ne revenir que deux heures plus tard. ’’Ils ne sont jamais pressés et s’en foutent de savoir si les gens ont d’autres chats à fouetter’’, observe un réfugié qui doit être conduit à la Croix Rouge pour régler un problème. ‘’Mais, s’empresse t-il d’enchaîner, ici, il ne faut surtout pas rouspéter car les vigile, qui épient les faits et gestes des gens, rapportent aux agents du HCR’’. Des vigiles qui sous d’autres cieux n’ont pas le droit de se mettre dans la salle d’accueil des réfugiés.

Une heure après, accompagné d’une collègue, Monsieur X réapparait et à la hâte distribue les formulaires qui donnent droit à l’enregistrement. ‘’Remplissez ces formulaires selon mes explications’’, intime t-il. Mais, après avoir rempli leurs formulaires, les réfugiés doivent attendre encore longtemps pour la relecture : une opération saugrenue. ‘’Je vous ai dit que nous ne sortirons pas d’ici avant 18 heures’’, remarque un Ivoirien. ‘’Ils aiment faire languir les gens’’. Et, comme dit par cet Ivoirien qui connaît bien le bureau du HCR Alger, c’est à 18 heures, finalement, que les convoqués quitteront le HCR après une séance de relecture sans utilité et des cafouillages au niveau de l’établissement de demandeur d’asile, un sésame pour des migrants qui profitent des privilèges destinés aux réfugiés.

L’HUMANITAIRE AU RABAIS

Les incongruités de la journée d’enregistrement sont loin d’être la seule aberration dans le fonctionnement du HCR à Alger. Le sens de sa mission qui est d’‘’assister et protéger les réfugiés’’, est aussi équivoque. ‘’Un vrai réfugié dans la difficulté est systématiquement abandonne à lui-même par le HCR’’, déplore un réfugié qui a passé plusieurs mois à la belle étoile faute de logement. ‘’Ils nous obligent à nous débrouiller comme les migrants alors que ces derniers font partie des réseaux et n’ont besoin du HCR que le certificat de demandeur d’asile’’.

Mais au HCR, on se défend de ne pas accomplir sa mission. Un agent qui a requis l’anonymat soutient : ‘’Nous ne pouvons pas assister les gens avant que leur statut ne soit déterminé parce que nous avons affaire à des gens qui traversent plusieurs pays avant d’arriver en Algérie’’.

Cet argument ne convainc pas. Car le HCR Alger sait que les migrants ne sont pas des réfugiés, mais leur offre l’opportunité de se faire enregistrer comme demandeur d’asile. ‘’Cet acte, selon un militant algérien des Droits de l’Homme, est porteur de préjudice pour le statut de réfugié qu’il dénature’’. C’est le cas de le dire, car en faisant enregistrer des migrants notoires, parmi lesquels des trafiquants, des criminels connus de la police algérienne et des escrocs, le HCR fait du réfugié un paria. ‘’Bien des migrants qui obtiennent indûment le certificat de demandeur d’asile sont en plus des délinquants et des trafiquants’’, relève M.N, un réfugié d’un pays ouest africain en guerre. ‘’Comment voulez-vous que ce document soit respecté ?’’, enchaîne t-il.

Du fait de cet amalgame, les réfugiés vivent une situation difficile. ‘’Lorsque il y a un contrôle de police, même si vous présentez le certificat ou le statut de réfugié, les policiers n’en font nullement foi’’, regrette un réfugié malien. Ils vous embarquent et vous amènent au commissariat où ils procèdent d’abord aux vérifications et où, très souvent, vous passez la nuit au violon’’. Pour un officier de police algérien, la police accomplit sa mission comme il se doit. ‘’Comment voulez-vous que nous agissions quand certains porteurs du certificat du HCR sont des abonnés de commissariats et prison pour divers crimes ?’’, interroge t-il. ‘’Finalement, être réfugié en Algérie revient à être un ‘’haraga’’ aux yeux de nos hôtes algériens qui ne savent pas distinguer l’un et autre’’, regrette un autre réfugié qui a passé plusieurs jours en prison pour défaut de papier alors qu’il était détenteur d’un certificat de réfugié.

CE TEXTE VOUS A ETE PROPOSE PAR PAMBAZUKA NEWS



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** Mohamed Mboyo Ey’ekula est journaliste

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