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L’interlocuteur le plus privilégié des dirigeants de nos pays a toujours été, et demeure, les bailleurs, avec en tête de file la Banque mondiale. Pas les citoyens, pas les électeurs. Sa part de responsabilité dans notre déclin économique ne peut être occultée. Elle qui n’a fait qu’affaiblir nos Etats, avec ses agences d’exécution, entre autres, et sa favorisation historique de l’Etat centrale plutôt que des collectivités décentralisées.

La lecture du rapport de la Banque Mondiale sur les enjeux du développement à Madagascar est une tâche ardue. Au lieu de me propulser à quelconque sursaut, ça a eu l’effet de me donner un sentiment d’impuissance tout à fait déprimant, tellement la tâche qui nous attend semble herculéenne, voire impossible. Comment remonter l’échelle, de la presque dernière marche du bas, pour atteindre, ne serait-ce qu’à la 100ème place sur 155 pays du monde (pour lesquels les données sont disponibles), et cela en une génération si possible ?

Tout milite contre nous : une population trop pauvre et mal éduquée pour être productive, encore moins pour se soucier de la politique ; des politiciens qui ne convoitent les sièges que pour le pouvoir d’octroyer, d’autoriser, de décréter, de bloquer, de redresser et surtout de collecter les « sauces » correspondantes ; des infrastructures insuffisantes ; un retard (par rapport à combien de pays cités dans le rapport et avec lesquels on était compétitif en 1960 ?) qui semblerait irréparable et insurmontable ; et notre « exception culturelle malgache » qui semblerait être un important frein à la modernisation et au progrès.

Je note les efforts de neutralité dans le rapport sur les années du premier quinquennat de Ravalomanana (le deuxième étant maintenant perçu par ces bailleurs comme plus « problématique »). Des améliorations indéniables, semblerait-il, dans presque tous les domaines des indices au développement, entre 2003 et 2008, mais « point-point-point ». Personne ne veut reconnaître que des efforts ont été entrepris pour monter de la dernière marche vers la troisième avant dernière marche, mais que ça n’a pas marché. Pourquoi ? Quel diagnostic des raisons pour lesquelles l’élan fut brisé (autre que celles inlassablement répétées sur le caractère de Ravalomanana lui-même)? Pourquoi et qui nous dit que le prochain réussirait mieux ? Qu’est ce qui aura changé entre 2009 et aujourd’hui pour éviter que les prochains dirigeants ne tombent pas dans le même piège, ne s’écrasent pas contre le même mur, n’arrivent pas tous seuls, du jour au lendemain, à re-inverser la courbe de la régression entamée dès 1960? En court, sur quel espoir reposer ?

La réponse, étonnamment, c’est apparemment : nous. Pour assurer une meilleure gouvernance. Pour exiger que les politiciens nous écoutent. Pour responsabiliser ces dirigeants. Je m’en étonne parce que, après tout, l’interlocuteur le plus privilégié des dirigeants a toujours été, et demeure, les bailleurs, avec en tête de file la Banque mondiale. Pas les citoyens, pas les électeurs.

Quelle est pourtant sa part de responsabilité dans notre déclin économique et qu’a-t-elle appris avec ces crises ? Ramenons James Bond à Madagascar et posons-lui la question. De tous les ingrédients nécessaires au développement, de toutes les solutions proposées, lesquelles sont les mêmes qu’avant et lesquelles sont nouvelles? Lesquelles sont systémiques et lesquelles purement conjoncturelles (sont-elles séparables ?) ? Quelles erreurs avez-vous faites et comment les corrigerez-vous ? Car la responsabilité de cette faillite est partagée.

Je ne cherche pas à disculper la classe politique, loin de là. Mais en lisant, je me demandait presque sans cesse : « oui, mais comment ? ». Nous sommes tous d’accord sur le constat, presque tous d’accord sur le pourquoi et l’objectif, mais maintenant le comment ? Sachant que le plus dure c’est de renforcer l’Etat pour qu’il soit performant et facilitateur, Etat que la Banque Mondiale n’a fait qu’affaiblir avec ses agences d’exécution entre autres et sa favorisation historique de l’Etat centrale plutôt que des collectivités décentralisées.

Sachant aussi que le plus dur c’est la construction de l’«infrastructure humaine et intellectuelle » en même temps que l’infrastructure dure de base, mais ça prend du temps et c’est difficile de construire le long terme avec l’approche projet. Institution building ne se limite pas au bâtiment, préféré par l’aide au développement, car quantifiable et mesurable. L’école est bien belle mais quel type d’élève produit-elle ? Le palais de justice est bien beau, mais quelle justice rend-il ?

Grâce à la révolution technologique, il n’est plus nécessaire de visiter la librairie du groupe de la Banque Mondiale à Washington pour obtenir et lire les quelques rapports que cette institution publiait. Maintenant, on peut y accéder en ligne (pas encore à tout mais, bientôt, on espère, à tout). Heureusement, car il s’agira non seulement de suivre (pour responsabiliser) nos dirigeants, mais aussi leurs partenaires premiers et privilégiés : les bailleurs....

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** Sahondra Rabenarivo
est Sahondra Rabenarivo, juriste et membre du Sefafi (Observatoire de la vie publique)

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