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Dans le sillage de l’imposition de la zone d’exclusion aérienne sur la Libye par l’OTAN le 31 mars, il y a de sérieux doutes à propos du déni du Pentagone aux Etats-Unis, quant à l’utilisation d’uranium appauvri, écrit Farouk James. Suite à la demande des Etats-Unis, de la France et de la Grande Bretagne pour une invasion, écrit James, le pouvoir de veto des membres permanents du Conseil de Sécurité doit être une fois de plus remis en question.

Dans la nuit du 17 mars 2011, au cours de sa 6498e session, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a adopté la Résolution 1973 (UNSCR-1973), approuvant ‘une zone d’exclusion aérienne sur la Libye’, autorisant tous les mesures nécessaires à la protection des civils par un vote de 10 voix pour et de 5 abstentions.

Il est intéressant de noter que parmi ceux qui se sont abstenus, il y avait deux membres permanents qui ont le droit de veto et trois Etats non permanents (Le Brésil, l’Allemagne et l’Inde), lesquels, soit dit en passant, visent un siège permanent au Conseil de Sécurité. Plus intéressant encore, le fait que les cinq membres du Conseil de Sécurité, qui font partie d’un grand groupe connu sous le nom de BRICS (Le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud), étaient tous au Conseil de Sécurité en même temps, une coïncidence pour le moins troublante.

L’OTAN s’est chargé de la zone d’exclusion aérienne sur la Libye le jeudi 31 mars 2011, en dépit des divisions internes parmi les membres de l’organisation, notamment la Turquie et l’Allemagne, et les bombardements journaliers n’ont cessé depuis lors. La Résolution 1973 a fourni le cadre légal et politique pour les bombardements de l’OTAN sur la Libye, tuant des milliers de civils et faisant des blessés en plus grand nombre encore

Les bombardements de l’OTAN sur la souveraine Grande Jamahiriya populaire, socialiste arabe libyenne, montre qu’il ne s’agit nullement d’une guerre humanitaire, mais bien d’une guerre qui protège les intérêts occidentaux sis dans des champs pétroliers, ce qui divise effectivement le pays, en violation du droit international et de la Résolution 1973. Le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki Moon, a demandé une cessation immédiate des hostilités par toutes les parties, y compris l’OTAN qui, maintenant, soutient ouvertement les rebelles dans le seul but de faire tomber le gouvernement légitime libyen et ce à n’importe quel prix.

Human Rights Watch (HRW) a déclaré que les forces libyennes utilisaient à Misrata des bombes à fragmentation. Le gouvernement libyen a nié ces accusations et a mis HRW au défi d’en apporter la preuve. Chose intéressante, aucune victime de bombe à fragmentation n’a été confirmée à Misrata. Plus perturbant est l’utilisation d’uranium appauvri d’abord par les Etats-Unis et ensuite par l’OTAN lorsqu’elle a pris le commandement et le contrôle de l’opération d’exclusion aérienne. Le Pentagone a nié en avoir fait usage. Ce déni s’est heurté à du scepticisme, en particulier au vu du déploiement des avions USAF A-10 warthog tank buster sur la Libye (avions qui servent littéralement à faire exploser des tanks) et étant donné la longue histoire de déni des Etats-Unis qui n’admettent l’usage de matériel radioactif que des mois ou des années après son usage. Sur la base de vidéo, il est plus que probable que de l’uranium appauvri a été utilisé, plus largement qu’initialement estimé, compte tenu que les Etats-Unis ont, par le passé, envoyé des obus, des bombes et des missiles contenant de l’uranium appauvri sur l’Afghanistan et l’Irak

L’utilisation par les Américains d’armes à l’uranium appauvri a détruit la cité de Fallujah en Irak et a généré d’effroyables dommages dans le domaine de la santé. Fallujah a été un haut lieu de la résistance aux forces d’invasion et d’occupation américaine en 2003-2004. Un nombre élevé d’infections, de malformations congénitales et de cancers a été enregistré et qui est à attribuer à l’utilisation d’uranium appauvri.

De plus, le conflit en Libye pourrait avoir des répercussions régionales désastreuses au Niger et au Mali où les Touaregs de la région saharienne du nord du Niger et du Mali et du sud libyen ont été impliqués dans une vague de prises d’otages et de soulèvements armés, connus sous le nom de ‘ soulèvements touaregs’. Ceci est particulièrement dangereux pour le nord du Niger. C’est là que se trouve la ville d’Arlit, une ville industrielle, sise dans la région d’Agadez, où des compagnies françaises exploitent deux grandes mines d’uranium (Arlit et Akouta).

Arlit a été au centre des fausses accusations du président Bush – la Niger connection-, lorsque, dans son adresse à la nation en 2003, il déclarait que ’’le gouvernement britannique a appris que Saddam Hossein a récemment acquis des quantités significatives d’uranium en Afrique’. Ces propos alléguant que Saddam Hossein avait tenté d’acheter du ‘Yellowcake’ au Niger au cours de la crise du désarmement, faisait partie de la rhétorique en faveur de la guerre. Propos que la CIA a par la suite déclaré fallacieux, hélas trop tard pour sauver la vie à tous ces Iraquiens qui l’ont perdue à cause de ces mensonges.

L’ambassadeur Joseph Wilson, qui s’est rendu au Niger afin d’enquêter sur le complot iraquien des ‘yellowcake’, a conclu qu’il était très douteux qu’une telle transaction ait eu lieu, ce faisant il innocentait Saddam Hossein, accusé de recommencer un programme d’armes de destruction massive. L’ambassadeur Wilson a été puni pour cela, par un groupe travaillant dans le département de Dick Cheney à la Maison Blanche, qui a révélé que son épouse, Valérie Plame, est un agent de la CIA. Cette affaire a aussi inspiré le film Fair Game paru en 2010

Ce qui est clair, c’est que les Etats-Unis, la Grande Bretagne et la France demandent maintenant une invasion de la Libye à l’iraquienne, les bottes au sol. Ceci a des implications pour les civils dans les villes qui soutiennent le gouvernement légitime et le colonel Kadhafi, parce que, bien que ceci soit vu comme un soulèvement populaire, la rébellion est confinée en certains endroits comme la ville de Benghazi. Le SAS (Special Air Service) et les Forces Spéciales françaises ont opéré dans l’Est de la Libye depuis le début et maintenant des mercenaires sont recrutés à un rythme alarmant lesquels sont informés d’un déploiement imminent en Libye, en violation avec la Résolution 1973.

Le mandat du Conseil de Sécurité des Nations Unies est un dinosaure qui date de la fin de la Deuxième Guerre Mondiale avec cinq membres permanents (La Chine, la France, la Grande Bretagne et les Etats-Unis) pourvus d’un droit de veto. Jusqu’au jour où, et à moins que l’Assemblée Générale des Nations Unies prenne des mesures décisives pour abolir les sièges permanents et le droit de veto et augmente le nombre de membres de sorte à représenter tous les continents, le Conseil de Sécurité continuera de servir les quelques nations privilégiées, pendant que les autres pourront continuer d’être légalement et légitimement bombardées, envahies, occupées sous les auspices des Nations Unies.

* Farouk James est un militant et un observateur des activités du Conseil de Sécurité des Nations Unies dans le domaine du maintien de la paix et des activités des agences d’assistance au cours des périodes de désastres, de famine et de conflits. Il évalue aussi les activités des mercenaires en Irak et en Afghanistan après avoir enquêté sur les activités de Custer-Battles LLC, un contractant de la défense qui a détourné des millions de dollars en Irak - Traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger

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