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Pour adopter les Ogm, les gouvernements africains subissent une intense pression provenant de l’intérieur mais aussi des grandes firmes agroalimentaires et des gouvernements occidentaux. Ils doivent résister à ces forces et au colonialisme alimentaire et faire leurs choix biotechnologiques en toute connaissance de cause.

Depuis plusieurs semaines une controverse intéressante fait rage au Kenya à propos d’un condiment populaire fabriqué par le géant anglo-néerlandais Unilever. Le gouvernement a annoncé, par l’intermédiaire de la National Biosafety Authoriy, qu’il mettrait un terme à la vente de l’Aromat dans le pays parce qu’il contient des ingrédients génétiquement modifiés qui pourraient être préjudiciables aux consommateurs. Le Kenya a interdit la production ou l’importation d’organismes génétiquement modifiés en 2012

Unilever est allé en justice, disant qu’Aromat a été dans les magasins depuis 13 ans et que l’interdiction des Ogm, bien qu’étant une décision du gouvernement, n’est étayée par aucune loi. De plus la multinationale argumente que le gouvernement n’a pas mis en avant la moindre preuve indiquant qu’Aromat a un effet néfaste sur le consommateur à cause des ingrédients Ogm.

En attendant la décision du tribunal, Aromat reste dans les rayons. Mais on assiste maintenant à une tournure bizarre. Il a été révélé que le gouvernement du Kenya prévoit de lever l’interdiction des Ogm. Alors pourquoi interdire l’Aromat ? Le vice-président William Ruto a déclaré lors d’une conférence internationale sur l’agriculture, à Nairobi, que le gouvernement envisageait d’authoriser les Ogm afin de stimuler la production agricole et réduire la pauvreté

Il y a quelques semaines, les gouverneurs kenyans (à la tête des 47 comtés créés par la Constitution de 2010) ont demandé au gouvernement de lever l’interdiction, affirmant qu’elle a généré des pénuries alimentaires. Selon le gouverneur de Kisumu, Jack Ranguma, président du comité de la biotechnologie des gouverneurs, les méthodes conventionnelles de culture ne suffisent plus aux besoins du pays.

La pression monte pour le gouvernement. Ce ne sont pas seulement les politiciens et les multinationales comme Unilever qui poussent pour les Ogm, Les chercheurs et les intellectuels ont aussi, au cours de ces derniers mois, utilisé diverses tribunes, y compris des conférences et les médias, pour demander que le gouvernement souscrive à la biotechnologie.

Et ce n’est pas seulement au Kenya. Dans toute l’Afrique, les Ogm sont maintenant vantés comme étant la solution à la faim et à la pauvreté des masses. Des supporters de la biotechnologie comme le professeur Calestous Juma, né au Kenya et travaillant à Harvard, croit qu’avec les Ogm, l’Afrique, qui possède les 60% de toutes les terres arables pourra non seulement nourrir sa population, mais le monde entier.

"Les cultures génétiquement modifiées ou toute autre méthode de reproduction en elle-même ne peuvent pas résoudre les problèmes liés à la qualité des aliments, à l’accès à la nourriture, à la nutrition ou la stabilité des systèmes de production. Mais leur rôle ne peut être nié pour des raisons idéologiques", a récemment écrit le professeur Juma. "Les cultures Ogm profitent déjà aux petits paysans de différentes façons. Par exemple, elles contribuent à aider les paysans à contrôler les parasites et les maladies. Ce qui entraîne une production supérieure et une augmentation du revenu qui leur permet d’acquérir une alimentation plus nutritive".

Président de la Tanzanie, Jakaya Kikwete est un néophyte enthousiaste des Ogm. Il a fait appel aux Tanzaniens pour leur demander de changer leur mentalité négative à l’égard de la biotechnologie, avançant qu’aussi longtemps qu’il n’y a pas de preuves de leur impact négatif il ne voit pas la raison pour laquelle elle ne pourrait être utilisée pour moderniser l’agriculture du pays.

L’Afrique du Sud a été, depuis des décennies, le principal partisan des cultures Ogm sur le continent. Du maïs, du coton, du soya et d’autres cultures sont maintenant des Ogm cultivées à des fins commerciales. En janvier, le gouvernement sud-africain a lancé une nouvelle stratégie bioéconomique dont elle soutient qu’elle améliorerait la sécurité alimentaire, les soins de santé, créerait des emplois et protégerait l’environnement. La nouvelle politique fait la promotion de partenariat multisectorielle et une augmentation de la prise de conscience du public quant aux bénéfices des Ogm.

Il y a quelques semaines La National Agricultural Biotechnology Development Agency (Nabda), au Nigeria, a annoncé que le gouvernement fédéral a mis en place des directives réglementaires afin d’accélérer l’adoption des Ogm. Une loi pour la biosécurité a été adoptée pour promouvoir la recherche et le développement des biotechnologies, selon le directeur général du Nabda, le prof. Lucy Ogbadu

Jusque là, seul quatre pays africains cultivent des Ogm à des fins commerciales (l’Afrique du Sud, l’Egypte, le Soudan et le Burkina Faso). Mais de la façon dont les choses se passent, il ne faudra pas long avant que le gospel des Ogm soit entonné dans tout le continent. Les partisans des Ogm soutiennent que la biotechnologie est la clé de la prospérité en Afrique où l’agriculture fournit environ les deux tiers de l’emploi à plein temps et plus de la moitié des revenus à l’exportation. La modification génétique augmentera les récoltes, améliorera la qualité nutritionnelle, aidera les cultures à résister à de mauvaises conditions météo et protègera les plantes et les animaux des parasites et des maladies, entre nombreux autres bénéfices.

Des chiffres publiés par la European Academics Science Advisory Council, indiquent que, en 2012, quelque 17,3 millions de paysans ont planté des cultures génétiquement modifiées. Globalement, il s’agit ç plus de 70% de soya et plus de 80% du coton. Des 29 pays qui ont planté des Ogm en 2012, les 20 se trouvent dans les pays en voie de développement.

La vie, en rose, pas de doute ! Un véritable exemple du succès des Ogm ? Oh oui ! L’Argentine a adopté les Ogm de bonne heure. Au jour d’aujourd’hui, le bénéfice cumulatif économique brut est estimé à plus de 72 millions de dollars, provenant principalement du soya. Le coton Bt, approuvé pour être planté en Inde en 2002, est génétiquement altéré pour tuer un ver. Son utilisation a permis une augmentation de 24 % par demi-hectare et une augmentation de 50% pour les petits paysans.

Bon. Mais est-ce bien là toute l’histoire concernant les Ogm ? Si oui, pourquoi y a–t-il une résistance aux aliments Ogm en Afrique et à travers le monde, et qui ne désarme pas ? Il y a de nombreuses organisations en Afrique et ailleurs qui mènent l’opposition aux Ogm. Près de 50 pays dans le monde ont soit carrément interdit les Ogm, soit mis en place des restrictions sévères quant à leurs production et utilisation. Se pourrait-il que le rejet vociférant soit infondé ?

Il y a trois préoccupations principales concernant les Ogm. Premièrement, la science est au mieux peu rassurante concernant la sécurité des Ogm en matière de santé humaine et de l’environnement. La majeure partie des recherches est financée par l’industrie agroalimentaire. Néanmoins, il y a des preuves qu’elles pourraient avoir des effets délétères sur la population et l’environnement.

La deuxième préoccupation est la souveraineté alimentaire. Les opposants sont convaincus que la campagne en faveur des Ogm fait partie de l’agenda néolibéral qui placerait la production agricole dans les mains d’une poignée de multinationales géantes grâce aux patentes sur les semences et le déni aux petits paysans de contrôler la production. Il est instructif que 95% des semences Ogm plantées dans le monde entier proviennent de Monsanto, le leader mondial de la biotechnologie et de l’ingénierie génétique.

Enfin, la croisade pour les Ogm pervertit le débat sur la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté. Les problèmes qui affligent les petits paysans partout dans le monde proviennent de l’accès inégal à la terre, à l’eau, à des intrants à prix abordables, aux marchés et autres ressources. La biotechnologie assiste l’agriculture industrielle et pourtant ce sont les petites fermiers, en Afrique surtout les femmes, qui nourrissent le monde. De plus, il a été démontré que la faim qui afflige un milliard de personnes aujourd’hui n’est pas le résultat d’une production inadéquate de nourriture mais bien du manque d’accès. C’est la raison pour laquelle des gens meurent de faim dans une partie du pays, pendant que la nourriture pourrit dans l’autre.

Dans ce numéro spécial de Pambazuka News, nous présentons des articles qui argumentent dans un sens ou l’autre dans ce débat captivant sur les Ogm. Il est vrai que les gouvernements africains sont sous une pression intense, aussi bien de l’intérieur que provenant des grandes firmes agroalimentaires et des gouvernements occidentaux pour adopter les Ogm.

Nous pensons que les gouvernements africains doivent résister à toutes les formes de pression et de colonisation alimentaire et leurs choix, dans le domaine de la biotechnologie, doivent être basés sur les faits et les réalités auxquels sont confrontés leur propre population. Là où la science ne fournit pas une réponse claire, nous appelons instamment à la prudence.

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** Henry Makory est rédacteur à Pambazuka News – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger

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