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(…) Ce printemps des peuples bouleverse le cours de l’histoire et offre un cinglant démenti aux formules inacceptables du discours de Dakar. Ce soulèvement populaire est l’expression d’une opposition massive à des régimes autoritaires, prédateurs et corrompus. Cette révolte des peuples, que la France officielle n’a pas vu venir, est aussi un constat d’échec pour notre diplomatie.

(…) La France doit définitivement rompre avec les pratiques de la Françafrique. Il est temps de revenir au message universel de la France, qui a su donner le vertige de la liberté aux peuples du monde entier. Il est temps de renouer avec cette France qui, ayant pris conscience de l’impasse de la colonisation, avait su accompagner la plupart des peuples africains vers l’indépendance.

La France doit effectuer un grand tournant dans sa relation avec l’Afrique. Notre politique étrangère doit viser l’émancipation des peuples d’Afrique et le droit au développement de ces pays. Un développement librement choisi par les peuples est la condition pour qu’ils vivent et s’épanouissent dans leur pays. Si nous ne faisons pas cette rupture politique et culturelle indispensable, la France continuera de maintenir des rapports paternalistes de type néocolonialiste avec l’Afrique.

Trop longtemps, la France a soutenu des dictateurs pour préserver des intérêts mercantiles. Comment accepter de telles compromissions avec des régimes qui oppriment leur peuple, détournent leurs ressources, foulent au pied les principes de la démocratie ? Une des vocations de la diplomatie est certes de faire valoir les intérêts de la France dans le monde. Mais, cette action doit se traduire par de véritables contreparties pour le développement des pays. Or dans de nombreux pays d’Afrique, certains grands groupes prospèrent sans que les pays d’accueil en retirent les fruits. Total, qui a fait un bénéfice de 10 milliards d’euros en 2010, réalise 30 % de sa production en Afrique. AREVA, Bouygues ou Bolloré font également des milliards de bénéfices alors que la population, elle, continue de vivre dans la misère et voit son environnement naturel se dégrader.

Les échanges avec l’Afrique devraient au contraire se faire au bénéfice des peuples français et africains, selon une logique « gagnant-gagnant ». L’Afrique a besoin de développer une agriculture vivrière pérenne, d’assurer l’accès à l’eau, à la santé, à l’éducation, pour que les Africains ne soient plus contraints à l’exode.

L’aide publique participe au développement du continent. L’aide française n’est néanmoins pas à la hauteur des enjeux actuels. Toujours bien en deçà du seuil de 0,7 % du PIB fixé par l’ONU, le volume de l’aide au développement diminue d’année en année.

Au-delà, la France doit promouvoir un système d’échange plus juste, pour préserver ces pays des excès de la mondialisation financière. Ainsi, la mise en place d’une taxe sur les transactions financières permettrait de mobiliser des fonds considérables pour l’Afrique.

Il est temps de mettre au pas le système spéculatif qui fait tant de dégâts sur ce continent. La tutelle des agences de notation doit cesser. Elles n’hésitent pas à abaisser la notation de l’Égypte et de la Tunisie parce que celles-ci accèdent à la démocratie. C’est scandaleux !

La politique étrangère de la France doit changer. La realpolitik doit laisser la place à de nouvelles relations avec le continent africain, débarrassées des compromissions et arrangements coupables du passé.

Pour de nombreux pays, la France continue d’incarner les idéaux de justice, d’égalité et d’universalité des droits de l’homme, même si ce message a été légèrement troublé ces derniers temps. Le rôle de la diplomatie française doit être d’accompagner les peuples sur le chemin difficile de la démocratie. La dette que nous avons contractée à l’égard des pays africains lors de la colonisation nous oblige à assumer certains devoirs.

L’Afrique a donné des grands hommes à l’histoire. Des hommes comme Nelson Mandela ou Patrice Lumumba ont été des vigies éclairées pour l’émancipation des peuples africains. Nous, les députés communistes, avons foi en l’avenir de l’Afrique et nous croyons en l’homme africain.

* François Asensi est député communiste français

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