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Le contexte de colonisation et d’exploitation de l’Afrique continue de prévaloir. Seules les formules et les approches ont changé. Devant cette prédation impérialiste, Guy Marius Sagna estime que «la gauche révolutionnaire ouvrière, populaire, anti-impérialiste doit promouvoir un programme de rupture». Il en dessine les objectifs et les moyens.

Analysons les défis quotidiens rencontrés par les classes populaires de l’Afrique au 21e siècle et établissons un lien entre l’impérialisme et ces difficultés. La disparition du camp socialiste a réuni les conditions d’un retour vers un monde unipolaire où les impérialistes arrogants (USA et UE) ont dicté aux peuples et nations opprimés leur lois par le marché et au besoin par la mitraillette.

Pour l’Afrique en général, l’Afrique de l’ouest en particulier, cela a donné naissance à un processus de re-colonisation. Ainsi, par les assassinats ciblés, les coups d’Etat militaires, constitutionnels et électoraux et maintenant la dévolution monarchiste du pouvoir, l’impérialisme a maintenu des régimes suppôts contre les intérêts des populations africaines. Les rivalités inter-impérialistes pour valoriser le capital expliquent les situations de guerre en RDC, au Soudan, en Somalie, au Tchad, de ni guerre ni paix en Côte d’Ivoire, en Sierra Leone, au Libéria, en Guinée Conakry et Bissau, au Niger, au Sénégal, etc.

Ces situations de guerres et de violences permanente imposées aux masses populaires africaines sont la continuation de la politique de pillage et d’oppression par d’autres moyens. Ces politiques semi-coloniales ont pour nom : politiques de privatisation/bradage des entreprises nationales et de la terre, politiques de libéralisation et déprotection des marchés nationaux, politique de maintien du Franc colonial CFA, politiques de désengagement des secteurs sociaux de la santé, de l’éducation, politiques au service des intérêts impérialistes, politiques imposées à travers le FMI, la Banque mondiale, l’OMC, politiques appliquées par les Wade, Boni, Compaoré, Eyadema, Amadou Toumani Touré…

Les conséquences de ces politiques pour les masses ont pour nom : Fermetures d’entreprises et licenciement de travailleurs créant un chômage endémique et massif, dépendance alimentaire, sous nutrition et même parfois famine, système sanitaire et éducatif en lambeaux, précarisation des travailleurs, baisse du pouvoir d’achat et extrême vulnérabilité aux chocs exogènes en sont quelques échantillons.

Voilà ce qui est à l’origine de « la journée sans transport » du 12 avril 2010 en Côte d’Ivoire, de la marche contre le FMI du 12 mars 2010 au Bénin, de la grève de la faim des travailleurs de Huicoma au Mali, de la perte par le paysan sénégalais de 27 franc Cfa par kilogramme d’arachide, etc. Voilà l’origine de la crise des systèmes éducatifs, de l’émigration piroguière, de l’aggravation de la pauvreté, de la misère… Chaque grève de travailleurs ou d’élèves et étudiants, chaque lutte des populations africaines est une riposte à ces politiques semi coloniales, à ces diktats de l’impérialisme étatsunien et européen.

Pour masquer cette réalité, les impérialistes diffusent parmi les masses des pays impérialistes relayées par les élites bourgeoises apatrides de chez nous des grilles de lecture ethniciste, raciste, intégriste, culturaliste, anti-scientifique. Ainsi, la situation des masses africaines serait une « punition de dieu », une fatalité. Elle s’expliquerait par « la paresse congénitale de l’homme noir », par le fait qu’il est « maudit », qu’il est « naturellement incapable, incompétent » et, pour paraphraser la célèbre insulte du président français Sarkozy, par le fait que « l’homme africain n’est pas suffisamment entré dans l’histoire ».

La gauche révolutionnaire ouvrière, populaire, anti-impérialiste doit promouvoir un programme de rupture avec la domination impérialiste pour une alternative anti-libérale et anti-impérialiste des Etats Africains souverains. L’actuelle crise systémique du capitalisme qui ne cesse de s’approfondir pose aux peuples Africains cette impérieuse nécessité.

Quels seraient les objectifs politiques et sociaux de la nouvelle vague de luttes de libération nationale populaire démocratique en Afrique ? Sur la base de ce qui précède, nous estimons que s’impose aux révolutionnaires panafricanistes africains les objectifs qui suivent :

- le semi colonialisme précarise les travailleurs et une nouvelle vague de lutte de libération nationale populaire et démocratique en Afrique met donc au-devant les victimes ouvriers et paysans, les travailleurs de l’informel, les femmes et les jeunes comme forces sociales fondamentales d’une remise en cause de la baisse dramatique du pouvoir d’achat de manière directe (salaire) ou indirecte (denrées de première nécessité, services publics…).

- L’impérialisme voulant maintenir peuples et nations dans des états semi-coloniaux dirigés par des bourgeoisies nationales serviles, une nouvelle vague de lutte de libération nationale populaire et démocratique doit s’appuyer sur les classes populaires ouvrières et paysannes qui ont seules intérêt à la souveraineté nationale conséquente tout en saisissant toute opportunité d’alliance tactique avec des secteurs de la bourgeoisie nationale restée patriote.

- L’impérialisme et ses alliés au pouvoir dans nos pays, pour atteindre ses objectifs foulent au pied toutes les conquêtes démocratiques durement gagnées dans la période de la première vague des luttes anti-coloniales, les révolutionnaires d’aujourd’hui doivent les défendre jusqu’au bout.

- L’impérialisme, c’est la division et l’unité forcée des nationalités et des peuples africains contre laquelle nous devons, en théorie et en pratique, défendre l’enseignement panafricaniste de Tiémokho Garang Kouyaté dans les années 30 : « l’union libre des peuples libres d’Afrique ».

- L’impérialisme étant l’agression contre les peuples et nations, les guerres réactionnaires de rapines, la gauche progressiste anti-impérialiste doit en théorie et en pratique mettre en avant le mot d’ordre internationaliste de Lénine : « Prolétaires de tous pays et peuples opprimés, unissez vous ».

Rôle des jeunes panafricanistes anti-impérialistes dans la prise de conscience révolutionnaire et des moyens que ces jeunes peuvent déployer pour être à la tête d’une nouvelle vague de lutte pour la libération africaine :

1- initier et soutenir tout projet d’unification des forces et organisations de gauche anti-impérialiste. Dans cette perspective, leurs organisations doivent montrer l’exemple notamment en se démarquant des stériles querelles de leadership et de chapelles ;

2 - participer à l’unité d’action pour l’élaboration d’un programme alternatif à la domination impérialiste anti-libéral fondé sur la souveraineté nationale;

3 - lutter pour rendre le mouvement ouvrier et populaire politiquement indépendant des autres classes et familles politiques;

4 - réaliser de larges fronts démocratiques par l’unité d’action contre l’impérialisme et ses suppôts locaux ; Ces fronts doivent réagirent dans chaque pays Africains contre les atteintes aux libertés démocratiques, contre les guerres d’agressions de l’OTAN et doivent agir solidairement avec les peuples Cubains et Palestiniens ;

5- oeuvrer dans les différents pays africains à l’édification d’un solide rassemblement des forces éparpillées de la gauche anti-impérialiste pour, à terme, briser le bipolarisme politique marginalisant notre famille politique ou la confinant à un rôle d’éternel faiseur de roi. Ce regroupement doit s’unir dans la prise en charge des besoins de formations politiques et idéologiques et d’un journal anti-impérialiste au service des classes laborieuses.

Frayons la voie à l’alternative anti-impérialiste en Afrique en profitant du changement en cours du rapport des forces géopolitiques et stratégiques, de la crise de l’impérialisme et de la faillite du libéralisme et du capitalisme mondial, contexte qui n’a jamais été aussi favorable qu’aujourd’hui depuis cinquante ans. Les exemples sud-américains sont là pour nous inspirer. Nos illustres prédécesseurs Lumumba, Moumié, Osendé Afana, Cabral, Sankara, Lamine Arfan Senghor, Tiémokho Garang Kouyaté et nos valeureux doyens du PAI sont là pour nous montrer la voie.

Impérialisme hors de l’Afrique ! Solidarité panafricaine et internationaliste !
Le combat continue !

* Guy Marius Sagna est membre du Secrétariat politique de Ferñent / Mouvement des Travailleurs Panafricains – Sénégal – Ce texte a servi d’introduction au débat de la conférence de la Ligue des Panafricanistes Révolutionnaires (LPR) organisé à Dakar le 28 mai 2010.

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